A Lourdes, retrouver la vie

Christiane est venue au pèlerinage de la Suisse romande à Lourdes avec le groupe Fratello. En attendant la célébration de l’Onction des malades, elle raconte son itinéraire de vie mouvementée et la joie d’être à Lourdes dont elle savoure chaque instant.

«Je m’en souviens très bien, c’était le 31 juillet 2003. Je n’oublierai jamais cette date». Christiane avait rendez-vous avec une amie qui l’a emmenée aux Alcooliques anonymes. Assise sur le muret qui borde le Gave, dans le sanctuaire marial, la retraitée, membre de Fratello depuis 2016, raconte une vie difficile.

Un divorce puis un remariage trop rapide avec un homme qui buvait l’entraînent dans la dépendance. «En passant la porte de l’association, je pensais que j’allais apprendre à boire ›comme il faut’». Christiane éclate de rire à l’évocation de ce souvenir. Le processus est difficile, elle s’accroche néanmoins et va aux réunions deux fois par semaine. On parle spiritualité, cela réveille des souvenirs. Son père était très pratiquant, elle est croyante mais ne fréquente pas les églises. Il se trouve qu’un ami «très pratiquant, un type bien» va l’y ramener en douceur.

Son deuxième mariage a tenu cinq ans. Un autre chemin l’attend. Elle doit retrouver la confiance de son entourage et de ses enfants, plus que dubitatifs sur sa volonté de s’en sortir. «Il faut dire aussi… Combien de fois j’ai promis que j’allais arrêter de boire!». Le temps passe, Christiane avance.

Christiane, 3e depuis la droite lors de la messe à la grotte, accompagne le groupe Fratello à Lourdes.  | © B. Hallet

A Lourdes il y a 10 ans

Les yeux grands ouverts, le regard au loin, elle raconte mille anecdotes, autant de morceaux de vie recollés. La voix s’élance à chaque début de phrase: elle illustre souvent son récit par les dialogues qu’elle a eus avec ses proches, ses amis. Du bout des lèvres, elle concède des pensées désespérées sur une vie qu’elle estimait avoir raté. Elle cherchait la confiance d’autrui, elle a retrouvé confiance en elle… à Lourdes, il y a 10 ans.

«En fait, j’y suis allée pour remercier le Bon Dieu». Sur place on lui propose de travailler à l’hospitalité. Ce dont elle s’estime à priori incapable. Christiane a en effet commencé une formation d’infirmière assistante qu’elle n’a pas pu achever. Elle s’en sort bien, (re)trouve les bons gestes pour les malades, s’occupe d’eux et, surtout, insiste-t-elle, reçoit leur gratitude. «Ici, j’ai franchi une étape: j’ai repris confiance en moi.»

«J’ai repris contact avec Dieu»

Elle est passée ensuite par la fondation Emera où elle a suivi une formation de cuisinière. Cela lui a permis d’exercer à ce poste dans un home à Sion pendant huit ans. Retraitée, elle fait partie de Fratello depuis le pèlerinage de la miséricorde à Rome. Sans pause elle enchaîne sur le périple romain de 2016. Les messes, les visites, la place Saint-Pierre et le pape, «il est formidable, même si je l’ai vu de loin! Il pense aux pauvres». A l’évocation du voyage dans la capitale italienne son regard s’éclaire. Elle a vécu un autre tournant de sa foi: «J’ai pu reprendre contact avec Dieu».

Christiane ne triomphe pas. En se racontant, elle semble garder à l’esprit ce qu’il lui a fallu endurer pour se retrouver. «Vous savez, on ne guérit pas de cette maladie». Elle est heureuse de se trouver à Lourdes avec les Fratello et le pèlerinage romand. «J’ai tout de suite dit oui à Joëlle (Joëlle Carron, membre du comité de Fratello Valais, ndlr) j’étais tellement contente de pouvoir participer!» Elle dit vouloir revenir l’année prochaine avec les pèlerins. Elle mettra des sous de côté.

Petit miracle de Lourdes

Le Gave a atteint un haut niveau suite aux orages qui s’abattent chaque soir sur la cité mariale depuis trois jours. L’après-midi est chaud. Assise à l’ombre des arbres, entre l’église Sainte-Bernadette et la rivière, Christiane savoure l’instant. Elle raconte encore son plus beau souvenir. Lorsqu’une de ses filles, constatant son évolution, a fini par lui confier ses enfants à garder. «C’est mon petit miracle de Lourdes». (cath.ch/bh)

Fratello, contre l’exclusion

Fratello est une association qui organise et anime des évènements avec et pour des personnes en situation d’exclusion, en partenariat avec les associations qui les accompagnent.

En 2014 un premier séjour a été organisé à Rome pour 200 personnes. En 2016, Fratello a organisé le festival européen de la joie et de la miséricorde qui a permis à 4’000 personnes «fragiles» et leurs accompagnateurs de vivre un moment extraordinaire à Rome et de rencontrer le Pape François à plusieurs reprises. Cette association accueille des personnes de toutes confessions qui veulent découvrir et faire l’expérience de la joie et de la miséricorde.