Lausanne: Débat-conférence sur le thème «Faut-il voiler les croix?»
Lausanne, 18 mars 2011 (Apic) «Faut-il voiler les croix?» La question a été posée lors d’une conférence-débat organisée par la Société vaudoise de théologie, le 17 mars 2011 à Epalinges, entre juristes, théologiens et libres penseurs. Trois exposés ont mis en perspective les enjeux des symboles religieux entre vie privée et vie publique, entre droits humains et liberté de croyance, ou encore sur le terrain juridique des relations Eglise-Etat.
Pour le Professeur Jean-Claude Basset, spécialiste des religions, c’est «une double impasse». Ce dernier a souligné les tensions existant entre la sphère privée d’une religion et son message à portée sociale. Il a démasqué la «tricherie», qui consiste à vouloir une séparation complète de ces deux sphères, en mettant en exergue ne serait-ce que les traces de la religion dans le calendrier ou encore les trésors de l’art religieux exhibés au public.
Il estime que, plus loin que le signe, il faut voir le signifié. «L’extériorité n’est pas séparable de l’intériorité», a-t-il souligné. Evoquant le contexte de sécularisation, de désinstitutionalisation et de pluralisme religieux, Jean-Claude Basset plaide, à la mode canadienne, en faveur d’un accommodement raisonnable, pour un espace respectueux.
Trouver un juste équilibre, c’est le défi que s’est fixée Reta Caspar, secrétaire de l’Association Suisse des Libres Penseurs. S’appuyant sur une étude de l’Université de Fribourg, qui développe la réalité d’une grande, voire trop grande visibilité des symboles religieux, la libre penseuse plaide pour «plus de modestie et de discrétion».
Pour elle, les médias suisses eux-mêmes sont porteurs de connotations religieuses. De plus, l’Etat devrait étudier, selon la loi de 1979 sur les constructions, les permis de construire touchant les croix aux abords des autoroutes et tout autre symbole, en dehors des lieux de culte. Refusant les signes religieux dans la sphère publique, Reta Caspar ne souhaite cependant aucune destruction de ce qui existe, mais plutôt un abandon progressif, «pas à pas» de ces divers symboles. Pour la libre penseuse, les liens existants entre le pouvoir et le spirituel restent encore à préciser. Elle refuse tout privilège accordé au religieux.
Les enjeux juridiques ont été abordés par Suzette Sandoz, professeur honoraire de droit et membre du Synode de l’Eglise évangélique réformée du canton de Vaud. Retraçant l’influence de la laïcité à la mode française, elle a rappelé l’originalité de la tradition helvétique, dans laquelle l’Etat est religieusement neutre. «C’est ce qui permet de garantir la liberté religieuse et la dignité humaine», a-t-elle déclaré.
Traversant la dernière décennie avec de multiples exemples comme l’affaire tessinoise des crucifix en 1990, mais aussi le cas d’un sikh refusant de porter le casque de moto, ou encore le respect du terrain public mis en cause dans les cimetières par certains musulmans, la juriste a souligné qu’une base légale est incontournable pour garantir l’intérêt public et la sécurité.
Modéré par Raphaël Pasquier, journaliste au service des émissions religieuses à la RTS, le débat a démontré le vif intérêt du public, désireux de comprendre et de connaître les thèses de la «libre pensée». Ils étaient nombreux à s’interroger sur la manière de construire un «vivre ensemble» respectueux des droits et devoirs de tout citoyen.
Horizontalité et verticalité du religieux se sont croisées, tout comme la dimension d’utilité publique et son lien avec les pouvoirs politiques. Faut-il voiler les croix? La question a finalement pu se traduire par «comment dévoiler nos convictions», celles qui permettent de vivre les tensions dans une quête d’harmonie. (apic/rp/nd)
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