France: Les ressources de l’Eglise catholique ne dépendent que de la générosité des fidèles
Une grande disparité des richesses entre les diocèses
Paris, 1er avril 2011 (Apic) «En France, l’Eglise catholique n’est riche que de la générosité de ses fidèles», écrit Dominique Greiner, rédacteur en chef religieux du journal français «la Croix», dans son édito du 31 mars 2011. Une enquête du quotidien catholique révèle des inégalités flagrantes des ressources financières entre les différents diocèses, uniquement soutenus par le ’denier du culte’.
«Le ’denier du culte’ apparaît de plus en plus comme un acte militant. Donner à l’Eglise, c’est exprimer sa solidarité avec la cause de l’Evangile». Deux phrases qui pourraient résumer à elles seules les résultats de l’enquête réalisée par «la Croix» sur les finances de l’Eglise catholique en France, alors que le débat sur la laïcité fait couler beaucoup d’encre dans les milieux politiques.
En France, l’Eglise catholique a été privée de ses biens une première fois lors de la Révolution française, en 1789, et lors de sa séparation d’avec la République, en 1905. Aujourd’hui, selon «la Croix», elle peut compter sur quelque 700 millions d’euros annuels. Ces recettes, «constantes voire, légèrement en progression», selon le journal, proviennent essentiellement de donateurs et font de la France un cas particulier en Europe, où les Eglises catholiques sont le plus souvent financées par l’impôt ecclésiastique. De plus, l’Eglise catholique de l’Hexagone ne touche pas de subventions, ni du Vatican ni de l’Etat, qui ne l’aide qu’en cas de participation à des missions d’intérêt général.
Les diocèses doivent assumer seuls la rémunération de leurs prêtres et de leurs laïcs, supporter le poids des retraites des curés âgés, et financer la formation, etc. Seul point ’positif’: ce sont les communes, souvent propriétaires des lieux de culte, qui assurent la plupart du temps leur entretien.
La différence va de 1 à 20
L’enquête réalisée par «la Croix» démontre aussi que ces quelque 700 millions annuels sont extrêmement mal répartis sur le territoire, où il existe des diocèses aisés, comme Paris, et des très pauvres comme Marseille, Saint-Denis ou Arras.
«Si l’on additionne les trois grandes ressources, le denier, le montant des quêtes et les legs (constitués parfois de biens immobiliers qui sont alors vendus), le moins que l’on puisse dire, c’est que l’Eglise ne dispose pas partout des mêmes moyens. Rapportée au nombre d’habitants, la différence va de 1 à 20. Paris est un cas à part: dans ce diocèse, l’Eglise dispose de plus de 20,50 euros par habitant. A l’autre extrême, l’Eglise de Saint-Denis, au nord de la capitale, doit se contenter de 2,50 euros par habitant», écrit la journaliste Isabelle de Gaulmyn. Selon elle, cette disparité a des causes historiques: les ressources se trouvent là où sont les catholiques. Elle est représentative de la géographie traditionnelle du catholicisme dans le pays, avec une forte implantation dans les diocèses du Massif central (Mende, Le Puy), l’Ouest (Luçon) et la Savoie.
Selon «la Croix», les recettes sont moins élevées dans les grandes agglomérations et les quartiers populaires, où vit une population en majorité non catholique. Ici, on pratique une autre religion (protestantisme, islam) ou on a perdu tout lien avec la pratique religieuse. En région parisienne, la différence entre les centres-villes, où l’Église bénéficie de ses «bases» traditionnelles auprès des catégories sociales supérieures, et la banlieue est flagrante: le montant des ressources n’a rien à voir de part et d’autre du périphérique, et des diocèses comme Saint-Denis, Pontoise ou Évry tirent le diable par la queue.
Des pros venus du privé
De telles disparités font prendre conscience de la déchristianisation du pays, mais aussi qu’une meilleure solidarité entre les diocèses français devient nécessaire, alors qu’il n’existe aucun système de péréquation nationale. Ainsi, pour assurer leur financement, de nombreux diocèses rivalisent d’imagination, notamment auprès des non-pratiquants, «plus enclins à donner leur argent pour des causes humanitaires qu’à soutenir l’Eglise dont ils partagent les valeurs».
Les «économes diocésains», chargés des finances de l’Eglise, sont désormais des professionnels venus du privé. Ils sont obligés de recourir à des techniques de plus en plus sophistiquées pour augmenter les ressources. Ils essaient d’accomplir de «petits miracles», grâce à de gros efforts de gestion et de communication, notamment en spécifiant bien la destination de l’argent. Aux yeux des économes, ce sont les legs qui représentent aujourd’hui la recette la plus prometteuse, mais peut-être aussi la plus ’dangereuse’: «Ce sont des recettes exceptionnelles, qui doivent être utilisées pour financer des investissements, par exemple la réalisation d’un centre diocésain, et non les dépenses courantes, comme le salaire des prêtres», prévient Jean-Yves Bourgeois, du diocèse d’Amiens.
«Les legs appartiennent aux générations passées. Il faut maintenant se tourner vers les jeunes», abonde Laurent Charignon, de Lyon. «Aujourd’hui, le donateur type de l’Eglise est une catholique âgée de 70 ans. L’Eglise a trop de pudeur vis-à -vis de jeunes qui, pourtant, ne sont pas démunis…»
Les ressources des diocèses de France (713 millions d’euros en 2009)
1. Denier de l’Eglise et autres campagnes (231 millions d’euros): c’est la ressource la plus importante, avec 1,380 million de foyers donateurs. Le don moyen annuel par donateur est important (167 «‚¬), avec des différences très sensibles selon les diocèses (de 80 à 400 «‚¬). Cette ressource ne parvient pas à elle seule à couvrir les traitements et charges sociales du clergé, ce pour quoi elle a été créée en 1905.
2. Les offrandes de messe (57 millions d’euros): cette ressource (environ 8,2 % du total) devrait continuer à baisser, en raison de la diminution du nombre des prêtres.
3. Les quêtes (147 millions d’euros): leur montant se situe aux alentours de 2,50 «‚¬ par habitant et par an. Il représente environ 22,57 % des ressources.
4. Le casuel (75 millions d’euros): ce sont les offrandes de cérémonie (mariages, enterrements). Elles représentent environ 11,56 % des ressources.
5. Les legs, donations et assurances-vie (85 millions d’euros): ils représentent 12,3 % du total des dons. Certains diocèses en reçoivent beaucoup (plus de 30 % de leurs ressources).
6. Troncs, cierges, vente, divers (60 millions d’euros).
7. Les produits financiers (34 millions d’euros): il s’agit des revenus financiers tirés du placement des réserves des diocèses.
6. Les produits immobiliers (24 millions d’euros): ils sont accessoires (en moyenne 3,82 % des ressources).
(Sources: Conférence des évêques de France/la Croix) (apic/lacroix/nd)