Marie Larivé

La hâte existentielle de l’Évangile

Méditation de Carême (1)

Il y a depuis quelque temps, un aspect qui me frappe de l’Évangile et, plus le temps passe, plus il résonne en moi, c’est la hâte qui le traverse. Chacun des quatre textes qui nous sont transmis comme Évangile officiel semble saisi par cette hâte et, pour ce carême, j’avais envie de tenter d’en déployer le sens, de l’étudier sous toutes ses coutures.

La question qui peut habiter notre carême n’est-elle pas: comment vivre avec l’horizon de la résurrection? Comment cette résurrection peut-elle avoir une influence déterminante sur nos vies? Et comment habite-t-elle la hâte qui porte les récits évangéliques?

Pour ce temps de Carême 2025, cath.ch propose une série de méditations hebdomadaires de la théologienne Marie Larivé

«Est-ce possible de ne pas être percuté par le moindre verset de l’Évangile?»

C’est en lisant un évangile d’une traite que l’expérience de cette hâte est la plus palpable. La lecture est rapide, une heure, peut-être deux. Et c’est avec l’évangile de Luc que j’ai choisi ici de déambuler. Le texte est ramassé, percutant, il ne s’embarrasse pas de superflu; on ne sait pas à quoi ressemble Jésus, il passe d’un endroit à l’autre sans transition… On le sent bien, le projet n’est pas une œuvre littéraire, mais l’urgence de la transmission de ce qui a été vu, entendu, pour que le monde connaisse la vie et la parole du messie. Écrire n’est pas le but de Luc, ni de Matthieu, ni de Jean. Il s’agit juste de donner à transmettre ce qui a bouleversé la trajectoire de leur vie.

Les mots sont pesés, comptés et capables de renverser nos vies: «Quel avantage un homme aura-t-il à gagner le monde entier, s’il se perd ou se ruine lui-même?» (Lc 9, 25).

Est-ce possible de ne pas être percuté par le moindre verset de l’Évangile? La hâte n’est pas une course folle, elle prend une parole au sérieux. «Insensé, cette nuit même on va te demander ton âme» (Lc 12, 20). Oui, c’est peut-être ce qui va arriver, en effet. Comment aurai-je alors vécu?

C’est de cette hâte que l’Évangile vient me presser. Il vient de manière insistante faire écho à ma quête existentielle d’une vie qui se veut pleine de sens. Il faut pourtant ici se défaire d’une injonction. La recherche de sens pourrait se transformer en chemin de performance où mon temps devrait sans cesse être mis à profit pour plus de charité et de sainteté. C’est une conception probablement périlleuse, encore trop comptable. La hâte évangélique vient me saisir et me suspend paradoxalement de toutes mes occupations pour me mettre à l’écoute du murmure de Dieu.

«Cette hâte est celle d’un salut qui n’est autre chose que la joie d’être avec Dieu»

Cette hâte, encore, n’est pas une hâte qui écrase les souffrances ou les néglige. Elle n’est pas non plus une hâte qui bâcle. Elle est une hâte qui rejoint les tréfonds de nos entrailles et prend au sérieux notre venue à l’existence. Elle nous presse de reconfigurer notre vie pour qu’elle corresponde à nos grands désirs, à l’élan de notre cœur.

Elle est la hâte d’un salut qui n’est autre chose que la joie d’être avec Dieu. Mais cette joie ne peut finalement être que collective. Et si la hâte a pour point de départ nos propres entrailles, elle se précipite à l’extérieur, pour s’arrimer à ce qui participera à l’affleurement du Royaume: le soin de nos liens, l’amour sans fin, la soif de justice, le pardon, la paix sans lassitude, et des choses presque impossibles à faire comme pardonner à ses ennemis (Lc 6, 27).

Voilà, c’est cette hâte que je veux méditer pendant ce temps vers Pâques et que j’aimerais laisser infuser en moi…

Marie Larivé

12 mars 2024

Pour Carême, relire l'Évangile | © Priscilla de Preez/Unsplash
11 mars 2025 | 11:39
par Marie Larivé
Temps de lecture : env. 3  min.
Partagez!