Suisse: Le soutien à l’impôt ecclésiastique en nette diminution

L’impôt de mandat aurait une chance dans les urnes

Zurich 31 mars 2011 (apic) Si le peuple suisse était consulté aujourd’hui sur l’abolition de l’impôt ecclésiastique au profit d’un impôt de mandat, le résultat serait vraisemblablement assez serré. Non seulement les personnes éloignées des Eglises, mais aussi beaucoup de catholiques jugent positivement l’introduction d’un impôt de mandat. C’est ce qui ressort d’une enquête menée par la rédaction alémanique de l’Apic auprès d’une centaine de personnes dans les villes d’Aarau, Bâle, Lucerne et Zurich.

Andreas C. Müller / traduction Maurice Page

En lançant en début d’année l’idée d’un impôt de mandat, par exemple sur le modèle italien *, le vicaire général du diocèse de Coire, Martin Grichting, a provoqué un vif débat médiatique. On lui reproche de vouloir par là mettre en péril les structures – qui sont démocratiques – de droit ecclésiastique et l’engagement social de l’Eglise. Les politiciens et les responsables ecclésiaux se sont exprimés mais qu’en pensent les simples contribuables ?

Pour rappel le 2 mars 1980, le peuple suisse avait clairement rejeté par 78,9% des votants une initiative concernant la séparation complète de l’Etat et de l’Eglise. Cette initiative aurait retiré la possibilité aux cantons de prélever un impôt ecclésiastique. Cette même séparation de l’Eglise et de l’Etat a été refusée à deux reprises dans le canton de Zurich en 1977 et 1995. Pour Daniel Kosch, secrétaire général de la Conférence centrale catholique romaine de Suisse (RKZ), une modification des rapports actuels ne trouverait pas non plus de majorité aujourd’hui.

Le système actuel a toujours moins de soutien

La rédaction alémanique de l’Apic a voulu recueillir l’avis des contribuables à travers un sondage auprès d’une centaine de personnes dans les villes d’Aarau, Bâle, Lucerne et Zurich. Cette prise de température n’est pas un diagnostic définitif, mais elle peut fournir quelques indices utiles

Seules 53% des personnes interrogées se prononcent pour un statu quo concernant le système de l’impôt ecclésiastique. Ce qui constitue sans doute une très nette baisse par rapport aux années 80.

Il apparaît aussi que l’introduction d’un impôt de mandat aurait le soutien des catholiques pratiquants. Les scandales d’abus sexuels ont sans doute creusé un fossé au sein de la base catholique, et accentué la perte du lien avec les paroisses et avec l’Eglise. «Je suis certes chrétien, mais l’Eglise ne me dit plus rien», explique un jeune Lucernois de 28 ans.

En se prononçant en faveur d’un impôt de mandat, les membres des Eglises cantonales (collectivités ecclésiastiques) renforceraient de fait le pouvoir des autorités diocésaines. Dans le même temps, une minorité souhaite pourtant limiter la part de leur impôt attribuée aux évêques. Il y a là une contradiction que les services et les instances spécialisées de l’Eglise zurichoise ont relevé récemment dans un communiqué de presse. Si l’impôt de mandat était introduit, les Eglises cantonales devraient encore renforcer leur travail de conviction auprès de la population.

L’impôt de mandat comme une interpellation

Beaucoup de gens sont frustrés. «L’Eglise a assez d’argent et elle a abusé de notre confiance», tel est un avis fréquemment exprimé. Le thème de l’impôt de mandat pourrait être interprété dans ce sens comme une possibilité pour l’Eglise de réfléchir à sa situation. «L’Eglise doit redevenir une Eglise et les gens la soutiendront», relève un retraité de Zurich.

En cas de l’introduction d’un impôt de mandat, 43% des personnes interrogées l’attribueraient à des projets menés par l’Etat et 37% seulement aux Eglises. Les femmes font plus confiance à l’Etat avec 49% des sondés. Pour la tranche d’âge entre 20 et 40 ans le taux en faveur de l’Etat se monte à 69%. Les personnes qui n’appartiennent pas à une Eglise attribueraient leur impôt à 61% à des projets étatiques.

Ce qui signifie que les services assurés par les corporations de droit ecclésiastique pourraient être remis en cause. Les plus jeunes jusqu’à 40 ans désigneraient les œuvres d’entraide tandis que les personnes à la retraite en feraient plutôt bénéficier les paroisses et les communautés locales. Cela en lien avec des expériences positives. «Je vois ce que les gens font dans notre communauté. C’est pourquoi je souhaite que mon argent soit utilisé ici», note une femme réformée d’Aarau.

Encadré 1

Aperçu des chiffres du sondage

– l’ensemble des personnes interrogées

pour le statu quo: 53%

pour l’impôt de mandat : 47%

– selon le sexe

– Femmes :

pour le statu quo: 57%

pour l’impôt de mandat :43%

– Hommes :

pour le statu quo: 48%

pour l’impôt de mandat :52%

– selon les confessions

– catholiques :

pour le statu quo : 45%

pour l’impôt de mandat :55%

– réformés :

pour le statu quo : 55%

pour l’impôt de mandat :45%

– autres (personnes n’appartenant pas à une Eglise) :

pour le statu quo: 61%

pour l’impôt de mandat:39%

-selon les tranches d’âge :

– moins de 40 ans 40:

pour le statu quo: 55%

pour l’impôt de mandat:45%

– 40-60 ans :

pour le statu quo: 45%

pour l’impôt de mandat:55%

– plus de 60 ans :

pour le statu quo: 60%

pour l’impôt de mandat:40%

encadré 2 :

Panel des personnes interrogées

Ce sondage a été réalisé auprès de 97 personnes dans les villes d’Aarau, Bâle, Lucerne et Zurich. 37 personnes se sont déclarées catholiques, 35 réformées et 25 n’appartiennent pas à une des Eglises reconnues. 52 femmes et 45 hommes forment le groupe des personnes interrogées. 33% ont moins de 40 ans, 38% entre 40 et 60 et 29% plus de 60.

* Encadré 3 :

L’impôt de mandat

L’impôt de mandat comme alternative à l’impôt ecclésiastique existe par exemple en Italie et en Espagne. En Italie il constitue 0.8% du total des impôts en Espagne 0,52%

Dans le cadre de l’impôt de mandat, le contribuable peut choisir à qui est destiné sa contribution entre les Eglises ou communautés religieuses reconnues, l’Etat ou des œuvres d’utilité publique. Tous les contribuables sont astreints à l’impôt de mandat, il n’est pas possible d’y échapper par une sortie d’Eglise par exemple.

(apic/acm/mp)

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