Bisbille au plus haut niveau
Managua, 31 juillet 2011 (Apic) Lorsqu’il est vraiment en rogne, on ne peut plus arrêter Daniel Ortega. «Dieu va nous libérer!», crie le président nicaraguayen. Mais de quoi Dieu doit-il libérer le Nicaragua? De la conférence épiscopale. Car pour le sandiniste Ortega, tous les évêques sont des partisans de l’ancien dictateur Anastasio Somoza.
Pour l’instant, il s’agit de la dernière attaque du chef du gouvernement contre l’Eglise catholique. Mais la dispute dure depuis des semaines, depuis qu’Ortega a décidé de se présenter aux prochains élections, bafouant ce faisant la Constitution du pays.
Une candidature qui n’est pas du goût des évêques nicaraguayens. Pour Mgr Leopoldo José Brenes Solórzano, archevêque de Managua, la commission électorale et la Cour suprème ont failli: «Si les institutions s’en tenaient à la Constitution, elles ne couvriraient pas cette candidature illégale».
Depuis lors, les deux parties échangent les flèches empoissonées. Lorsque le Front sandiniste de libération nationale, parti de gauche au pouvoir, a célébré l’anniversaire de la révolution, certains hommes d’Eglise catholiques se sont laissés emporter par leur enthousiasme. Ils ont célébré des «messes de la révolution». La conférence épiscopale n’a pas apprécié la politisation trop évidente de son «personnel» et a annoncé des enquêtes.
Ce qui dérange tout particulièrement les prélats nicaraguayens, ce sont les mots utilisés par Ortega dans sa course à la (re-)présidence. Pour le sandiniste, la révolution est l’œuvre de Dieu et le Front de libération national travaille en son nom. Une rhétorique que l’évêque de Zica, Mgr Silvio José Báez Ortega – malgré l’homonymie, un des plus fervents opposant au chef de l’Etat – n’aime pas du tout: «Les éléments religieux ne doivent pas être mésusé dans un but de propagande.»
Mais l’Eglise catholique de ce pays d’Amérique centrale se montre divisée: un des plus importants soutiens du président n’est autre que le cardinal Miguel Obando Bravo. L’archevêque émerite de la capitale n’hésite pas à louer les succès du gouvernement dans le domaine social. Pour le quotidien «La Prensa», derrière la dispute se cache une stratégie précise. «Ortega veut sa propre conférence épiscopale et sa propre religion», commente le journaliste Mauricio Diaz. Le président attiserait à dessein les divisions.
Alors que les deux camps se positionnent, chaque geste, chaque mot est disséqué par les médias: Mgr Cesar Bosco Vivas Robelo a invité le cardinal Orlando Bravo à participer à la messe, célébrée à l’occasion de l’inscription de la cathédrale de Leon au patrimoine mondiale de l’humanité. Dans n’importe quel pays, l’affaire n’éveillerait pas le moindre intérêt. Au Nicaragua, la presse en fait ses choux gras.
«J’ai invité le cardinal parce qu’il est mon ami et qu’une telle célébration doit être vécue entre amis», a affirmé l’évêque. La population se passionne pour cette petite guerre, devenue un thème central de la prochain élection. La bisbille devrait durer encore un peu car c’est le 6 novembre seulement que le peuple nicaraguayen se rendra aux urnes. (apic/kna/ak/amc)
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