Le Vatican minimise le viol d’enfants pour sauver sa réputation
Dublin, 21 juillet 2011 (Apic) Dans une intervention au parlement national, le 20 juillet 2011, Enda Kenny – premier ministre irlandais – a fermement condamné le Vatican, pointant sa responsabilité dans les scandales d’abus sexuels.
Tous les médias irlandais s’accordent sur le sujet: c’est une première au pays de saint Patrick. Le discours du Taoiseach – premier ministre – n’est pas passé inaperçu. Selon «Irish Independant», il est même certain de «faire des remous parmi la hiérarchie catholique et le Vatican.» «L’Irlande, estime le quotidien de droite, adopte traditionnellement une position servile avec le Saint-Siège.»
Il faut dire qu’au lendemain du rapport Cloyne, Enda Kenny n’a pas ménagé ses critiques envers le Vatican. «Il était raisonnable de penser qu’après les rapports Ryan et Murphy, l’Irlande ne pouvait, peut-être, plus être choquée lorsqu’il s’agissait d’abus sur des enfants. Mais l’affaire Cloyne s’est révélée d’un autre ordre», a-t-il déclaré devant le Dáil, le parlement national. «Parce que, pour la première fois en Irlande, un rapport sur les abus sexuels sur les mineurs révèle une tentative du Saint-Siège d’entraver une enquête dans une république souveraine et démocratique […]. Ce faisant, le rapport Cloyne expose le dysfonctionnement, la déconnection, l’élitisme et le narcissisme qui domine la culture du Vatican à l’heure actuelle.» Et d’ajouter: «Le viol et la torture d’enfants ont été minimisés et ’gérés’ pour maintenir la primauté de l’institution, son pouvoir, son standing et sa ’réputation’.»
Faisant sans doute référence à la lettre – datée de 1997 – du nonce apostolique en Irlande aux évêques du pays, le premier ministre s’est indigné: «Loin d’écouter les preuves d’humiliation et de trahison avec ’l’oreille du cœur’ de saint Benoît, la réaction du Vatican a été de les découper et les analyser avec l’œil perçant d’un juriste du droit canon. Cette position calculée, pleine de mépris est en totale opposition avec le radicalisme, l’humilité et la compassion sur lesquelles l’Eglise catholique romaine a été fondée.»
Pour le Taoiseach, les révélations qui secouent une fois de plus l’Irlande exigent une réponse du Saint-Siège: «Les Irlandais, y compris les nombreux croyants catholiques – dont je fais partie – qui ont été choqués et consternés par l’incapacité répétée des autorités ecclésiales à faire face, méritent et nécessitent une confirmation du Vatican qu’elles acceptent et appuient l’obligation de rapporter tous les cas suspectés d’abus, qu’ils soient actuels ou qu’ils aient été perpétrés par le passé, aux autorités de l’Etat.» Une position unanimement soutenue par le parlement irlandais.
En l’absence d’une réponse du Vatican, un porte-parole du Département des Affaires étrangères a souligné que le Vatican était conscient de la gravité de la situation et qu’une réponse était attendue «dans un laps de temps raisonnable». Le 19 juillet, dans une interview accordée à titre personnel, le Père Federico Lombardi avait indiqué que le Saint-Siège «donnera ses commentaires et ses réponses dans les formes et les délais appropriés». Du côté de Dublin, on rappelle que le ministre des Affaires étrangères, Eamon Gilmore, a établi un réseau de communication officiel avec le Vatican et qu’il ne répondra pas aux commentaires individuels de religieux à Rome.
Intervenant après le discours d’Enda Kenny, Mgr Diarmuid Martin, archevêque de Dublin a laissé entendre qu’il existait des «complots» dans l’Eglise: certains groupes refuseraient de reconnaître les règles de l’Eglise sur la protection des enfants. «Que faites-vous quand vous avez des règles et que quelqu’un les ignore? Que faites-vous quand un groupe, que ce soit au Vatican ou en Irlande, essaie de saper ce qui a été fait ou refuse simplement de comprendre ce qui a été fait?», s’est-il interrogé.
Pour l’archevêque, il est essentiel que le Vatican réitère son soutien aux évêques irlandais au sujet de la protection des enfants, en appuyant la dénonciation des cas d’abus aux autorités et en lançant plus d’audits sur la protection des enfants dans les différents diocèses. Après avoir déclaré qu’il espérait que les évêques du pays seraient honnêtes avec Ian Elliot, le chef du Bureau national de la protection de l’enfance de l’Église catholique, il a affirmé: «Si quelqu’un n’est pas prêt à être honnête, il ne sera découvert que s’il y a un audit ayant le pouvoir d’être invasif. Ian Elliot a un pouvoir moral mais si des personnes n’agissent par moralement, alors le pouvoir moral ne sera pas suffisant.»
Lors de l’interview accordée à RTE television, le 20 juillet, le prélat irlandais a également confié: «Je me demande aujourd’hui, puis-je être fière de l’Eglise? De mon point de vue, je dois avoir honte de ces choses et je dois avoir honte à cause de ce qui a été fait aux victimes et aux membres de l’Eglise.» Avant de déplorer: «Ceux qui pensaient qu’ils étaient capable de jouer avec les règles, ils ont trahi les bons prêtres et tant d’autres dans l’Eglise qui travaillent aujourd’hui et j’en suis en colère, j’en ai honte et j’en suis horrifié.»
Encadré:
Le rapport Cloyne contient les conclusions d’une enquête de deux ans au sujet d’abus sexuels commis dans le diocèse de Cloyne, au Sud de l’Irlande. Les faits auraient eu lieu entre 1996 et 2009 et concerneraient 19 prêtres. Le rapport de 400 pages a été publié le 13 juillet.
A noter que trois autres enquêtes sur des abus sexuels, commis dans les diocèses de Ferns (Wexford), Dublin, et au sein de diverses institutions, sont actuellement en cours. (apic/irishindependent/rte/amc)
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