En Moldavie, des prêtres orthodoxes contre la férule de Moscou
Depuis l’agression russe contre l’Ukraine, il y a près de deux ans, un nombre croissant de paroisses orthodoxes de Moldavie ont décidé de quitter le giron de Moscou pour rejoindre l’Eglise orthodoxe de Roumanie.
Si la branche moscovite de l’orthodoxie revendique quelque 1’350 paroisses en Moldavie, la faction roumaine en compte désormais plus de 200.
Plaintes des fidèles, réunion de crise, désaffection de prêtres, les temps sont durs pour l’Eglise orthodoxe de Moldavie affiliée à Moscou, a rapporté l’AFP le 24 décembre 2023.
A 30 km de la capitale Chisinau, le village de Cimiseni a fait son choix: exit le patriarcat de Moscou, place à l’Eglise métropolite de Bessarabie qui dépend de la Roumanie. L’histoire complexe de ce pays de près de 2,6 millions d’habitants majoritairement orthodoxes, a été dominé au fil des siècles tantôt par Bucarest tantôt par Moscou.
Avant la guerre déjà, l’idée avait effleuré cette communauté de 2’850 personnes pour la plupart roumanophones, mais le prêtre craignait alors les querelles. L’offensive russe contre l’Ukraine, ›réalisée avec la bénédiction du patriarche Cyrille de Moscou’ a servi de déclic, a expliqué le curé à l’AFP. »Ce combat entre frères orthodoxes a révolté les gens». L’accueil de nombreux réfugiés ukrainiens a aussi éveillé les consciences. »Les paroissiens ont commencé à me dire qu’ils ne voulaient plus venir dans l’église de Cyrille pour recevoir la communion.»
En août 2023, la paroisse a officiellement franchi le pas, passant sous tutelle roumaine. »Plus rien ne nous unit à Moscou. Nous n’avons même pas de frontières avec la Russie!», lâche le prêtre qui comprend pas «la nostalgie de certains pour l’Union soviétique». Selon la Métropole de Bessarabie, plus d’une cinquantaine de paroisses seraient dans ce cas.
L’église orthodoxe liée à Moscou russe inquiète
Dans une récente lettre, le métropolite Vladimir, à la tête de la Métropole de Moldavie liée à Moscou, s’est inquiété du départ de prêtres et de la «marginalisation» de son Église »en raison de son appartenance au patriarcat de Moscou, perçu dans la société moldave comme un avant-poste du Kremlin».
Une réunion des responsables s’est tenue dans la foulée, avec la décision de maintenir le statut actuel de l’Église. »Nous ne nous sentons pas en danger», assure l’évêque Ioan de Soroca, tout en regrettant la décision de certains prêtres. «Ces âmes perdues doivent revenir à la raison».
Une renaissance en 1992
«Nous avons dû repartir de zéro après notre renaissance en 1992», dans la foulée de l’indépendance de la Moldavie, explique Constantin Olariu, porte-parole de la Métropole de Bessarabie. »Ceux qui le veulent seront reçus à bras ouverts», ajoute-t-il, jugeant la tendance inéluctable alors que la Moldavie s’apprête à ouvrir des négociations d’adhésion à l’UE. «C’est un signal pro-européen», estime-t-il.
La présidente moldave Maia Sandu a envoyé un message similaire: «Toute la société doit s’unir, y compris l’Église pour la paix, sur le chemin de l’intégration européenne». (carth.ch/ag/mp)