Roger Gaspoz, l’artiste dans son antre
La Luette 1er juillet 2011 (Apic) La Chapelle du Scex à St-Maurice accueillera le 14 août prochain une statue de Saint-Amé. Elle est l’œuvre du peintre et sculpteur valaisan Roger Gaspoz. Nous l’avons rencontré dans son atelier. Voici quelques reflets d’un émerveillement.
C’est dans le Val d’Hérens, en Valais, précisément à La Luette, juste après les fameuses pyramides d’Euseigne en montant la vallée, que l’artiste-peintre et sculpteur Roger Gaspoz a installé son atelier, au rez-de-chaussée d’une grande bâtisse.
Je franchis sans frapper la porte vitrée d’une entrée d’immeuble donnant sur une cage d’escalier et sur un étrange paquet «emplastifié» de sacs-poubelles. Pas de Roger Gaspoz dans les parages, juste son grand oeuvre du moment, un saint Amé commandé par les chanoines de Saint Maurice pour trôner dans la falaise, à la chapelle du Scex. La sculpture est assise sur un caisson de bois, un maillot intégral de plastic préservant son humidité lui donne des airs de condamné à mort sur une chaise électrique. Je sais, sans le voir, qu’il n’a pas de visage, le dernier élément que son créateur doit encore achever. Ce premier contact avec l’oeuvre m’ébranle; il me faut ressortir, respirer, recommencer.
Cette fois-ci, avant même que j’aie le temps d’appeler, l’artiste surgit. Il me devance et me tend une main chaleureuse. Le contact est facile. On admire un instant la vue de la terrasse. Il sera mon guide vers cet autre paysage, celui de son intériorité, de son émotion artistique, de sa spiritualité. Et moi, déjà, je ne me sens plus journaliste, mais en chemin avec un ami dans la foi.
Mains jointes, yeux clos, c’est ainsi qu’il veut que je pénètre dans son atelier; une attitude de prière, d’abandon, de confiance. Il me conduit prudemment, dans un labyrinthe de petits pas, face à quelque chose dont il me faut découvrir l’identité en la palpant. Chez Roger Gaspoz sculpteur, on observe d’abord en touchant.
La chose est imposante… un peu paille sous les doigts… elle a un large museau! Une vache? Une encolure massive, des oreilles, des yeux, des cornes… très arrondies, peut-être une bête sauvage alpine? Non, un buffle africain.
L’antre de Roger Gaspoz n’est pas uniquement un atelier de tableaux, de peintures et de matières, pas seulement un laboratoire d’expérimentation esthétique, mais un lieu de vie. Une nombreuse population de têtes d’animaux empaillés habite ici.
Perdu parmi tous ces objets, le buste en terre cuite de son jeune fils aîné, doux et fin, revêtu d’un délicat couvre-chef. «Mon fils était en train d’ôter son pull…» Une scène de vie banale que l’artiste saisit en un regard et fixe dans la matière. Une manière de retenir l’instant, de lutter contre la mort. «C’est triste des animaux écrasés au bord d’une route. Les naturaliser c’est les faire vivre encore», se confie l’artiste en évoquant des souvenirs d’enfance.
Lorsqu’il brosse un portrait, celui de sa mère comme celui du Christ, sa peinture s’applique sur la toile ou le bois en épaisseur de vie. S’il travaille à l’aquarelle, il terminera les visages à la gouache, préférant la texture qu’elle leur confère. Dans sa peinture même, Roger Gaspoz reste d’abord sculpteur. En témoigne ce Christ en croix si émouvant. Son visage peint sur le bois dans un large cadre blanc en forme de croix, paraît ciselé dans la pierre, figé certes, mais solide comme un roc, rayonnant dans l’éternité, de toute éternité.
Au premier coup d’oeil, la peinture de Roger Gaspoz apparaît tout à fait réaliste, trop réaliste lui disent certains. Mais il faut s’octroyer le temps de la contemplation. Ce tableau représentant un calvaire au milieu des brumes, s’inspire effectivement du paysage vu de la terrasse de l’atelier. Une retranscription fidèle et minutieuse d’une petite colline escarpée, avec pour différence trois croix en son sommet, au lieu d’une seule. Laissons l’imagination s’enthousiasmer. Les brumes s’animent, deviennent tempétueuses. Elles s’écrasent contre le rocher inébranlable de la colline devenue récif. Le paysage montagnard se fait marin. Puis, dans un second souffle, l’écume devient nuage et dessine un mouvement précis, imprégné d’un élan vers le haut. Les brumes s’accrochent aux escarpements, les escaladent voluptueusement, semblent emporter le calvaire vers le ciel. A n’en pas douter, la peinture de Roger Gaspoz mêle réalisme et inspiration; elle est du monde et de Dieu.
«Dieu nous précède», glisse l’artiste. «Il sait ce dont nous avons besoin; il nous le donne bien avant que nous le demandions.» Pour lui être artiste, semble signifier d’abord accorder sa confiance au Créateur.
Et le fameux saint Amé qui m’a valu cette rencontre? Eh bien, j’ai vu ses mains, belles et douces, et le pli de son vêtement… mais pas question de le dévoiler en entier. Rendez-vous le 14 août à la chapelle du Scex, pour le découvrir!
Découvrir les œuvres de Roger Gaspoz: http://www.rogergaspoz.com
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