Genève: Conférence d’Antoine Sfeir sur le Moyen-Orient

Déconstruction pour une reconstruction

Genève, 23 mars 2011 (Apic) Dans le cadre des manifestations organisées par les Amis de l’Université hébraïque de Jérusalem, en collaboration avec le GIL, la communauté juive libérale, Antoine Sfeir, directeur des Cahiers de l’Orient, a esquissé quelques explications sur ce qui se passe aujourd’hui au Moyen Orient.

Mardi soir 22 mars à la Synagogue libérale de Genève, le professeur et journaliste libanais a rappelé qu’il y a plus de 50 ans, des choix furent faits, qui eurent pour conséquence de lier des régimes autoritaires et religieux – comme l’Arabie Saoudite – à l’Occident, alors que les régimes laïcs, comme l’Egypte, se retrouvaient dans le giron de l’Union soviétique. Le Moyen-Orient se figeait pour devenir un espace fermé, étranger au développement mondial du commerce et de l’industrie. La corruption qui y régnait tenait la majorité de la population à l’écart du progrès et des avantages découlant, en particulier, des revenus pétroliers. De plus cette population était privée de toute liberté de parole et de pensée. Le monde arabo-musulman s’est ainsi retrouvé au bord du gouffre.

«La révolte arabe à laquelle nous assistons actuellement est d’abord un soulèvement contre les régimes en place, contre la corruption et la confiscation de leur liberté», a lancé Antoine Sfeir. En suivant ses explications, un autre Moyen-Orient se dessine. Selon lui, il ne faut plus considérer la région telle qu’elle fut dessinée, en 1916, par les accords Spykes Picot. Il faut prendre en compte les affiliations religieuses. Deux grands blocs se dessinent ainsi: les populations sunnites et les populations chiites, avec une Egypte qui peut redevenir un pôle central pour le monde arabo-musulman.

Y aura-t-il demain deux axes fondés sur ces appartenances religieuses? En Europe aussi cela s’est passé ainsi, a relevé le conférencier: des pays se sont constitués autour du catholicisme, alors que d’autres trouvaient un lien commun dans le protestantisme. On pourrait donc voir émerger des pays sunnites et d’autres chiites qui défendraient la laïcité de l’état.

L’épouvantail israélien brandi par les régimes autoritaires

Antoine Sfeir a rappelé que l’épouvantail israélien, brandi par les régimes autoritaires pour détourner la colère populaire, était le grand absent des manifestations à Tunis, au Caire, à Benghazi… Quant à l’intervention pour protéger les populations civiles en Libye, elle est bienvenue. Mais pourquoi cette même volonté n’aboutit-elle pas pour protéger les mêmes populations de Bahreïn par exemple? «Si nul ne peut savoir ce qui en sera demain, on ne peut contester qu’un vent nouveau souffle sur le Moyen Orient», a affirmé le journaliste libanais.

Tout peut arriver, selon lui, le pire comme le meilleur. De nouveaux dictateurs peuvent confisquer ces élans de liberté, comme peuvent s’établir de nouvelles structures étatiques respectueuses des droits. De grands points d’interrogation subsistent comme celui de l’Iran, pays persan et non arabe, où des pouvoirs s’affrontent sans qu’il soit possible aujourd’hui de dire qui l’emportera. «Peut-être est-ce aussi le moment pour Israël de s’intégrer et d’être intégré comme troisième entité, au sein de ce Moyen Orient», se demande-t-il.

La reconstruction du Moyen Orient est encore à venir. Mais aujourd’hui, un espace moyen-oriental redessiné et apaisé redevient possible.

Encadré:

Fondateur et directeur des Cahiers de l’Orient

Antoine Sfeir est né en 1948 à Beyrouth au Liban. Il est journaliste et professeur franco-libanais. Directeur des Cahiers de l’Orient, il préside également le Centre d’études et de réflexions sur le Proche-Orient et est professeur en relations internationales au CELSA, selon le blog www.antoinesfeir.com

De 1968 à 1976, il est coresponsable du service étranger du quotidien francophone libanais L’Orient-Le Jour. Il est victime, en 1976, d’un enlèvement pendant la guerre du Liban. En 1977, il participe à la fondation du journal J’informe.

Jusqu’en 1989, il est journaliste à La Croix et au Pèlerin. C’est également un collaborateur du journal Le Point, du Quotidien de Paris, de L’Événement du jeudi, ainsi que des revues Études, Esprit, Afrique et Asie Moderne et Politique Internationale.

Il fonde en 1985 les Cahiers de l’Orient, produits à 4’200 exemplaires chaque trimestre. Ce journal se veut une fenêtre ouverte sur la Méditerranée.

(apic/fm/fg/bb)

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