Le rapport dénonce la «totale impunité accordée aux agresseurs»
Inde: Des ONG chrétiennes ont enquêté sur les violences contre les femmes
Delhi, 3 mars 2013 (Apic) Une commission formée de d’organisations chrétiennes vient de rendre un rapport accablant sur la situation d’insécurité et de violence sexuelle que subissent les femmes dans l’Etat d’Orissa, en Inde. Les résultats paraissent en pleine polémique sur un projet de loi qui va être proposé au Parlement en réponse à la vague d’indignation qui a soulevé l’Inde après le viol et la mort d’une jeune étudiante à Delhi en décembre dernier.
La délégation œcuménique «All India Fact Finding on gender violence», qui comprend neuf représentants d’organisations chrétiennes, a enquêté au Kandhamal du 23 au 26 février dernier, rapporte l’agence «Eglises d’Asie». Elle s’est entretenue avec les autorités mais aussi avec les victimes «survivantes», ainsi qu’avec les proches des filles récemment violées et assassinées, dont une fillette de 6 ans et des adolescentes de 13 et 14 ans. Le groupe a rédigé une déclaration, qui a été rendue publique lors d’une conférence de presse à Bhubaneshwar le 26 février.
La délégation exprime son inquiétude sur l’augmentation des violences envers les femmes et en particulier les très jeunes filles, et dénonce la «totale impunité accordée aux agresseurs». Il demande que «le gouvernement de l’Orissa prenne des mesures urgentes pour appliquer ’la tolérance 0’ concernant les viols dans l’Etat, spécialement dans les districts les plus vulnérables comme celui du Kandhamal où la population est essentiellement constituées de dalits et de tribals (aborigènes)».
Les agresseurs davantage protégés que les victimes
Les autres conclusions de l’enquête sont tout aussi sévères, affirme «Eglises d’Asie»: aucune des victimes de viol n’a jamais reçu d’indemnités. La délégation dénonce également le fait que les autorités n’aient pas protégé les victimes, mais les agresseurs. Elle estime que les responsables de cette négligence «doivent faire l’objet de sanctions pénales». La délégation a relevé que les forces de police refusaient d’enregistrer les plaintes et que les conseils de village obligeaient les victimes à se taire. Dans la majorité des cas, relève John Dayal, secrétaire général du All India Christian Council (AICC), les femmes ayant subi des violences ne se voient même pas accorder le statut de victimes.
La police du district prétend que le nombre de viols est en diminution. Pour 32 cas enregistrés en 2011, il y en aurait eu «seulement» 21 en 2012. Des chiffres contestés par les ONG locales qui déclarent avoir recensé au moins une dizaine de viols de novembre 2012 à janvier 2013. Elles expliquent que la police refuse d’enregistrer des «centaines de plaintes», mais aussi que la majorité des victimes n’osent rien dire «par crainte de représailles».
La délégation a recommandé la formation des personnels administratifs et des forces de police, ainsi que la mise en place de campagnes de sensibilisation dans les écoles, les municipalités et les conseils de village. Selon les ONG chrétiennes, le plus important est de s’attaquer au changement des mentalités qui sont à l’origine de la persistance des discriminations sexuelles et du mépris concernant les femmes.
Le communiqué souligne également l’urgence de fournir aux victimes des services de consultation spécifiques, avec des femmes médecins formées à cette traumatologie, comme cela a été mis en place dans presque toute l’Inde. «L’absence de centres ou de services dédiés à l’aide et au soin des femmes victimes, aggrave encore la situation déjà très vulnérables des femmes», a commenté Sr Mary Scaria, avocate et membre de la délégation, qui préconise également l’installation d’une hotline d’urgence.
Trafic de jeunes filles à grande échelle
Le groupe s’est dit également frappé par le nombre de femmes abandonnées par leur mari et laissées sans ressources, ainsi que par le manque de surveillance des écoles et des foyers gérés par le gouvernement où 10’000 jeunes filles dalit et adivasi sont hébergées pour leurs études. De nombreuses étudiantes disparaissent sans que nulle enquête ne soit menée. Le groupe dénonce le «trafic humain à grande échelle» en augmentation dans le Kandhamal, et souligne que le gouvernement n’a mis en place aucun moyen de lutte contre ce fléau.
La publication de ce rapport survient alors que le projet d’amendement du Code pénal sur les violences sexuelles fait l’objet d’un débat national en Inde, après le terrible viol d’une étudiante de Delhi. A la suite des nombreuses manifestations demandant la révision d’urgence de la législation indienne, le gouvernement fédéral avait chargé une commission menée par l’ancien président de la Cour suprême J S Verma, de proposer des réformes pour lutter contre les viols. Le 23 janvier dernier, la commission Verma rendait son rapport au ministre de l’Intérieur et le 3 février le président indien Pranab Mukherjee signait une ordonnance de modification du Code pénal.
Mais selon différentes ONG, dont Amnesty International et Human Rights Watch (HRW) qui ont publié un communiqué de presse commun le 12 février, ce nouveau texte de loi – lequel doit être voté lors de la prochaine session budgétaire du Parlement -, n’atteindra pas son but, bien au contraire. Contrairement à l’engagement pris par le gouvernement, il ne respecte pas les normes internationales concernant les droits de l’homme. (apic/eda/bb)