La minorité musulmane coréenne: une communauté discrète en pleine expansion
Estimés à 150’000, les musulmans représentent 0,3% des 49 millions de Sud-Coréens. Une communauté en pleine expansion mais qui souffre de discrimination.
«J’ai grandi dans une famille chrétienne, mais dans le christianisme coréen, il existe de fortes discriminations. Les pasteurs ne considèrent pas les pauvres et les riches de la même manière», confie Son Chan-kyung. Le Sud-Coréen âgé de 64 ans, interrogé par Eglises d’Asie (EdA), l’agence d’information des Missions Etrangères de Paris, s’est converti à l’islam. «J’ai découvert que l’islam était égalitaire. Même les hautes personnalités musulmanes saluent les autres fidèles et mangent comme eux», ajoute-t-il. Yusup, prénom que Son Chan-kyung a choisi en devenant musulman, a découvert l’islam voici 40 ans, lors d’un déplacement professionnel en Arabie Saoudite. Il fait partie de la petite communauté musulmane présente en Corée du Sud, essentiellement composée d’immigrés venus travailler dans la Péninsule coréenne.
Une communauté musulmane minoritaire
En 2010, 29% des Coréens se déclaraient chrétiens (10% de catholiques et 19% de protestants), 23% bouddhistes, et 46% sans appartenance religieuse. Selon Kwon Jee-yun, directrice de recherche en islamologie au Torch Trinity Center de Séoul, la plupart des quelque 150’000 musulmans de Corée du Sud sont d’origine étrangère, et principalement issus du Moyen-Orient ou d’Asie du Sud. Dans les années 1990 et 2000, les immigrés venaient essentiellement d’Indonésie et de Malaisie. S’il est difficile de connaître le nombre exact de musulmans d’origine coréenne tant cette partie de la communauté musulmane est numériquement faible, la Fédération musulmane de Corée estime toutefois leur nombre à plus de 50’000, soit un tiers de la communauté.
Une minorité en pleine expansion
Selon Kwon Jee-yun, le principal motif de conversion des Coréens à l’islam réside dans le mariage avec un conjoint ou une conjointe musulmane. «Lors du mariage, le conjoint coréen se convertit tout naturellement, et les enfants deviennent ensuite musulmans», analyse-t-elle. Des conversions qui aujourd’hui restent, certes, minoritaires, mais qui sont en forte expansion depuis une dizaine d’années. Depuis 2003 en effet, on a assisté à une augmentation de 150% du nombre de musulmans, avec une augmentation de près de 70% des convertis d’origine sud-coréenne.
Pourtant, dans une société sud-coréenne très codifiée, l’islam souffre d’une mauvaise image et les musulmans doivent faire face à une méfiance généralisée à leur égard, quand ils ne subissent pas une certaine forme de discrimination.
Une communauté qui peine à vivre sa foi en public
Les différences de rites observés par les musulmans peuvent également être source de stigmatisation. Dans l’espace public, le port du foulard par des musulmanes peut faire problème. «Au début, je portais le foulard pour sortir. Mais tout le monde me regardait et certains me montraient du doigt, confie Yi Chong-sun, qui s’est convertie à l’âge de 20 ans. A présent, je le mets uniquement pour la prière». Assister à la prière du vendredi midi en pleine journée professionnelle n’est pas simple non plus, tout comme le respect des interdits alimentaires – alcool, viande de porc –, qui viennent se heurter aux habitudes collectives de la société sud-coréenne.
Park Dong-sik, un Sud-Coréen devenu musulman qui promeut l’islam via Internet et les réseaux sociaux, se plaint de harcèlement continu sur la toile, depuis la montée en puissance de Daech, ces dernières années.
Pour certains analystes, les pressions et la crainte d’être stigmatisé par la société sud-coréenne expliquent en partie pourquoi un nombre croissant de Coréens convertis à l’islam préfèrent vivre leur foi en privé.
Longue disparition de l’islam
C’est au 9ème siècle que l’islam a pour la première fois été introduit en Corée, par l’intermédiaire de commerçants arabes et persans. A partir du 14ème siècle, il a complètement disparu de la Péninsule, avec la prédominance du confucianisme. Ce n’est que lors de la guerre de Corée (1950-1953), avec l’arrivée de soldats turcs parmi les forces onusiennes, que l’islam est réapparu. 1955 est d’ailleurs considérée comme l’année officielle de naissance de l’islam en Corée du Sud, avec l’élection du premier imam coréen. La Fédération musulmane de Corée a été fondée en 1967, et la Grande mosquée de Séoul construite en 1975, principalement avec des fonds de la Mission islamique de Malaisie. (cath.ch-apic/eda/rz)