Homélie du 16 novembre 2025 (Lc 21, 5-19)

Abbé Joseph Demierre – Eglise Saint-Joseph, Lausanne

Fin du monde ou changement de perspective

Les lectures de cet avant dernier dimanche de l’année liturgique nous parlent de destructions, de guerres, de désordres, de cataclysmes, de phénomènes effrayants et de persécutions. Quel sombre tableau ! C’est aussi très actuel : avec les grands moyens de communications modernes, on est au courant de tout ce qui se passe dans le monde au jour le jour. Jésus évoque tout cela.
Mais pour dire quoi ? Quel est le message qu’il veut nous adresser ?

Des évènements qui font partie de l’histoire de ce monde

Une tendance commune, c’est de voir tout cela comme des punitions de Dieu, comme le laisse entendre, souvent, l’Ancien Testament : « Voici que vient le Jour du Seigneur… Il les consumera, il ne laissera ni racine, ni branche. »
Or si Jésus évoque tous ces phénomènes, ce n’est pas pour les présenter comme des châtiments de Dieu. Ce sont des évènements, des réalités qui font partie de l’histoire de ce monde. Et ce sont, de fait, des situations auxquelles nous sommes ou pouvons être tous confrontés, dans notre propre vie ou dans l’histoire de l’humanité.
Par exemple, ce qu’ont vécu beaucoup de Vietnamiens, en son temps, avec la guerre et les boot-people. Nos frères vietnamiens qui animent cette messe peuvent en témoigner. Et de nos jours encore, beaucoup de migrants le vivent en Méditerranée. On peut penser aussi à Gaza, complètement détruite.

Journée mondiale des pauvres

Aujourd’hui, c’est le Dimanche des pauvres : on peut penser à ceux qui ont tout perdu et qui fuient ou mendient dans nos rues, ou à ces millions de personnes qui vivent dans les bidonvilles. C’est aussi ce que vivent beaucoup de malades, qui nous écoutent peut-être en ce moment, et qui luttent contre un cancer ou victimes d’un accident. C’est aussi ce que vivent beaucoup de victimes des séismes ,des inondations ou des typhons qui détruisent tout sur leur passage, aux Philippines ou dans les Caraïbes. Oui, on peut le dire, ce ne sont pas des punitions de Dieu, mais bien des phénomènes qui peuvent nous toucher, même directement. Jésus évoque tout cela : « il faut que cela arrive », dit-il.    

Et comment réagissons-nous alors ? Face à ces phénomènes ou dans ces situations de détresse, nous sommes dépités et nous avons peur. Nous nous sentons désorientés, perdus, impuissants, et nous risquons de sombrer dans la révolte ou le désespoir. Certains prophètes de malheur en profitent pour nous endoctriner. L’autre jour, j’entendait une personne qui me disait : Qu’est-ce que j’ai fait au Bon Dieu pour mériter cela ? Comment faire pour continuer à croire en Dieu alors qu’il y a tant de souffrances et de misères dans le monde ?

Dieu se mobilise pour venir à notre secours

Alors que nous dit Jésus ? Que nous dit l’Évangile ?
.- Il nous dit d’abord que ce n’est pas Dieu qui envoie ces malheurs. Lui-même le premier, se mobilise pour venir à notre secours. Dieu, viens à mon aide ! Seigneur à notre secours ! Et Il a envoyé son Fils dans le monde, non pas pour juger le monde, mais pour le sauver. Le sauver de l’anéantissement. Il est le Dieu créateur, le Dieu de la Vie, non pas le Dieu de la mort ou de la force destructrice.

.- Ensuite, il nous dit : face à ce qui peut vous arriver, n’ayez pas peur ! N’allez pas perdre la tête. « Prenez garde de ne pas vous laisser égarer », par des discours mensongers. Il y a en effet des extrémistes (ou des influenceurs) qui peuvent nous induire en erreur ou nous endoctriner.

Il s’agit donc de faire preuve de discernement. Et Dieu nous donne son Esprit de sagesse pour nous éclairer et nous réorienter : « Moi-même, je vous donnerai un langage et une sagesse à laquelle tous vos adversaires ne pourront ni résister, ni s’opposer. » C’est aussi le travail de l’accompagnement, matériel ou spirituel, auprès des personnes ou des familles éprouvées, comme par exemple les services d’aumôneries, dans les diverses institutions.

Nous sommes invités à la foi

.- Enfin Jésus nous dit aussi comment agit Dieu ; il nous invite à la foi. Il nous dit, comme à Jaïre : « Ne crains pas, crois seulement !». La Christ est là, avec nous, qui a vécu la même chose que nous, et qui porte nos souffrances comme il a porté lui-même la croix. Et aussi : Dieu est Amour. Et l’Amour de Dieu nous rend vainqueur du mal et de la mort. Son amour est force de transformation, de vie et de renouveau en nous, au cœur de l’adversité. C’est saint Paul qui le dit : « Qui pourra nous séparer le l’amour de Dieu ? Ni la vie, ni la maladie, ni la mort, ni aucune détresse, rien ne pourra nous séparer de l’amour de Dieu qui est en Jésus-Christ. »
Ce n’est pas une foi magique dont il est question, qui supprimerait la maladie ou la mort, mais une foi qui les transfigure : « ta foi t’a sauvé(e) ». C’est l’amour de Dieu qui soigne l’âme, qui guérit le cœur et qui réoriente la personne. C’est à une conversion de notre être intérieur et de notre façon de voir la vie et le monde que nous sommes invités. Un changement de perspective, un peu comme le prisonnier qui arrive au bout de sa peine et qui entrevoit la liberté. Ou comme, après une maladie ou un accident grave, qui a remis en cause notre pronostic vital, et qui nous fait voir la vie d’une autre façon, et l’apprécier encore plus ou plus intensément.

Jésus ne cherche pas à nous faire peur, mais à nous encourager, pour faire face, avec lui, et en communauté, aux évènements, avec foi et courage. Et il conclut : « Pas un cheveu de votre tête ne sera perdu. C’est pas votre persévérance que vous serez sauvés »

Forts de notre foi en Dieu et en l’homme, sachons aller au-delà des apparences et de l’immédiat, sachons accueillir les évènements de la vie, joyeux ou douloureux, comme des invitations à réfléchir plus loin que le bout de notre nez. Des invitations à grandir en humanité, en intelligence, en générosité, et à approfondir notre solidarité les uns avec les autres. Amen

33e Dimanche du temps ordinaire
Lectures bibliques : Malachie 3, 19-20; Psaume 97; 2 Thessaloniciens 3, 7-12; Luc 21, 5-19

Homélie du 9 novembre 2025 (Jn 2, 13-22)

Abbé Naseem Asmaroo – Eglise Saint-Pierre, Yverdon-les-Bains

Tu es un sanctuaire de Dieu – Fête de la Dédicace du Latran

Aujourd’hui, l’Église célèbre la Dédicace de la Basilique du Latran, cathédrale de l’évêque de Rome et mère de toutes les églises. Consacrée en l’an 324, elle demeure le signe visible de l’unité du peuple de Dieu rassemblé autour du successeur de Pierre. Mais cette fête ne s’arrête pas aux murs d’un édifice. Elle nous invite à contempler un autre mystère : celui d’un temple vivant, bâti non de pierres, mais de cœurs. Elle nous rappelle que Dieu n’habite pas seulement les sanctuaires de pierre, mais qu’il fait de l’humanité tout entière son véritable lieu de présence.

Dieu ne s’impose pas, il attend d’être accueilli

Saint Paul le proclame : « Le temple de Dieu est saint, et ce temple, c’est vous » (1 Co 3,17).
En chacun de nous s’ouvre un espace intérieur, une demeure secrète où Dieu aime venir habiter. Nul ne peut édifier ce lieu à notre place, car il se construit dans le silence, la prière et l’accueil. Là, Dieu se donne, discret et patient, à celui qui consent à sa présence.
Maurice Zundel l’exprimait avec finesse : « Le vrai Dieu n’est pas au-dessus de nous, mais au-dedans. Il ne s’impose pas, il attend d’être accueilli ».
Tel est le cœur de cette fête : le Dieu que nous cherchons dans nos églises se laisse trouver dans la vie, dans la chair, dans la relation. Le vrai sanctuaire, c’est la présence du Christ vivant, au milieu de son peuple et au plus profond de chacun de nous.

L’eau vive : une parole qui console, un geste qui réconcilie…


Le prophète Ézékiel voyait jaillir du temple une eau qui donne vie à tout ce qu’elle touche.
Si nous sommes ce temple, alors de nos vies aussi doit couler cette eau vive : une parole qui console, un geste qui réconcilie, un regard qui fait renaître.
Mais ce sanctuaire intérieur peut s’encombrer. Comme Jésus chassant les marchands du Temple, nous avons à laisser Dieu purifier nos cœurs, à libérer l’espace de la rencontre, à retrouver la simplicité des enfants de Dieu.

Reconnaître que Dieu habite en tout être humain

En cette Semaine des religions, l’appel devient universel : apprendre à reconnaître que Dieu habite en tout être humain.
Chaque personne, quelle que soit sa foi, porte en elle un reflet de sa présence. Reconnaître Dieu dans l’autre, c’est déjà bâtir des ponts, c’est déjà préparer la paix.
Être temple de Dieu, c’est le laisser circuler en nous comme un souffle, comme une source, comme une lumière. C’est vivre dans ce discernement intérieur : comment laisser transparaître à travers nos gestes la beauté de Celui qui nous habite ?

Demandons au Seigneur de faire de nos cœurs des demeures ouvertes et lumineuses, afin que son amour et sa paix se répandent, par nous, dans le monde.
Amen
.

Fête de la Dédicace de la Basilique du Latran
Lectures bibliques : Ezékiel 47, 1-12; Psaume 45; 1 Corinthiens 3, 9-17; Jean 2, 13-22

Homélie du 2 novembre 2025 (Jn 6, 37-40)

Abbé Rémy Bizimana – Eglise Saint-Pierre d’Yverdon

Chers frères et Sœurs en Jésus Christ,
Aujourd’hui dans notre paroisse nous célébrons la Toussaint, en cette fête, nous regardons vers le ciel. Le livre de l’Apocalypse nous décrit une foule immense, de toutes nations et de toutes langues, rassemblée devant Dieu et l’Agneau. Ce sont les saints — ceux et celles qui ont laissé Dieu illuminer leur vie.

La fête de tous les amis de Dieu, connus ou inconnus

Mais cette lumière du ciel semble parfois bien lointaine. En ces temps marqués par la violence, les guerres, les crises ou la solitude, il est facile de perdre courage. Nous pensons aussi à nos proches disparus, que nous commémorerons en même temps ce dimanche. Pourtant, la foi chrétienne nous dit que la mort n’est pas une fin, mais un passage vers la vie pleine, celle que Dieu nous promet.
La Toussaint n’est donc pas la fête de quelques héros de la foi, mais la fête de tous les amis de Dieu, connus ou inconnus. C’est la fête de celles et ceux qui ont essayé, simplement, de vivre dans l’amour au quotidien : un sourire donné, un pardon offert, une oreille attentive à quelqu’un de seul, un geste de service discret. Ce sont ces petits actes d’amour qui bâtissent le Royaume de Dieu.

Dieu seul est saint, mais il nous partage sa sainteté. Par le baptême, chacun de nous reçoit cette vie de Dieu qui nous rend capables d’aimer comme lui. La sainteté n’est donc pas un exploit, ni une perfection impossible. Elle est un chemin de confiance : laisser l’Esprit Saint travailler en nous, malgré nos faiblesses, nos doutes, nos blessures. Un saint, ce n’est pas quelqu’un d’extraordinaire, mais quelqu’un qui a mis Dieu au centre de sa vie. Parfois, cela se vit dans des gestes très simples :
– Un parent qui se relève la nuit pour calmer son enfant ;
– Une infirmière qui accompagne un patient avec douceur ;
– Un jeune qui prend la défense d’un camarade moqué ;
– Une personne âgée qui prie chaque jour pour sa famille et pour le monde.
Ces vies offertes sont autant de flammes dans la nuit du monde.

Le chemin des Béatitudes

Nous pensons bien sûr aux grands saints de notre tradition et de notre pays : saint François d’Assise, sainte Thérèse de Lisieux, sainte Margarite Bays, Saint Nicolas de Flue, saint Martin… Mais il y a aussi des saints de notre temps :
– Comme le jeune Carlo Acutis, passionné d’informatique, qui utilisait Internet pour faire connaître les miracles eucharistiques ;
– Ou toutes ces personnes inconnues qui, pendant la pandémie de COVID-19, ont soutenu leurs voisins isolés ou soigné les malades.
Elles ont été, à leur manière, des témoins de la bonté de Dieu.
Frères et sœurs, le chemin des saints, c’est celui des Béatitudes. Jésus y dit : « Heureux les pauvres de cœur… Heureux les artisans de paix… Heureux les miséricordieux… ». Ce mot “heureux”, dans la langue de la Bible, signifie aussi “en route !”.
La sainteté, c’est donc une marche, une progression, un mouvement vers Dieu. On n’est pas saint du jour au lendemain : on le devient peu à peu, chaque fois qu’on choisit l’amour plutôt que la peur, la confiance plutôt que le repli, le pardon plutôt que la rancune.

Etre un reflet de la sainteté de Dieu

Alors aujourd’hui, cette fête de la Toussaint nous lance un défi : le monde a besoin de saints d’aujourd’hui.
Pas des saints du passé ou des statues dans nos églises, mais des hommes et des femmes debout, qui gardent l’espérance et font grandir la lumière là où ils sont. Et si chacune et chacun de nous décidait, dès aujourd’hui, d’être un petit reflet de la sainteté de Dieu ?
Là, dans notre famille, notre quartier, notre lieu de travail, notre communauté… C’est ainsi, par nos vies ordinaires, que Dieu continue d’écrire son histoire d’amour avec l’humanité.

Chers amis, la Toussaint n’est pas seulement une belle fête d’automne :
c’est un appel à croire que nous aussi, nous pouvons être saints, non par nos forces, mais parce que Dieu nous habite.
Alors, mettons-nous en marche, laissons l’amour de Dieu transformer nos vies, et devenons, chacun à notre manière, une lumière pour le monde.
Bonne fête de la Toussaint !

Commémoration de tous les fidèles défunts
Lectures bibliques : Sagesse 3, 1-9; Psaume 26; 1 Corinthiens 15, 51-57; Jean 6,37-40

Homélie du 26 octobre 2025 (Lc 18, 9-14)

Père Francis ZuffereyChapelle Saint-Joseph, Ecole des Missions, Le Bouveret, VS


Dans ce passage de son évangile, Luc nous présente 4 personnages.
Jésus qui raconte une histoire, une parabole,
2 hommes qui prient et font le point sur leur vécu,
et Dieu qui les écoute.

Observons ce pharisien? Il fait partie de ceux qui accomplissent la loi dans tous les détails. Il est un homme de prières et un bon pratiquant. Quand il prie, il se tient debout, tellement fier de la vie qu’il mène, qu’il se place au centre de lui-même. Les paroles qu’il prononce commence chaque fois par « je », qui revient 4 fois sur trois lignes : « je te rends grâce » « je ne suis pas comme le reste des hommes » « je jeûne 2 fois par semaine » « je verse le dixième de mes biens », mais en parlant ainsi il dit la vérité, c’est pourquoi il ne faut pas le classer d’emblée parmi les mauvaises gens. Il ne mérite pas ce que Jésus a dit au sujet des pharisiens : «Faites ce qu’ils disent et non pas ce qu’ils font! Il respecte la loi. »

Ce qui manque à sa prière, c’est que Dieu n’y a aucune place . Sa prière est un simple monologue qui n’attend pas de réponse. Il n’attend rien de Dieu, encore moins des hommes. Dans cette auto admiration Dieu ne pourra rien lui donner de plus puisqu’il fait tout juste!

Quant au publicain, il ne s’agit pas non plus de le canoniser Il est loin d’être un saint: il est collaborateur de l’occupant romain, fricotant dans des affaires peu reluisantes et ose entrer dans le temple, lui un homme impur. Oui il ose, mais en se frappant la poitrine : « Mon Dieu montre toi favorable au pécheur que je suis.»

Jésus nous dit qui est son Dieu, son Père

Par cette parabole, Jésus veut nous dire qui est son Dieu, son Père : il est le Dieu du publicain. Un Dieu de pitié et de pardon. Un Dieu toujours prêt à relever celui qui est tombé, prêt à accueillir celui qui est perdu.
Le Dieu du pharisien est un Dieu super législateur, qui édicte des lois auxquelles il faut se soumettre. Un Dieu qui épie sans cesse nos agissements et exerce son pouvoir.

Oui, cette parabole nous parle essentiellement de Dieu. Mais à qui s’adresse t’elle ? Jésus lui même nous donne la réponse : elle s’adresse « A ceux qui sont convaincus d’être justes et qui méprisent les autres », donc à chacune et chacun de nous, ce matin.

Posons nous la question : « Dans lequel des personnages nous retrouvons-nous ? » Ce qui est certain c’est que nous nous retrouvons dans les deux. Nous pensons ou disons avec le pharisien : « Je te rends grâce de ne pas être comme le reste des hommes ». Nous nous situons spontanément dans le camp des « bons ». Ah! Si tout le monde pensait et agissait comme nous, le monde irait beaucoup mieux. C’est nous qui avons le bon goût, le jugement juste. Il y a en nous à la fois cette suffisance ambitieuse, et aussi la conscience de notre faiblesse et de notre fragilité, à l’exemple du Publicain.
Dans des situations humaines qui nous touchent ou qui touchent les autres,nous ressentons un appel à la vérité, à l’amour, à la simplicité, à ce quelque chose qui est à l’image de Dieu.

Dieu préfère l’humilité du pécheur

Finalement cette parabole nous apprend deux choses : Dieu préfère l’humilité du pécheur, à l’orgueil de celui qui se croit juste. Dans la formation à la spiritualité, le sens du mot humilité a été utilisé comme moyen de domination. Il s’agissait de s’humilier, de se faire petit, de s’écraser et de penser : « Seigneur, tu vois ma misère, je ne vaux rien, prends pitié de moi. » Ce genre de discours a enfermé le chrétien dans la récitation de prières et débouchait peu sur un engagement. « Ce que vous avez fait au plus petit de mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait. »

La personne humble est celle qui connaît ses qualités, qui confie à Dieu ses fragilités et met les dons que Dieu lui a donné, au services de ses frères et sœurs. L’humilité chrétienne nous situe en vérité devant Dieu, devant les autres, face à soi-même et nous autorise d’être fier et nous pousse à l’action de grâce.

Que l’Esprit Saint nous place résolument sous le regard de Dieu. Qu’il nous fasse prendre conscience de notre faiblesse, de notre grandeur et qu’il nous garde dans l’humilité et la pauvreté qui sont les siennes.


30e Dimanche du Temps ordinaire :
Lectures bibliques : Ben Sira le Sage 35, 15-22; Psaume 33; 2 Timothée 4, 6-18; Luc 18, 9-14

Homélie du 19 octobre 2025 (Lc 18, 1-8)

Père Luc Ruedin – Chapelle Saint-Joseph, Ecole des Missions, Le Bouveret, VS

Chers frères et sœurs,
Sainte Thérèse de l’Enfant Jésus est avec Saint François-Xavier patronne des missions. Pourquoi, une petite carmélite morte à 24 ans, n’ayant bénéficié d’aucune expérience extraordinaire – ni les stigmates de François d’Assise ni les extases de la grande Thérèse – et surtout étant restée cloîtrée dans son carmel a-t-elle été proclamée par le Pape Pie XI, patronne des missions ?
Parce qu’au cœur du monde, elle a choisi d’être l’Amour. Parce qu’elle a choisi la petite voie, celle de l’enfance spirituelle qui seule peut se laisser radicalement saisir par l’Amour ! Le cœur d’une vie missionnaire est de s’en remettre totalement à Dieu ! La petite Thérèse s’est remise radicalement au Seigneur au point qu’elle reconnaît n’avoir pas d’œuvres à faire valoir par elle-même. Par la prière, elle s’est totalement greffée sur le Vivant qui agit en elle. Jésus ne lui demande pas de grandes choses mais seulement de s’abandonner.

Lâcher prise radicalement ouvre la porte du paradis

Saint Paul n’a-t-il pas lui aussi tout perdu afin écrit-il « d’être trouvé dans le Christ, n’ayant plus ma justice à moi, celle qui vient de la Loi, mais la justice par la foi au Christ, celle qui vient de Dieu et s’appuie sur la foi » ? S’abandonner, lâcher prise radicalement ouvre la porte du paradis ! La petite doctrine de l’Amour de sainte Thérèse, en sa simplicité désarmante, balaie toutes les images d’un Dieu juge ou comptable. Elle fait aussi échec à la prétention d’acquérir le Salut par nos seuls efforts ! Si la petite Thérèse est patronne des missions, c’est donc qu’elle vit de confiance absolue, de foi pure. Se quittant elle-même, elle s’est totalement donnée à son Jésus ! Comment l’a-t-elle fait ? Par la prière !

Qu’est-ce que la prière ? Avant tout, c’est un cri… un cri face à la précarité ! Les peuples affamés, meurtris du Bangladesh, de Myanmar et du Laos en savent quelque chose ! Ce cri adressé au Tout-Autre est une réaction à un monde si souvent perçu comme hostile et muet. La veuve de l’Evangile l’a bien compris : elle crie jour et nuit vers le juge. Elle espère ainsi qu’il pourra la sauver de l’injustice. Par son insistance, elle ennuie ce juge qui enfin répond à sa demande. La petite Thérèse aussi prie encore plus intensément et avec plus d’insistance lorsque à la fin de sa vie Jésus se cache et que les ténèbres s‘épaississent…

Osons poser ce cri de l’âme qui pénètre le coeur de Dieu


Chers amis, dans le mystère de la foi, osons à notre tour poser cet acte de confiance radical, ce gémissement de l’esprit, ce cri de l’âme qui pénètre le cœur de Dieu ! Encore… encore… faut-il, à l’image de la petite Thérèse et des missionnaires qui risquent leur vie dans les zones de violence de notre monde, s’abandonner à la grâce imprévisible du Ciel. Encore nous faut-il, dans la banalité de notre quotidien, lâcher prise et faire confiance ! Nous découvrirons alors l’étonnante fécondité de l’Amour.
S’accorder au mystérieux dessein du Seigneur par la prière ? Mais est-ce que Dieu ne connaît pas déjà nos besoins ? Dieu nous inviterait à prier avec insistance… comme s’il ne savait pas… Lui le Tout-Puissant ?! Non, chers amis, le Dieu Tout-Puissant, bouche-trou de nos besoins infantiles, n’existe pas !

Que le désir de Dieu puisse se réaliser en nous

Mais alors quel sens cela a-t-il d’insister malgré tout auprès de Dieu ? Pourquoi le faire ? Parce que l’Amour est désarmé et n’exige rien ! Parce que la Toute-Puissance de Dieu est d’Amour et… que l’Amour ne s’impose jamais ! Parce que le divin Amour propose une alliance… Et parce que cet appel à notre liberté suppose une réponse libre… L’Amour a donc besoin de notre prière, ou plus exactement que nous laissions l’Esprit-Saint en nous intercéder par des soupirs inexprimables, comme le rappelle l’Apôtre Paul. Afin que le Désir de Dieu – que nous entrions en contact, en résonnance, en relation avec Lui – puisse se réaliser.

Créer un espace priant en notre cœur afin que le Seigneur puisse venir l’habiter de Sa Présence est essentiel pour nous. Etty Hillesum l’avait bien compris : « Une chose cependant m’apparaît de plus en plus claire : ce n’est pas toi qui peux nous aider, mais nous qui pouvons t’aider – et ce faisant nous aider nous-mêmes. C’est tout ce qu’il nous est possible de sauver en cette époque et c’est aussi la seule chose qui compte : un peu de toi en nous, mon Dieu ».

La méditation soigne donc en nous cet espace intérieur et le fertilise. Un espace où peut alors nous être rendue perceptible la Présence divine. Sur notre chemin quotidien dans la lutte contre le mal qui est dure et longue – comme Moïse qui devait garder les bras levés pour faire vaincre son peuple ! – dans cette mission qui nous est confiée d’être témoins de l’Espérance, le Seigneur est à nos côtés. Il lutte avec nous et la prière est notre arme !

La foi pure nous greffe sur le coeur de Dieu

« Mais le Fils de l’Homme, quand il viendra, trouvera-t-il la foi sur terre ? » Si la foi s’éteint, la prière s’éteint et nous marchons dans la nuit, nous nous égarons et faillissions à notre mission.
La foi pure nous greffe sur le cœur de Dieu ! Elle nous donne donc de témoigner en vérité. L’authentique vie spirituelle porte alors des fruits : Des œuvres, des œuvres écrivait Ste Thérèse d’Avila à la fin de sa vie ! Oui, mais des œuvres qui… viennent du Seigneur ! La prière sous toutes ses formes – contemplative et active – est donc nécessaire : « car je ne connais qu’un acte fertile qui est la prière, mais je connais aussi que tout acte est prière s’il est don de soi » écrivait St-Exupéry. Se donner…se donner au Seigneur… pour se donner en vérité aux autres et aux plus pauvres, quelle que soit le type de pauvreté comme vient de l’écrire le Pape Léon dans son exhortation apostolique « Je t’ai aimé », telle est la voie de l’Evangile !
Au Bangladesh, au Myanmar et au Laos où les chrétiens sont minoritaires et les conditions de vie de la population très difficiles, l’Église témoigne par son engagement pastoral, éducatif, caritatif et social.

Prions sans relâche frères et sœurs afin que Notre Père nous écoute, qu’il joigne Son Esprit-Saint à notre esprit et augmente en nous et autour de nous la puissance de Sa vie.


29e dimanche du Temps ordinaire
Lectures bibliques : Exode 17, 8-13; Psaume 120; 2 Timothée 3, 14 – 4,2; Luc 18, 1-8

Homélie du 12 octobre 2025 (Lc 17, 11-19)

Père Patrice Gasser – Chapelle Saint-Joseph, Ecole des Missions, Le Bouveret, VS

Naaman était un général syrien lépreux ; il était furieux d’obéir à un ordre aussi stupide que cela : se baigner sept fois dans l’eau saumâtre du Jourdain ; est-ce que l’eau des fleuves de Syrie n’est pas bien meilleure ? et en plus ce n’était que le serviteur du prophète Elisée qui lui avait transmis cet ordre. Mais, en repartant, ses serviteurs lui disent : « s’il t’avait demandé quelque chose de difficile, tu l’aurais fait ! alors, pourquoi refuser de faire quelque chose de facile ? » Il les écoute et se plonge dans cette eau, et à la 7ème fois, il est guéri de sa lèpre : il a dépassé sa colère et écouté les petits, et en obéissant à cet ordre simple, il a reçu la puissance du Dieu de l’univers qui l’a touché et guéri. Nous devons dépasser nos colères et nos préjugés pour laisser Dieu nous guérir.

Laisser Dieu nous guérir

En Israël la lèpre était une maladie honteuse, très contagieuse, et en plus, signe du péché de la personne ; les prêtres devaient l’identifier, déclarer les lépreux impurs et les renvoyer dans la brousse où ils vivaient une vie de sauvage, loin de tout. Et c’était aussi les prêtres qui devaient constater la guérison et permettre la réintroduction du lépreux dans le peuple de l’alliance.

Jésus dans sa dernière montée vers Jérusalem sait qu’il va au-devant de sa condamnation, sa passion, sa mort et sa résurrection. Accompagné de ses disciples, il croise ces dix lépreux qui l’ont cherché et trouvé ; comme la loi le leur demande, ils se tiennent à distance et implorent sa pitié. Jésus leur commande de partir se montrer aux prêtres, ils lui obéissent et, en chemin tous sont guéris.

Jésus admire la foi de cet homme

Un seul, un étranger samaritain qui ne partageait pas la foi d’Israël revient sur ses pas, heureux il remercie Jésus à pleine voix.  Lui seul a reconnu Dieu en Jésus qui l’a guéri ; la face contre terre il le remercie pour sa guérison. Déjà il pressent Celui qui va ressusciter des morts. Les habitués des rites juifs, eux, ne l’ont pas reconnu. Jésus admire la foi de cet homme : « Ta foi t’a sauvé ! »

Ces textes nous parlent de comment Dieu se révèle et nous parle, souvent en-dehors des rites : Heureusement qu’il y a de nouvelles personnes qui s’approchent de nos églises et des étrangers plus sensibles à ce que Dieu leur donne ; ils réveillent notre foi et notre louange quand ils découvrent la puissance de Dieu. Car la grâce et le salut sont donnés à tous les êtres humains sans aucune exception. Et la vocation du peuple de l’Alliance et de l’Eglise est de reconnaitre sa lèpre et d’accueillir la grâce divine qui renouvelle tout.

Laissons-nous interpeller…

Les rites sont les moyens que l’Eglise a gardés pour recevoir la grâce de Dieu, mais souvent, nous nous perdons dans les détails… Demandons à Dieu la force de pouvoir obéir sa voix et de Le rencontrer en vérité afin de recevoir la santé et le salut ! Nous qui sommes mal-croyants, laissons-nous interpeller par la foi de cet étranger au peuple de Dieu, et par la foi de Paul qui s’est réellement converti.

28e Dimanche du temps ordinaire                
Lectures bibliques : 2 Rois 5, 14-17 ; Psaume 97 ; 2 Timothée 2, 8-13 ; Luc 17, 11-19