Jura pastoral : Chrétiens et politique: l’abbé Claude Ducarroz anime le débat

Le chrétien doit chercher le bien de tous et de chacun

Delémont, 16 mai 2011 (Apic) Connu pour son franc-parler, le chanoine Claude Ducarroz n’a pas fait mentir sa réputation vendredi soir au Centre Saint-François à Delémont. Face à une quinzaine de personnes, l’abbé fribourgeois a su transformer le débat «Chrétiens et politique» en une conférence passionnante. Deux politiciens ont aussi eu l’occasion d’exposer leur réflexion sur le thème de la soirée, Anne Seydoux-Christe, conseillère aux Etats PDC jurassienne et Didier Nicoulin (CS-POP-Verts), conseiller de Ville à Delémont.

Pascal Tissier SIC

«La semaine passée, j’étais au Vatican pour assister à l’assermentation des nouveaux gardes suisses, dans un lieu où une armée, suisse en l’occurrence, est installée au cœur d’une institution religieuse. Un symbole qui illustre parfaitement ce qui nous rassemble ici.» Prévôt de la cathédrale St-Nicolas de Fribourg, Claude Ducarroz, était l’invité principal du débat «Chrétiens et politique» proposé vendredi 13 mai par le Service de formation des adultes (SFA), au Centre Saint-François à Delémont.

«Après la cérémonie, le chef d’une importante entreprise industrielle, membre du parlement fribourgeois sous les couleurs du PDC, m’a confié qu’il souhaitait constituer un groupe de réflexion autour du «C» de son parti et me proposait d’intégrer ce groupe. A l’entendre, son projet n’avait pas suscité l’enthousiasme de ses collègues de parti. Personnellement, j’ai trouvé amusant de parler de ça dans la cour du Vatican où l’on célébrait, en quelque sorte, l’union du sabre et du goupillon.»

Pour le chanoine il est évident que la politique ne mobilise plus la majorité des gens et qu’il y a de moins en moins de monde dans les églises: «La vie politique et les affaires publiques d’un côté, la religion et l’Eglise de l’autre, c’est l’alliance de deux crises. Il suffit de penser au plus grand parti de Suisse, celui des abstentionnistes. Dans une enquête sociologique récente, à la question «Qu’est-ce qui vous aide à vivre?», il se trouve que «politique et affaires publiques» et religion se retrouvent ensemble – comme deux infirmes – en fond de classement, alors que le couple et les enfants arrivent en tête, suivis de la vie professionnelle, des amis ou des loisirs.»

Si les églises disparaissaient

Livre en main, Claude Ducarroz a rappelé certaines données sociologiques publiées par Roland Campiche – fondateur de l’Observatoire des religions en Suisse – dans «Les deux visages de la religion»: «De profondes évolutions sont en cause dans le domaine religieux, d’abord du point de vue démographique et en raison du phénomène migratoire, tant interne, qu’externe. En 1970, 96% des habitants de la Suisse se déclaraient chrétiens, et seulement 80% en l’an 2000. En 1970 toujours, dix cantons étaient en majorité protestants, il n’en reste qu’un seul aujourd’hui : le canton de Berne. Du coup, le fameux «C» qui est accolé à certains partis, c’est un peu un «C» qui se balance entre chrétien et catholique. Il faut aussi souligner que près de 30% des catholiques sont des étrangers qui n’ont pas le droit de vote au niveau fédéral.»

Pour l’abbé fribourgeois, ce qui ressort de tous les chiffres qu’il a cités, c’est qu’aujourd’hui, on veut croire, mais sans appartenir à une institution: «Si les églises disparaissaient, seules les personnes nécessiteuses en souffriraient, mais ça ne changerait rien à l’économie ou aux choix de société.»

Un «C» fondamental

Conseillère aux Etats PDC jurassienne, Anne Seydoux-Christe se félicite que des chrétiens s’investissent en politique: «Mais il y en a aussi dans des partis d’extrême droite ou chez les communistes. Je me demande bien ce qu’ils font là! Le PDC, n’appartient pas à une idéologie en tant que tel, il n’est ni de droite, ni de gauche. Il prône une politique chrétienne qui se veut solidaire, basée avant tout sur la défense des valeurs chrétiennes – au-delà des confessions – dans le respect de l’Homme et de la dignité humaine, opposé à toute forme de ségrégation ou de discrimination. De ce fait, ce fameux «C» n’est pas à remettre en question, il est même fondamental.»

La politicienne delémontaine a aussi évoqué son inquiétude face à la désensibilisation de la société suisse par rapport aux valeurs fondamentales et au respect de la dignité humaine: «Face à l’incertitude, les gens ont peur et dans ce contexte, la xénophobie est facile à alimenter.»

L’Eglise n’est pas un monolithe

Infirmier de profession, Didier Nicoulin est conseiller de Ville à Delémont sous la bannière de Combat Socialiste-POP-Verts: «Depuis l’enfance, je me suis toujours engagé à défendre les valeurs chrétiennes dans différents mouvements sociaux, syndicaux, religieux ou politiques. De par mon métier, je suis confronté à la souffrance, à la mort, au sens de la vie. Tous ces éléments ont forgé mes convictions profondes tout en laissant aussi la place aux doutes. Ma conviction est qu’en politique il faut aussi avoir des doutes afin de s’interroger sur ce que l’on fait et savoir se remettre en question.» Pour le socialiste, l’Eglise n’est pas un monolithe: «Comme les partis politiques, elle est parcourue par différents courants ou tendances et on y retrouve aussi bien des traditionalistes que des contestataires. Personnellement, guidé par mes convictions chrétiennes, je m’attache toujours à défendre des valeurs comme la dignité, l’égalité ou la justice.»

Pour le bien des défavorisés

A plusieurs reprises Claude Ducarroz a fait référence au pape Jean-Paul II: «Le chrétien qui fait de la politique – qui veut la faire «en chrétien» – doit agir avec désintéressement, cherchant non pas sa propre utilité ni celle de son groupe ou de son parti, mais le bien de tous et de chacun, et donc avant tout le bien de ceux qui, dans la société, sont les plus désavantagés.» C’est exactement ce que les intervenants de cette soirée ont exprimé. (apic/sic/mp)

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