Pauvreté en Suisse: les femmes sont plus menacées que les hommes | Caritas Suisse © Severin Nowacki
Suisse

Berne: le Forum Caritas se penche sur la pauvreté des femmes  

En Suisse, les femmes sont plus touchées par la pauvreté que les hommes.  Le Forum Caritas, réuni le 8 avril 2022 à Berne, a rassemblé quelque 300 spécialistes qui se sont penchés sur les causes de la pauvreté des femmes et ont cherché des moyens de réduire ce risque.  

Dans son message de bienvenue au Forum de politique sociale, Gisèle Girgis-Musy, membre du Présidium de Caritas Suisse, a relevé que l’égalité, pourtant ancrée dans la Constitution suisse, n’est en réalité pas acquise dans de nombreux domaines. Cela concerne notamment le marché du travail, Il existe des causes structurelles de la pauvreté des femmes. «Les répartitions traditionnelles des rôles ont des répercussions aujourd’hui encore.»

Le système social et le marché du travail désavantagent les femmes

Andrea Gisler, avocate et spécialiste du droit de la famille, a montré comment le système social suisse désavantage les femmes et augmente leur risque de pauvreté. Le système de prévoyance (LPP) étant lié au revenu, il est impossible pour les femmes qui exercent une activité non rémunérée de se constituer par elles-mêmes une prévoyance professionnelle correcte.

En outre, de nombreuses femmes sont sous-employées, sous-payées et surexploitées et donc souvent pauvres bien qu’elles travaillent, comme l’a souligné Morgane Kuehni, professeure à la Haute école de travail social et de la santé de Lausanne. Le travail à temps partiel est surtout en vigueur dans les secteurs des soins et des services, qui comptent une proportion très élevée de femmes. Ainsi le marché du travail désavantage les femmes et augmente leur risque de pauvreté.

Ce que les méthodes de gestion apportent au secteur de la santé

Pourquoi précisément les activités de soins, aux enfants, aux personnes âgées ou handicapées, aux malades, essentielles au bon fonctionnement de la vie quotidienne, sont-elles les plus mal rémunérées? s’est interrogé le professeur d’économie Mathias Binswanger. Pour lui, la cause est à rechercher dans l’apparition de méthodes de gestion au nom de la qualité et de l’efficacité. De nombreux emplois administratifs exigeant une formation plus poussée et bien rémunérés ont ainsi vu le jour, ce qui a renforcé la pression salariale sur les activités moins qualifiées.

Parallèlement, certains emplois, notamment ceux qui sont concrètement au contact des patients, sont dévalorisés parce qu’ils ne peuvent pas être automatisés et rationalisés. Ils sont donc exposés à une concurrence mondiale de plus en plus rude de la part d’une main-d’œuvre immigrée trop bon marché. La vulnérabilité de l’économie face aux crises renforce la pression à faire des économies, notamment au détriment des services à la personne.

Ueli Mäder, professeur émérite de sociologie, a relevé qu’en temps de crise, les rôles traditionnels ont tendance à se renforcer. Lors de la pandémie de Covid-19, la fermeture des écoles et des crèches a ramené de nombreuses femmes dans des rôles traditionnels au sein du foyer et dans l’éducation des enfants.

Quand les discriminations se superposent

Lelia Hunziker, secrétaire générale du FIZ — Centre d’assistance aux migrantes et aux victimes de la traite des femmes, a relevé l’imbrication des différentes formes de discrimination. Les femmes sont en effet particulièrement exposées à ces discriminations qui se superposent: elles gagnent moins que les hommes, celles qui ne sont pas blanches souffrent de racisme et les migrantes ne peuvent pas se défendre contre la violence sans craindre d’être expulsées.  

Markus Theunert, secrétaire général de la faîtière des organisations suisses d’hommes et de pères «männer.ch», a relevé les aspects cachés de la politique suisse de l’égalité. «Il s’agit d’une politique orientée vers la classe moyenne destinée aux personnes déjà privilégiées, qui dissocie les questions de genre et de justice au lieu de les intégrer systématiquement», a-t-il critiqué.

Ce qui pousse les femmes à l’épuisement

La sociologue et spécialiste des questions de genre Franziska Schutzbach a finalement jeté un regard dans les coulisses des promesses de liberté de l’émancipation: la participation croissante des femmes au marché du travail ne s’accompagne toujours pas d’une répartition égale du travail domestique et de soins. Ce sont encore principalement les femmes qui effectuent ces travaux gratuitement ou pour un salaire peu élevé. Cette répartition des rôles est l’une des principales raisons, à la fois du risque de pauvreté et du risque d’épuisement. (cath.ch/com/mp)

L’almanach social de Caritas Suisse

Almanach social 2022: «(In)égalité: la pauvreté féminine »
Chaque année, l’almanach social de Caritas passe en revue le développement social et économique de la Suisse. Le sujet est traité sous différentes perspectives et des spécialistes proposent des stratégies pour une politique socialement équitable. Il est consacré cette année à la pauvreté féminine. MP

Pauvreté en Suisse: les femmes sont plus menacées que les hommes | Caritas Suisse © Severin Nowacki
8 avril 2022 | 15:21
par Maurice Page
Temps de lecture : env. 3  min.
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