Fribourg: Une délégation suisse au Brésil avec l’organisation E-CHANGER
Mieux connaître la coopération au développement
Fribourg, 1 avril 2012 (Apic) Une délégation suisse formée d’une vingtaine de personnalités politiques, associatives, syndicales et du monde universitaire se rendra au Brésil du 6 au 16 avril. Le voyage est organisé par E-CHANGER (E-CH), ONG d’échange de personnes basée à Fribourg, qui travaille avec 43 coopérants dans cinq programmes au Sud (Brésil, Colombie, Nicaragua, Bolivie et Burkina Faso).
La délégation visitera les Etats de Bahía et Sergipe, dans le Nord-Est brésilien, précise E-Changer dans un communiqué diffusé le 30 mars. Durant leur séjour, les participants rencontreront les partenaires locaux avec lesquels E-CH travaille, en particulier le Mouvement des Travailleurs ruraux Sans Terre (MST), et l’organisation urbaine UNIAO qui lutte entre autre pour le droit à l’habitation.
Ils participeront à des échanges et des débats avec des autorités de l’Etat de Bahía, des parlementaires et des responsables nationaux de quelques-uns parmi les principaux mouvements sociaux brésiliens. La délégation s’informera aussi sur les préparatifs du Sommet Río+20 ainsi que du Sommet des Peuples qui se tiendront en juin de cette année.
Se rendre sur place et rencontrer les acteurs locaux
«Ces voyages représentent une occasion formidable de rencontrer des organisations actives dans le pays, de la société civile, mais aussi des autorités politiques… Je crois qu’on ne peut pas comprendre ce qu’est la coopération au développement sans se rendre sur place et rencontrer les acteurs locaux», souligne l’ancienne conseillère nationale Anne Catherine Ménetrey – Savary qui fait partie de la délégation. «C’est une possibilité unique d’appréhender la diversité; de mieux comprendre l’autre; d’apprendre de ses apports; d’évaluer notre coopération sur le terrain et de s’assurer que le dialogue interculturel constitue une base essentielle sur cette planète commune dont nous sommes tous et toutes responsables», ajoute pour sa part le syndicaliste Bernard Fragnière, président de E-CHANGER.
E-CHANGER organise depuis 2001, chaque année, des visites de délégations suisses vers des pays du Sud. Que ce soit pour participer aux Forums Sociaux Mondiaux – en partenariat avec Alliance Sud – ou pour découvrir la coopération helvétique. Près de 400 parlementaires nationaux et cantonaux, dirigeants d’ONG, responsables du monde associatif et syndical suisse ont déjà participé à ces initiatives.
Encadré:
Propos recueillis par Yoan Veya, E-CHANGER
Q: Quelles sont vos motivations à participer à ce genre de voyages? Qu’est-ce qui vous séduit particulièrement dans le déplacement au Brésil?
Anne-Catherine Menétrey-Savary: Je ne connais pas du tout la région de Salvador de Bahia, et je me réjouis beaucoup de la découvrir. Mais ce qui m’attire davantage, c’est de prendre connaissance du travail des partenaires d’E-CHANGER. Ces rencontres se feront en compagnie des collaboratrices et des collaborateurs, ainsi que de personnes proches d’E-CHANGER, que j’apprécie énormément.
Q: Quelles sont vos attentes lors de ces voyages?
Anne-Catherine Menétrey-Savary: Ces voyages représentent une occasion formidable de connaître des organisations actives dans le pays, des représentants de la société civile, mais aussi des autorités politiques, que l’on ne rencontrerait jamais si l’on visitait ces pays en touriste. De plus, ces rencontres ont souvent lieu dans des régions décentrées ou des villages inconnus des touristes, et l’accueil qui nous est réservé est toujours extrêmement chaleureux, authentique, parfois touchant. Les échanges sont d’une grande qualité. Je crois qu’on ne peut pas comprendre ce qu’est la coopération au développement sans se rendre sur place et rencontrer les acteurs locaux. Les parlementaires qui débattent des crédits pour l’aide au développement n’ont aucune idée de ce qui se passe réellement dans ces pays s’ils n’ont jamais eu ce genre de contacts.
En outre, E-CHANGER n’a pas de projets propres, mais ses volontaires se fondent dans le tissu social du pays d’accueil. Nous ne sommes donc pas perçus comme des «bienfaiteurs» à qui il faut dire merci et dont on attend des financements, mais comme des partenaires. Jusqu’ici, j’ai toujours été très intéressée et impressionnée par ce que j’ai vu et entendu, ce qui n’empêche pas les débats, les réflexions, voire des remises en question. Mes attentes ont toujours été comblées, et ces expériences alimentent encore mes réflexions et mes engagements dans les relations Nord-Sud. J’ai peut-être été un peu moins satisfaite lors des journées passées au Forum social mondial à Porto Alegre et à Dakar, où les débats sont un peu plus chaotiques. Je préfère les rencontres plus ciblées.
Q: Lors des précédentes visites de délégations, quels ont été les moments les plus forts? Existe-t-il des rencontres ou des anecdotes qui vous ont particulièrement marquée?
Anne-Catherine Menétrey-Savary: Il y a beaucoup de moments forts et de souvenirs marquants. L’accueil des enfants dans les villages africains, le rire des femmes, les témoignages des paysans victimes de l’accaparement des terres lors du Forum Social Mondial de Dakar (février 2011), la fierté des villageois qui ont réussi à construire un système d’irrigation et la cérémonie des feuilles de coca sur la grande place de Cochabamba en Bolivie (avril 2008). Je relève deux éléments marquants parmi beaucoup d’autres: dans un village à une centaine de kilomètres de Dakar, un ancien raconte qu’il a connu Léopold Sédar Senghor (premier président du Sénégal, en 1960), originaire de son village. Du coup, je lui raconte que j’ai des souvenirs très présents de la décolonisation, de notre admiration de l’époque pour Senghor, et que nous nous étions réjouis de leur indépendance. Mais plus tard notre accompagnateur sénégalais me dit tout le mal qu’il pense de ce premier président, si peu sénégalais, si français, et qui a finalement si peu fait pour son pays. Je mesure alors le chemin parcouru de la décolonisation au néocolonialisme, et je comprends la formidable attente de liberté et de démocratie des Africains. Autre moment étonnant: celui où notre délégation a été faite citoyenne d’honneur d’une petite commune bolivienne de l’Altiplano, avec une réception en grande pompe dans une salle ornée de tentures traditionnelles boliviennes, en présence d’une assemblée «indigéniste» et d’un syndicaliste très critique à l’égard d’Evo Morales! (apic/com/bb)