Une décision historique pour les minorités religieuses
Istanbul 29 août 2011 (Apic) La situation des minorités religieuses en Turquie pourrait connaître une amélioration rapide après le décret du gouvernement Erdogan portant sur la restitution des biens confisqués aux communautés religieuses non musulmanes. Après des années de conflits et de tensions, les responsables chrétiens et juifs parlent de «coup de théâtre» voire de «révolution» dans l’attitude du gouvernement turc à leur égard.
Le décret du gouvernement, officiellement publié le 27 août, concerne la restitution des biens confisqués lors de la création de la Turquie moderne. Il se réfère à ladite «déclaration» de 1936. Les fondations non-musulmanes durent alors établir une liste de leurs biens. Un grand nombre d’entre eux leur furent confisqués, dans les années et les décennies suivantes
La loi sur les fondations adoptée en 2008 prévoyait certes la restitution de ces biens mais son application butait jusqu’à présent systématiquement sur des obstacles bureaucratiques. En outre la droite nationaliste protestait systématiquement contre les prétendus privilèges accordés à des non-musulmans.
Le nouveau décret prévoit une restitution rapide ou un dédommagement selon la valeur du marché des biens revendus à des tiers. Selon le directeur de l’office des fondations, Adnan Ertem, les chrétiens et les juifs ont introduit depuis la loi de 2008 environ 1400 demandes de restitution. En raison de problèmes administratifs ou juridiques, seuls 181 biens ont été effectivement rendus. Le nouveau décret doit permettre la restitution de 370 autres objets dans un délai de 15 à 20 jours. Les bénéficiaires sont les orthodoxes, les arméniens et les juifs.
Le décret concerne aussi la gestion des cimetières non-musulmans que les communes s’étaient indûment appropriés. Il porte enfin sur la restitution des biens immobiliers dont la propriété n’était pas définie, comme ceux des monastères ou des paroisses, à qui le gouvernement turc n’a jamais reconnu de personnalité juridique.
Les fondations concernées ont douze mois pour adresser leurs revendications à la direction générale des fondations. Selon une première estimation, cela pourrait concerner un millier de biens orthodoxes grecs, une centaine de biens des arméniens et d’autres comme ceux des chaldéens ou des juifs.
Selon Adnan Ertem, le coût des dédommagements pourrait être élevé pour l’Etat turc. Beaucoup de bâtiments anciennement propriétés de chrétiens ou de juifs se trouvent dans les beaux quartiers d’Istanbul. Selon la presse de lundi 29 août, le Ministère turc des finances a évoqué un montant de 700 millions d’euros. Mais ces montants devraient en tous les cas être inférieurs à ceux engendrés par des procès devant les instances nationales ou internationales.
La nouvelle de la restitution a été donnée dimanche soir 28 août par le Premier ministre lors d’une réception avec les représentants de 161 fondations religieuses non-musulmanes à l’occasion de la rupture du jeûne du ramadan. En présence notamment du patriarche œcuménique de Constantinople Bartholomée 1er. Elle a été reçue très positivement comme un moment historique pour la Turquie.
Depuis de nombreuse années, la Turquie, qui frappe à la porte de l’Union européenne, est priée de régler la situation de ses minorités religieuses. Plusieurs affaires ont été portées devant la Cour européenne des droits de l’homme de Strasbourg qui a régulièrement condamné la Turquie. Le Premier ministre Erdogan a déclaré reconnaître les injustices subies par les divers groupes religieux en raison de leur différence. Il est révolu le temps où le pouvoir pouvait opprimer les gens en raison de leur religion, de leur origine ethnique ou de leur mode de vie, a-t-il conclu. (apic/kna/asian/mp)
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