«Notre Eglise se meurt, on a besoin de la chaleur de l’Afrique !»
Einsiedeln: Participation enthousiaste au 3e Pèlerinage des Africains de Suisse
Einsiedeln, 1er septembre 2013 (Apic) Venus de Fribourg, Romont, Bienne, Berne, du Tessin, de la région de Bâle, de Zurich, Winterthur, St-Gall, Lucerne et, pour la première fois, du Jura, quelque 300 Africains se sont rendus en famille, accompagnés d’amis suisses, samedi 31 août, en pèlerinage à l’Abbaye bénédictine d’Einsiedeln. Cette 3e édition du Pèlerinage des Africains de Suisse à Notre-Dame des Ermites a fait vibrer, au son des balafons et des djembés, les ors baroques du vénérable sanctuaire.
Igbos du Nigeria, Erythréens, Camerounais, Congolais, Angolais et Rwandais ont animé ces lieux d’ordinaire si solennels de leurs youyous et de leurs danses chaloupées rythmées par les percussions. Aux pèlerins catholiques s’étaient joints, dans une foule joyeuse et enthousiaste, des Erythréens de confession orthodoxe et quelques fidèles appartenant à des Eglises évangéliques et de Réveil. Oscar Kayembe, qui coordonnait le pèlerinage pour la région de Fribourg, confie à l’Apic que de son vivant, Mgr Bernard Genoud, évêque de Lausanne, Genève et Fribourg, lui avait dit: «Notre Eglise se meurt, on a besoin de la chaleur de l’Afrique !»
A voir et à entendre les diverses chorales animant ce pèlerinage, mis sur pied par «migratio», l’office de la Conférence des évêques suisses (CES) pour la Pastorale des migrants et des personnes en déplacement, le pari était réussi ! Directeur de la Chorale Africaine de Fribourg, rattachée à l’église St-Paul du Schönberg, Oscar Kayembe rappelle d’emblée à la cinquantaine de participants rassemblés dans le bus qu’il faut prier Notre-Dame. Il faut demander son intercession afin qu’elle vienne au secours du continent africain assailli par tant de maux, de la République démocratique du Congo, en passant par la Côte d’Ivoire, le Mali, la République centrafricaine, la Libye ou l’Egypte.
Se tourner vers Dieu plutôt que vers les hommes politiques
«En Afrique, on ne peut pas compter sur les hommes politiques pour améliorer la situation, ils ne travaillent que pour eux-mêmes, pour les propres intérêts, et n’ont pas le souci de la population… Il faut nous tourner vers Dieu, la prière est une arme efficace pour changer la situation !»
Le pèlerinage d’aujourd’hui, relève cet employé de Swissport à Châtel-St-Denis, permet aussi de renforcer la fierté et la confiance des Africains vivant en Suisse, qui ressentent parfois le regard hostile de quelques uns, voire le racisme. Et si l’élection d’un préfet à la peau noire dans le district fribourgeois de la Sarine, tout comme l’arrivée d’Obama à la tête des Etats-Unis, «est effectivement une petite révolution, il y a encore une longue marche à accomplir !»
Renforcer la fierté et la confiance des Africains vivant en Suisse
Avant la grand-messe présidée, dans l’église de l’Abbaye, par l’évêque de Lugano, Mgr Pier Giacomo Grampa, les pèlerins ont effectué le chemin de croix, aux stations sculptées par Alois Payer, en longeant le Johannisbach puis en montant vers St. Meinrad, où culmine un imposant calvaire. Les stations de la via crucis ont été l’occasion de méditer, à partir d’un extrait des Ecritures, sur ce que vivent aujourd’hui les migrants et les réfugiés qui fuient la misère et la répression.
Ainsi, à la première station, quand Jésus est condamné à mort, un lecteur a rappelé aux pèlerins que «cette condamnation à mort se répète lorsque des travailleurs et leurs familles sont exclus de la possibilité de vivre une vie humaine authentique et digne dans leur propre pays… Lorsque les autorités mettent en place des politiques qui condamnent ces mêmes travailleurs immigrés à mourir de faim, de froid, d’épuisement et de déshydratation dans les montagnes et les déserts… Lorsque les lois qui régissent les migrations dépossèdent les migrants des droits humains fondamentaux et de toute dignité humaine, les condamnant à une vie clandestine et illégale».
Une méditation qui fait prendre conscience des injustices
Dans cette suite de méditations, ponctuée de chants en tigrinya, langue des Erythréens, ou entonnés par les Igbos du Nigeria, les pèlerins ont été alertés des dangers que courent sur les routes de l’exil les plus vulnérables, à savoir les femmes et les enfants. Si Jésus à l’époque avait demandé aux femmes de Jérusalem de pleurer sur les membres les plus vulnérables de la société, aujourd’hui encore, ce sont les mêmes qui sont les plus touchés, car «parmi les 42 millions de réfugiés et personnes déplacées dans le monde, 80% sont des femmes et des enfants… Les femmes sont toujours confrontées à la même pauvreté, manquent d’accès à l’éducation et sont davantage sujettes aux trafics d’êtres humains».
Durant la messe, la lecture des intentions en diverses langues a également été le moment d’attirer l’attention sur le sort des sans-abri, des sans papiers et des plus démunis, et sur l’impératif de solidarité des responsables aux plans politique, économique et religieux. Mgr Grampa l’a bien rappelé lors de son homélie, soulignant que tous ont une place dans le banquet de la vie et que nous sommes tous des invités, «et celui qui invite, c’est Dieu lui-même !» Après la célébration, sous un soleil radieux, les participants se sont rassemblés dans les jardins de l’Abbaye pour un joyeux pique-nique agrémenté de force spécialités africaines, avant de se disperser aux quatre coins de la Suisse. (apic/be)