[Série] Le pape: souverain absolu affranchi du décorum monarchique
Le pape n’est pas seulement le chef de l’Eglise catholique, il est également un «monarque absolu«. Il possède tous les attributs d’un souverain, même si quelques-uns ont été délaissés depuis quelques années.
Concentrant dans sa main les pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire, le pape est un des derniers «monarques absolus» au monde. Par son élection, et l’étendue de ses prérogatives, il ne ressemble en rien à un chef d’Etat classique.
A la tête du plus petit Etat du monde et du Saint-Siège, représentation juridique de l’Eglise catholique au plan international, le pape gouverne actuellement sans réels contre-pouvoirs. Mais la monarchie pontificale a aussi dû être rénovée au cours des dernières décennies. Paul VI (1963-1978), avec le motu proprio «Pontificalis Domus» (mars 1969), a réorganisé la Maison pontificale.
Le protocole, une part importante dans la diplomatie
Supprimant un certain nombre d’offices désuets comme le titre de cardinal palatin – ou le haut chambellan et le théologien du pape – il a également transformé les camériers de ›cape et d’épée’ en gentilshommes de Sa Sainteté. Ces derniers sont chargés de missions de représentation, comme l’accueil d’un chef d’Etat étranger. Cependant, le Saint-Siège n’en recrute plus depuis mai 2013. Tous sont issus de la noblesse romaine ou de la haute bourgeoisie.
Préfet de la Maison pontificale depuis 2012, Mgr Georg Gänswein occupe pour sa part les fonctions d’un chambellan. Chargé du service d’antichambre du pape, il prépare les audiences, publiques comme privées, organise les cérémonies pontificales non-liturgiques, et les dispositions pratiques du voyage du pontife en pays étranger. Signe de son importance, Mgr Gänswein est toujours assis à la droite du pape pendant les audiences publiques, quand le secrétaire particulier est à gauche.
Le préfet de la Maison pontificale, gardien des usages
Le préfet de la Maison pontificale est également gardien des usages. Au Vatican, le protocole tient une part importante dans la diplomatie. Lorsqu’un chef d’Etat arrive dans la Cité, Mgr Gänswein – ou une personne parlant sa langue – l’accueille dans la cour Saint-Damase. La Garde suisse lui rend les hommages militaires, les gentilshommes de Sa Sainteté forment un rang d’honneur. Dans cet imposant décorum, rien n’est laissé au hasard. Pas même l’ordre des hymnes nationaux. Comme hôte, l’hymne pontifical – Inno e marcia pontificale –, seul hymne en latin au monde, est joué en dernier.
Même à l’étranger, le pontife ne se départit pas de sa fonction de chef de l’Etat un peu à part. A son arrivée à l’aéroport, une délégation d’officiels l’attend toujours pour lui rendre hommage. Parfois des avions de chasse encadrent son avion, sous le regard impressionné des journalistes, comme le 15 janvier 2018 quand le pape François entre dans l’espace aérien péruvien.
A l’instar des autres chefs de l’Etat, le pape peut aussi distinguer des personnalités par des décorations, réformées par le bref pontifical Multam ad existendos de février 1905. Il existe sept ordres pontificaux, dont le prestigieux ordre de Saint-Sylvestre.
Des attributs abandonnés
Certains attributs monarchiques ont en revanche été progressivement abandonnés au fur et à mesure. Au XVIIIème siècle, un ambassadeur étranger devait entrer par la Porte de bronze, puis gravir l’escalier royal construit sur les plans du Bernin, et enfin arriver dans la Salle royale où le recevait le pape.
Jusqu’à Jean Paul Ier en 1978, le pontife nouvellement élu était également sacré et couronné dans la basilique Saint-Pierre. Au cours de cette cérémonie, le successeur de Pierre recevait la tiare papale, aussi appelé trirègne. Sur celle-ci, trois couronnes se succédaient. Représentant respectivement le pouvoir spirituel en tant que vicaire du Christ, le pouvoir temporel, avec un pouvoir de juridiction sur les Etats pontificaux, comme héritier de saint Pierre. Et enfin la représentation de l’autorité sur les rois que le chef de l’Eglise pouvait en théorie couronner et déposer.
Pouvoir de couronner et déposer les rois
Abandonnée depuis Paul VI, la tiare est toujours représentée sur les armoiries du pape et du Vatican. Depuis Benoît XVI (2005-2013), une mitre d’évêque remplace la tiare. Toutefois trois bandes horizontales sur la mitre rappellent les antiques couronnes. Depuis le 27 septembre 1978, veille de la mort de Jean Paul Ier, un autre attribut monarchique a été délaissé: la sede gestatoria – le trône mobile.
Comme pour expliquer l’abandon de ce décorum, Benoît XVI (2005-2013) avait déclaré le 7 mai 2005 lors de la prise de possession de sa chaire d’évêque de Rome à la basilique Saint-Jean-du-Latran: «le pape n’est pas un souverain absolu. Le ministère du pape est la garantie de l’obéissance envers le Christ et envers Sa parole». (cath.ch/imedia/acp/be/pp)