Brésil: «Les LGBT aussi, sont des enfants de Dieu»
Sao Paulo, 19.08.2015 (cath.ch-apic) A quelques semaines du prochain synode sur la famille, les débats vont bon train au sein des mouvements rattachés à l’Eglise catholique brésilienne. Parmi elles, le Groupe d’action pastorale pour la diversité, regroupant des LGBT (Lesbiennes, Gays, Bissexuels et Transsexuels) qui réclament d’avoir toute leur place au sein de l’Eglise.
Dans la grande salle de réunion du Centre des franciscains de Sao Paulo, la mégapole du sud du Brésil, une vingtaine de personnes a pris place sur des chaises disposées en arc de cercle. La table qui sert d’autel lors de la célébration des messes, a été recouverte d’un drapeau arc-en-ciel, symbole de la communauté gay. A côté d’une croix et d’un rétroprojecteur, quelques livres: «Je suis venu pour servir», du pape François; «Jésus aujourd’hui», ou encore «Foi et Vie». Visage jovial et petite barbe blanche bien taillée, le Père Geraldo, un Jésuite de 74 ans, invite les participants à prendre la parole. «Dans la perspective du synode sur la famille, je vous propose de consacrer la réunion d’aujourd’hui à réfléchir à ce qu’il est nécessaire de faire pour que les LGBT aient toute leur place au sein de l’Eglise catholique brésilienne».
Partager sa foi sans discrimination
Bienvenue au Groupe d’action pastorale pour la diversité de Sao Paulo. Créé en 2008, cette pastorale se réunit deux samedis par mois et accueille des membres de la communauté LGBT en quête d’un lieu où ils peuvent «partager leur foi sans craindre d’être victimes de discriminations» et participer à une messe célébrée par le Père Geraldo. «Ils viennent surtout exprimer leur désir d’être accueillis par l’Eglise comme des fils et des filles de Dieu à part entière», explique le prêtre. Un sentiment légitime dans le pays qui compte le plus grand nombre de catholiques au monde (160 millions de personnes baptisées). Mais pas si simple, car le Brésil est également le pays le plus homophobe de la planète, avec 312 meurtres d’homosexuels, travestis et transsexuels commis en 2013.
«L’Eglise doit être ouverte à tous»
Simone, la quarantaine est du genre réservée. Pourtant, cette ancienne religieuse et missionnaire au sein de la Pastorale des sans domicile fixe de Sao Paulo, est la première à se lever pour prendre la parole. Car c’est justement dans le cadre de cette mission qu’elle a pris conscience des difficultés de l’Eglise à accepter la diversité sexuelle. «J’ai commencé à fréquenter l’Eglise à l’âge de 14 ans, explique-t-elle. Ma famille n’était pas catholique. Mais j’ai découvert l’Eglise catholique. Je m’y suis reconnue et j’ai beaucoup aimé. Sauf que j’étais divisée, car l’Eglise n’acceptait pas l’homosexualité.» Décidant de devenir missionnaire «pour ne pas être tentée de sortir avec des femmes», Simone s’implique auprès des gens de la rue. C’est là qu’elle reçoit un choc.
«Un jour, nous avons rencontré une transsexuelle. Et cela a été un gros problème. Car comment accueillir cette personne? Nous avions une maison réservée aux hommes et une pour les femmes. Où pouvait-on caser cette transsexuelle? Comme on ne savait pas où la mettre, cette personne a été renvoyée dans la rue». Choquée, Simone est allée voir le prêtre. «Je lui ai d’abord dit que j’étais homosexuelle. Et que je pensais que l’Eglise faisait tout faux. Je lui ai dit que l’Eglise catholique devait être ouverte à tous». Le prêtre m’a totalement soutenu. C’est même lui qui m’a dit qu’il existait ce groupe d’action pastorale. Et il m’a dit: «Va accomplir ta mission. L’Eglise a vraiment besoin de bouger».
«Pas de problème avec Dieu»
Ne manquant jamais une réunion du groupe, Simone assure y avoir trouvé un accueil. «Je crois que l’Eglise doit être ainsi. Peu importe ma couleur de peau ou ma sexualité. Ce qui est important, c’est que je sois catholique. Donc ce que j’ai rencontré ici, c’est vraiment l’Eglise catholique. J’ai rencontré un prêtre qui m’accepte. J’ai rencontré un groupe de gens qui sont pareils à moi. J’ai rencontré des hétérosexuels qui disent que l’Eglise doit changer et s’adapter à nous, les homosexuels, car, nous aussi, nous sommes des enfants de Dieu. En fait, je me suis découverte comme fille de Dieu».
Pourtant Simone estime que l’Eglise n’est pas encore très ouverte. La preuve? «Je suis allée une fois me confesser dans la paroisse près de chez moi. J’ai confessé que j’étais homosexuelle. Et ensuite, à chaque fois que j’allais à la messe et que je passais près du prêtre, il me demandait: ‘Et alors, vous avez résolu votre petit problème avec Dieu?’ Alors, un jour j’ai fini par lui dire : ‘J’ai déjà résolu mon problème avec Dieu. Par contre je pense que le problème n’est pas résolu avec vous!’»
«L’institution est en train de s’ouvrir»
Ce genre de témoignage ne surprend guère le Père Geraldo. Après 50 ans de prêtrise, qui l’ont amené à travailler au sein de la pastorale carcérale, puis avec les handicapés mentaux, le jésuite, qui accompagne le groupe depuis 2012, considère pourtant que l’Eglise catholique est en train d’évoluer. Et le pontificat de François lui donne des espoirs. «Sur le thème de la sexualité et de l’homosexualité, l’institution est en train de s’ouvrir. Et, de temps en temps, il y a des gens qui ont la force du pape François pour donner un coup d’accélérateur, comme il l’a fait en prononçant cette phrase, en rentrant des Journées Mondiales de la Jeunesse (JMJ), en juillet 2013: ‘Si une personne est gay et cherche le Seigneur avec bonne volonté, qui suis-je pour la juger?’».
Une petite phrase d’autant plus courageuse que, selon le religieux, il est très important que l’Eglise aborde cette thématique de la diversité sexuelle. «L’Eglise est composée de la hiérarchie et du peuple. Autant au sein de la hiérarchie qu’au sein du peuple, il y a une grande diversité sexuelle, assure le Père Geraldo. Donc je pense qu’en abordant ce sujet, elle aborde sa propre vie. Et surtout, elle s’oblige à réfléchir sur un thème encore très épineux, mais qui fait partie de sa propre vie.»
Une réflexion indispensable qu’appelle également de ses voeux Fernando, 28 ans, professeur de géographie. Plus jeune, il a pensé à devenir prêtre. Mais il y a renoncé. Car, il y a deux ans, Fernando s’est marié civilement à un homme (Le Brésil a légalisé le mariage homosexuel en mai 2013, ndlr) Aujourd’hui, il est l’un des piliers de la pastorale de la diversité. Il comprend d’autant moins les difficultés de l’Eglise à accepter les homosexuels que lui-même en a croisés beaucoup lorsqu’il était séminariste.
«Poser un autre regard»
«Je pense qu’un homosexuel, indépendamment de son option de sexualité, a exactement les mêmes conditions de vivre sa foi que tout autre croyant. Ce blocage de la hiérarchie est d’autant plus incompréhensible que nous savons très bien, nous qui avons été religieux, qu’il existe une grande majorité de prêtres homosexuels qui sont ordonnés. Mais cela n’a jamais été un obstacle pour l’Eglise». Quant à savoir comment en finir avec ce sentiment de discrimination vécu par les catholiques gays, Fernando est convaincu qu’il passe par le fait de poser un regard différent. «Je crois qu’à partir du moment où l’on cesse de regarder les différences et que l’on se concentre sur la question humaine, on va parvenir à faire en sorte que l’idée du Christ soit réellement vécue. Alors, vous allez regarder le visage de votre frère, indépendamment du fait qu’il soit homosexuel, pour y voir le Christ en lui».
Sur ce point, les avis des membres du Groupe d’action pastorale pour la diversité se rejoignent. «La discrimination dont nous sommes victimes ne vient pas vraiment des autres fidèles mais plutôt de la hiérarchie de l’Eglise, assure Simone. Pourtant, il faudra un jour ou l’autre qu’elle aborde de front la question de la diversité sexuelle. Et le plus tôt sera le mieux». Une lenteur de l’institution que le Père Geraldo comprend néanmoins. «L’Eglise est un pachyderme. Elle a fait le choix de la structure, de l’orthodoxie. Elle a peur de se lancer dans les zones proches des frontières. Mais au fond, je pense que c’est mieux d’avancer lentement. Car si l’on va trop vite, on risque de diviser l’Eglise». (apic/jcg/rz)