Le Père Bruno Secondin a prêché les exercices spirituels de la retraite de carême de la curie en 2015 (Photo:YouTube.com)
Vatican

Père Bruno Secondin: 4 ans de pontificat pour une réforme «radicale»

A l’occasion du 4e anniversaire de l’élection du pape François, le 13 mars 2013, l’agence I.MEDIA a interrogé le Père Bruno Secondin sur sa vision de la réforme menée depuis le début de son pontificat. Carme, le Père Secondin avait prêché les exercices spirituels de la retraite de carême de la curie romaine en 2015. Auteur de nombreux livres, il est également professeur de spiritualité à l’Université pontificale grégorienne de Rome.

Quel est votre regard sur la réforme spirituelle lancée par le pape François depuis 4 ans?
Nous avons une vision qui n’est pas entièrement correcte de la réforme de l’Eglise menée par le pape François. Nous venons d’une phase post-conciliaire, à la fois compliquée et riche, qui s’est conclue avec la mort de Jean Paul II, puis avec le pontificat de Benoît XVI. Selon moi, le 20e siècle ecclésial ne s’est pas clos en 2000 mais en 2013, quand Benoît XVI, à la fois père et fils du Concile, a démissionné.

Cet esprit conciliaire et post-conciliaire est particulièrement évident de Paul VI à Benoît XVI, lequel a nettement insisté sur l’herméneutique et la fidélité au Concile. Cela a disparu avec le pape François. Il n’a pas d’intérêt pour l’herméneutique. Il n’est ni fils ni protagoniste direct du concile, mais il vient comme héritier post-conciliaire. Il n’est pas non plus préoccupé par le relativisme, qui est une question européenne, comme cela a été le cas pour Benoît XVI.

«Avant de discourir sur des réformes de la Curie, il veut conformer l’Eglise au Christ»

Pour cette raison, le pape François poursuit une réforme de l’Eglise, avant même celle de la Curie, qui est véritablement radicale. Il ramène l’Eglise au-delà des questions sur l’herméneutique, sur le relativisme, sur les tendances à la division: il ramène l’Eglise à la forme de l’Evangile. Avec ses propres gestes, avec des préoccupations qui ne sont pas celles d’une théologie académique, mais d’une théologie qui accompagne le peuple sur le chemin, dans le sens de la foi. En cela, le pape François rapporte l’Eglise à la forme du Christ, vu comme prophète messianique des pauvres.

Dans une forme presque explosive, le pape François redonne ainsi à l’Eglise sa mission de disciple du Christ. Et non pas une fabrique de structures, de discussions ou de doctrines, quand bien même celles-ci sont nécessaires.

Comment lier ce nouvel élan du pape François avec la doctrine?
Le Saint-Père met toujours en garde contre le risque que la doctrine se renferme sur elle-même. Alors qu’elle doit refléter une expérience ecclésiale, d’écoute, d’obéissance, de proximité, de tendresse. Il n’achèvera pas cette réforme, qui aura besoin de générations pour revenir au Christ. Si cette réforme ne concernait que des organigrammes, elle pourrait être faite en dix ans. Pour un retour fidèle au Christ, il faut du temps, car nous avons une Eglise qui se montre désormais incapable de faire face à la mondialisation.

«Le peuple, lui, sent qu’il y a un souffle nouveau»

Si nous pensons le pape actuel dans une perspective européenne, avec une Eglise vieille de 2000 ans et toute sa structure, on se trompe. Il faut le comprendre dans le contexte sud-américain, avec les périphéries dans le cœur, avec la parole du Christ enracinée dans les gestes, dans la proximité et dans la tendresse. Avant de discourir sur des réformes de la Curie, il veut conformer l’Eglise au Christ. Si on croit que l’Evangile est le cœur vivant de notre identité chrétienne, on peut comprendre le pape François. C’est le premier pape post-moderne, venu des périphéries sanglantes d’une grande ville, et qui veut une identité purifiée, essentielle.

Sa façon directe de parler exprime sa philosophie. Il montre une passion brûlante, audacieuse, prophétique à se mettre à la suite d’un Christ qui n’est pas une sorte de chef honoraire d’un comité. Nous nous sentons mal à l’aise avec le pape François car nous sommes héritiers d’une Eglise avec des cadres stricts. Nous attendons qu’il les confirme, mais il détruit tout. D’habitude, les réformes partent des périphéries avant d’arriver au sommet. Cette fois, c’est le sommet qui impulse. Et donc le premier niveau intermédiaire, juste en dessous de lui, résiste beaucoup.

«Le peuple est la grande richesse de l’Eglise, et non pas sa doctrine ou ses structures»

Le peuple, lui, sent qu’il y a un souffle nouveau. Il sent que ce pape touche des choses qui sont vraies dans le cœur des gens. Il manque la médiation, le passage entre le sommet et le peuple, mais la structure, qui repose sur des temps longs, fait de la résistance. Le pape a une mystique, comme il l’a dit à plusieurs reprises, fondée, enrichie par le peuple. Il parle sans cesse d’une foi du peuple, de la mystique du peuple. Il invite à la reconnaître, à l’apprécier, à l’écouter. C’est une expression que les papes n’emploient jamais habituellement. Lui le fait, par exemple dans Evangelii gaudium.

Comment imaginer les années à venir? Y a-t-il des ›disciples’ du pape François pour conduire sa réforme?
Le pape lui-même essaye de mettre en œuvre quelques réformes dont l’Eglise a besoin. Il sait très bien qu’il ne peut pas tout faire lui-même. Il cherche à faire quelques réformes possibles à son âge, à son niveau, laissant au futur d’autres choses, sans vouloir être le dominateur de l’univers. Concernant le futur, et pour le clergé en particulier, François a montré de façon irréversible que le peuple de Dieu est au centre. Et à l’intérieur de celui-ci, les pauvres, les derniers, les fragiles. Ceci restera: le peuple est la grande richesse de l’Eglise, et non pas sa doctrine ou ses structures. (cath.ch/imedia/ap/rz)

Le Père Bruno Secondin a prêché les exercices spirituels de la retraite de carême de la curie en 2015
11 mars 2017 | 10:57
par Raphaël Zbinden
Temps de lecture : env. 4  min.
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