Les Églises allemandes critiquent le virage anti-immigration de la CDU
L’Église catholique romaine en Allemagne et l’Église évangélique (EKD) ont conjointement déploré un projet de loi du parti de droite CDU visant à durcir les conditions d’immigration. La CDU a fait passer une première motion en ce sens, le 29 janvier 2025, en s’alliant au parti d’extrême droite AfD.
Les Églises sont «extrêmement troublées» par le ton des débats actuels sur la politique migratoire en Allemagne, assure le texte des deux plus grandes institutions chrétiennes du pays. La lettre est cosignée par Anne Gidion (EKD) et Karl Jüsten (catholique), responsables des services de liaison des Églises avec les instances politiques à Berlin.
Les discours sont de nature à «diffamer tous les migrants vivant en Allemagne, à attiser les préjugés et ne contribuent pas, à notre avis, à résoudre les questions qui se posent réellement», affirme le communiqué.
Alliance critiquée avec l’extrême droite
La démarche se situe dans le cadre d’un projet de loi lancé par le parti de droite CDU/CSU. Il vise entre autres la détention immédiate des personnes devant être expulsées, la suspension du regroupement familial, ou encore l’accélération des procédures d’asile.
La formation a remporté un premier succès le 29 janvier, alors qu’une motion prévoyant le refoulement des demandeurs d’asile aux frontières allemandes a obtenu une majorité du Bundestag. Un résultat rendu possible par le ralliement des parlementaires du parti d’extrême droite AfD. La manœuvre a provoqué la colère du chancelier Olaf Scholz, qui a reproché à la CDU d’avoir brisé le «cordon sanitaire» qui a jusque-là empêché les partis traditionnels allemands de s’engager avec l’extrême droite.
Attentat choquant au marché de Noël
Alors que les élections législatives fédérales sont prévues pour l’automne 2025, le débat politique allemand est en ce moment très centré sur le thème de l’immigration. Notamment à cause de plusieurs drames récents ayant impliqué des étrangers. L’attentat du marché de Noël de Magdebourg, le 20 décembre 2024, a causé une grande émotion dans le pays. Il est attribué à un psychiatre saoudien de 50 ans qui a foncé délibérément dans la foule, tuant six personnes et en blessant 299 autres.
Les autorités allemandes ont écarté la piste d’un attentat islamiste, soulignant plutôt les liens de l’auteur présumé avec des idéologies d’extrême droite et une possible islamophobie.
Assaillants atteints de troubles psychiques
Le 22 janvier 2025, un homme de 28 ans originaire d’Afghanistan a attaqué au couteau des enfants en sortie scolaire, à Aschaffenburg, en Bavière. L’assaillant a tué un garçon de deux ans et un homme de 41 ans qui tentait de protéger les enfants. Trois autres personnes ont été blessées, dont une fillette de deux ans, un homme de 72 ans et une éducatrice de 59 ans.
Le suspect, qui a des antécédents psychiatriques et est connu des services de police, avait reçu l’ordre de quitter l’Allemagne après le rejet de sa demande d’asile.
Pour les Églises, le durcissement de la politique migratoire lancé par la CDU n’aurait cependant «en l’état actuel des connaissances, empêché aucun de ces attentats». Les institutions chrétiennes remarquent que les attaques de Magdebourg et d’Aschaffenburg ont été commises par des personnes manifestement atteintes de troubles psychiques. Ce qui montre avant tout «un déficit en matière d’échange d’informations entre différentes autorités et un manque flagrant de soins adéquats pour les malades psychiques».
L’EKD et l’Église catholique se sont également inquiétées du court-circuitage du «cordon sanitaire» concernant l’AfD. Elles disent craindre «que la démocratie allemande subisse des dommages massifs si cette promesse politique est abandonnée». (cath.ch/kna/ag/arch/rz)