Genève: Le Vatican sanctionne l’Union catholique internationale de la presse UCIP

L’UCIP doit ôter de son nom l’adjectif catholique

Genève/Rome, 31 mars 2011 (Apic) Le Vatican a décidé de sanctionner l’Union catholique internationale de la presse (UCIP): elle n’a désormais plus le droit de porter le titre de catholique. L’UCIP, une organisation de professionnels des médias basée à Genève, traverse une profonde crise depuis plusieurs années.

Dans une lettre signée du cardinal Stanislaw Rylko, président du Conseil pontifical pour les laïcs (CPL) à Rome, et datée du 23 mars 2011, l’UCIP se voit désormais interdire d’utiliser l’adjectif catholique dans son nom, en vertu du canon 300 du Code de droit canonique (*).

Interrogé par l’Apic jeudi 31 mars, Joseph Chittilappilly, secrétaire général de l’UCIP, estime que «rien ne change pour le moment, ce n’est qu’un point de vue: on prépare une réponse et on va s’adresser à d’autres instances au Vatican!»

«La tête de l’UCIP doit être changée», réclame le Vatican depuis plusieurs années. Cela avait notamment été demandé dans une lettre datée du 15 décembre 2009 signée par le cardinal Rylko, président du PCPL, dont dépend l’UCIP. L’Union est répertoriée au Vatican parmi les «associations internationales de fidèles». Le cardinal Rylko y évoquait «l’indispensable nécessité de changer les membres qui forment la présidence» en mentionnant explicitement les vice-présidents, le trésorier, le secrétaire général et l’assistant ecclésiastique. Cette lettre demandait instamment à l’Autrichien Bernhard Sassmann, nouveau président de l’UCIP, de veiller personnellement à ce qu’elle soit envoyée «immédiatement et dans son intégralité à tous les membres de l’UCIP». Jusqu’à maintenant, cette lettre de Rome n’a pas été distribuée aux membres de l’UCIP.

L’UCIP étudie une riposte

Le secrétaire général affirme que le cardinal avait accepté de mettre de côté cette lettre – qui selon lui contenait elle aussi de «fausses informations» – après une entrevue à Rome en mai 2010. Cette entrevue aurait dû déboucher sur une déclaration commune qui n’a jamais été adoptée ni publiée. Ensuite, il n’y a plus eu de nouveaux développements, assure Joseph Chittilappilly.

Après le congrès mondial et l’assemblée générale en septembre dernier au Burkina Faso, l’UCIP a envoyé une lettre au cardinal Rylko en date du 23 septembre 2010 pour lui annoncer les amendements aux statuts adoptés par son assemblée générale 2010, tenue le samedi 18 septembre à Ouagadougou. Elle a transmis par la même occasion le nom des nouveaux élus à sa direction.

«Nous n’avons pas reçu de réponse du Vatican avant cette lettre datée du 23 mars dernier… Avant de prendre une décision de concert avec le président de l’UCIP, nous allons ensemble étudier ce qu’il convient de faire, notamment écrire au Conseil pontifical pour les laïcs et à d’autres instances du Vatican, et rectifier les fausses informations contenues dans la lettre du cardinal Rylko… Ce n’est pas une affaire close!», a déclaré Joseph Chittilappilly jeudi à l’Apic. Le secrétaire général de l’UCIP reconnaît toutefois que la crise que traverse l’organisation depuis plusieurs années ne va pas faciliter sa vie, notamment au plan financier.

Révocation du décret de reconnaissance de l’UCIP daté du 15 décembre 2004

La lettre en anglais du 23 mars 2011, signée du cardinal Rylko et de Mgr Josef Clemens, secrétaire du Conseil pontifical pour les laïcs, affirme que devant la crise qui secoue l’UCIP depuis 2007, le Saint-Siège «ne peut rester silencieux et inactif».

Ainsi, en accord avec le Secrétariat d’Etat du Vatican et après consultation du Conseil pontifical pour les communications sociales, le Conseil pontifical pour les laïcs «en accord avec le canon 326 alinéa 1 du Code de droit canonique» (**), révoque le décret de reconnaissance de l’UCIP daté du 15 décembre 2004.

Dans la lettre du CPL, on peut lire que le Conseil pontifical, depuis 2007, suit de très près la vie de l’UCIP et ses efforts pour résoudre la situation de crise que vit l’Union, «mais il a été nécessaire de déclarer invalide l’assemblée générale au Canada en 2007, à Rome en 2008 et il est clair que la récente (assemblée générale) au Burkina Faso est tout aussi invalide». Le cardinal Rylko, dans sa lettre du 23 mars 2011 adressée à Bernhard Sassmann, se déclare d’abord surpris que ce dernier signe la lettre de l’UCIP du 23 septembre dernier, alors qu’il n’était pas présent en personne à l’assemblée de Ouagadougou. Le président du CPL estime que son Conseil et le Conseil pontifical pour les communications sociales auraient dû être au courant de cette absence, étant donné l’importance de l’assemblée.

Le secrétaire général de l’UCIP dans le collimateur du Vatican

Il relève également l’absence à cette assemblée des deux vice-présidents et du trésorier. Il note encore que si toutes les personnes occupant des responsabilités au sein de l’UCIP ont été changées lors des assemblées de 2009 et 2010, ce n’est pas le cas du secrétaire général, qui occupe cette fonction – «la seule qui soit payée», précise-t-il – depuis 15 ans. Dans sa lettre au président de l’UCIP, le cardinal Rylko estime que la décision de Bernhard Sassmann de déléguer la présidence de l’assemblée de Ouagadougou au secrétaire général de l’organisation – «la personne qui doit être remplacée à cette fonction» – «suscite une grande perplexité». «Ainsi, il est évident que ce fait ne garantissait pas l’impartialité».

Le cardinal relève également d’autres points sensibles comme le refus de discuter les points que voulait présenter à Ouagadougou l’assistant ecclésiastique Franco Mazza – le transfert de Genève du secrétariat de l’UCIP, le rôle du secrétaire général dans l’UCIP, la question du personnel et des salaires, la durée des mandats administratifs, le cahier des charges du secrétaire général, etc. Le cardinal Rylko mentionne encore l’exclusion de l’assemblée générale de plusieurs membres, qui n’étaient pas en ordre, selon le secrétaire général, avec leurs cotisations. Ils n’ont même pas pu assister aux débats en tant qu’observateurs, «des exclusions en totale contradiction avec les pratiques appliquées dans le passé dans d’autres assemblées où les observateurs étaient autorisés à participer et à intervenir dans l’assemblée».

Mots d’encouragement pour les journalistes déçus par la tournure des événements

«Il a été faussement déclaré que le CPL avait demandé l’exclusion des observateurs», peut-on lire dans la lettre, qui mentionne encore le manque de transparence dans le rapport financier présenté devant l’assemblée», qualifié de trop général, incomplet et pas clair. Le cardinal note encore que «les finances sont administrées par le secrétaire général et non pas par le trésorier, comme cela devrait être». Le président du Conseil pontifical pour les laïcs déplore finalement que l’UCIP soit «une association complètement entre les mains du secrétaire général… Les faits montrent qu’il essaie de garder son job», poursuit-il en affirmant qu’en raison du manque de transparence, et de communications et d’informations «biaisées et fausses», «il a manipulé comme il le veut la vie associative de l’UCIP».

En expliquant que l’action juridique qu’il a décidée ne veut pas mettre en cause le bon travail réalisé dans les années passées par les membres de l’UCIP, le cardinal Rylko tient à encourager tous les journalistes catholiques, spécialement ceux qui ont été déçus par ce qui se passe en ce moment à l’UCIP, afin qu’ils «continuent de répandre l’Evangile dans le monde de la presse».

(*) Canon 300. Aucune association ne prendra le nom de «catholique» sans le consentement de l’autorité ecclésiastique compétente, selon le Canon 312.

(**) Canon 326 § 1. L’association privée de fidèles s’éteint selon ses statuts; elle peut être aussi supprimée par l’autorité compétente si son activité cause un grave dommage à la doctrine ou à la discipline ecclésiastique, ou provoque du scandale chez les fidèles.

#Encadré

Les origines de l’UCIP remontent à 1927

Les origines de l’UCIP remontent à 1927, année où plusieurs journalistes français, allemands, autrichiens et suisses créent l’Office international des journalistes catholiques, afin de promouvoir un journalisme basé sur des valeurs solides. En 1930 se déroule à Bruxelles, en Belgique, le premier Congrès mondial de la presse catholique et, en 1936, naît à Rome l’Union Internationale de la Presse Catholique. Après les années difficiles de la deuxième guerre mondiale, l’association relance ses activités à l’occasion du congrès mondial qui s’est tenu dans la capitale italienne en 1950. A partir de 1966, année où est adoptée la dénomination actuelle, l’UCIP s’ouvre à tous les professionnels catholiques travaillant dans le monde de l’information séculière et religieuse et, en 1987, elle fonde un Réseau international de jeunes journalistes, qui regroupe aujourd’hui des journalistes de moins de 35 ans travaillant sur tous les continents. Reconnue par le Saint-Siège comme organisation internationale catholique (OIC), l’UCIP est membre de la Conférence des OIC. En tant qu’ONG, elle possède un statut consultatif auprès de l’ECOSOC et de l’UNESCO.

Dans le répertoire des associations internationales de fidèles du Conseil pontifical pour les laïcs à Rome, l’UCIP déclare que pour atteindre ses objectifs, elle «privilégie la fidélité au magistère de l’Eglise et la collaboration avec d’autres organisations internationales de journalistes, confessionnelles ou non confessionnelles». Site internet: /www.ucip.ch (apic/be)

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