Fribourg: Conférencier à Philanthropos, Jean-Marie Guénois interpelle le public sur l’islam
Fribourg, 20 mars 2011 (Apic) Le journaliste français Jean-Marie Guénois a invité le public, samedi 19 mars, à se confronter intelligemment avec les musulmans, «sans naïveté et sans agressivité». Mais il faut surtout «les aimer», a-t-il lancé. Rédacteur en chef adjoint, chargé des questions religieuses au quotidien «Le Figaro», il a été longuement applaudi par quelque 300 personnes participant à la 7e Rencontre annuelle de l’Institut Philanthropos, l’Institut européen d’études anthropologiques sis à Bourguillon, au-dessus de Fribourg.
Président de l’Institut, le Fribourgeois Nicolas Michel, professeur de droit international à Genève et ancien secrétaire général adjoint aux affaires juridiques de l’ONU, a présenté Jean-Marie Guénois, spécialiste des affaires vaticanes, comme «l’un des meilleurs connaisseurs du monde religieux». Il a estimé que cet homme de média, philosophe de formation, portait un «vrai regard de sagesse» sur le sujet «éminemment sensible et difficile» qu’est l’islam.
L’Institut Philanthropos a effectivement eu la main heureuse en invitant ce journaliste qui a eu l’occasion de suivre pendant des années le pape durant ses voyages internationaux. Jean-Marie Guénois était notamment aux côtés de Jean Paul II dans la mosquée des Omeyyades à Damas, le 6 mai 2001: «C’était la première fois qu’un pape entrait dans une mosquée depuis la fondation de l’islam au VIIe siècle».
«C’était il y a dix ans seulement… l’impression que c’était hier, et c’était pourtant il y a un siècle !», a lancé l’orateur. Et de mentionner la longue liste des griefs adressés aux musulmans depuis le 11 septembre 2001 (le drame des tours jumelles de New York) en passant par les tueries visant les chrétiens, du Pakistan à l’Irak, en passant par l’Algérie (les moines de Tibhirine), la Turquie (l’assassinat de Mgr Luigi Padovese), ou encore l’Egypte (l’attentat contre l’église copte d’Alexandrie et la suspension des relations entre l’Université Al-Azhar au Caire et le Vatican)…
En effet, face à la montée des extrémismes, les rapports entre chrétiens et musulmans semblent s’être durcis. Mais, a mis en garde le journaliste français après avoir dressé ce bilan raccourci des relations avec les musulmans, «je viens de faire justement tout ce qu’il ne faut pas faire…!!! J’ai stigmatisé sous un sol mot – islam, musulman – une population de plus d’un milliard de fidèles, appartenant à de multiples cultures». Et d’inviter alors ses auditeurs à «distinguer», c’est-à-dire à éviter tout amalgame et toute stigmatisation d’une population religieuse.
Jean-Marie Guénois a alors rappelé que sur 1,3 milliard de musulmans, 930 millions vivent en Asie, contre 240 millions «seulement» au Proche-Orient, sans parler de ceux qui vivent en Afrique du Nord et en Afrique sub-saharienne. Quant à l’Europe, les musulmans ne sont que 15 millions sur 466 millions d’habitants. Le journaliste a alors relevé, à l’instar du monde chrétien, la diversité du monde musulman, et de l’islam. Quant à la force politique de l’islam mondial, il a relevé que l’islam n’a pas de leadership: «Il existe une concurrence, entre pays arabes, pour l’incarner… Le Maroc et le roi qui a le titre de commandeur des croyants, l’Arabie saoudite avec ses pétrodollars, mais aussi la Jordanie. Personne ne représente l’islam mondial, il n’y a pas un Vatican de l’islam !».
Certes, face l’islam, a-t-il admis, «il y a parfois chez nous, en Occident, une certaine bienveillance qui confine à de la naïveté, mais pour le dialogue, la bienveillance est requise». Pour Jean-Marie Guénois, il y a entre chrétiens et musulmans une nécessité de se confronter – le désaccord sur le plan théologique est fondamental, notamment sur l’incarnation du Christ -, mais cela ne signifie pas affrontement, retour à l’esprit des croisades ! La présence de l’islam en Europe, justement, oblige les catholiques à se poser la question de leur identité.
«On sait que les deux religions ne peuvent arriver à un consensus, il ne faut pas alors se voiler la face avec de bons sentiments, mais faire preuve d’un réalisme profond… Je trouve que l’Eglise catholique n’est pas assez active – elle est en retrait – pour activer cette confrontation intelligente au niveau des élites. Cette confrontation doit être contrôlée par les élites, et non par les boutiques ! L’explication doit être sereine, mais elle est inévitable. Nous ne devons pas nous affronter, mais inventorier les points de vue. Cela amène au respect, à respecter et à être respecté…»
Au moment où, en France, la droite politique s’empare du fait musulman pour polémiquer en vue des élections présidentielles de 2012, Jean-Marie Guénois en appelle au calme. «Combien de fois je suis étonné du manque de tact de certains de nos politiciens ou autres par rapport à l’acte de foi d’une personne… L’islam peut apporter une leçon à la société occidentale: oser mettre Dieu sur la place publique, oser s’arrêter de travailler pour prier, mettre Dieu au centre d’une société qui a tout fait pour l’évacuer.
Les chrétiens, de ce point de vue, peuvent en prendre de la graine !» S’il ne prétend pas qu’il faut imposer le christianisme de cette manière, le journaliste du «Figaro», s’est laissé dire, par plusieurs témoins, que Jean Paul II voyait l’irruption de l’islam en Occident comme quelque chose de providentiel, un mystère, disait le pape polonais, «sur lequel Dieu nous éclairera un jour, j’en suis certain».
(*) Auteur de «Benoît XVI, le pape qui ne devait pas être élu» (Ed. Jean-Claude Lattès 2005), traitant des coulisses de l’élection surprise de Benoît XVI de la succession de Jean Paul II, Jean-Marie Guénois est rédacteur en chef adjoint, chargé des questions religieuses au «Figaro» depuis août 2008. Il avait travaillé de 1998 à 2008 au quotidien «La Croix» comme chef du service religion. Pendant cette période, il a animé chaque semaine sur «France 2» une émission dominicale produite par «Le Jour du Seigneur» et «La Croix», (»Midi moins sept», puis, «c’est aussi de l’info»), interviews de personnalités de tous horizons. De 1989 à 1998, à Rome, il a fondé une agence de presse internationale «I.Media», une agence de référence sur le Vatican. Dans l’avion du pape, il a suivi de nombreuses visites pastorales sur tous les continents. A Rome, il a également travaillé pour la revue «30 Giorni», spécialisée dans les questions religieuses internationales.
«Le bassin de recrutement est majoritairement français, et parmi les Suisses, les Valaisans forment toujours un bon contingent», a déclaré à l’Apic Nicolas Carron, supérieur de la Fraternité Eucharistein de Bourguillon, adjoint de direction de Philanthropos et responsable de la vie spirituelle et fraternelle de la communauté. Le budget annuel de l’Institut tourne autour de 800’000 francs, y compris la fourniture des locaux, qui sont facturés au prix de revient par les Sœurs de Baldegg, propriétaires des lieux. «Pour l’essentiel, les professeurs, qui donnent 700 heures de cours par année, sont bénévoles», précise Nicolas Carron. Les étudiants doivent payer pour un an CHF 12’400. — (formation CHF 4’400.– , ainsi que CHF 8’000.– pour le logement et la nourriture). Le reste est financé par des sponsors, des dons, et les apports de l’Association des Amis de Philanthropos. (apic/be)
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