Rencontre avec la présidente du Conseil national Chiara Simoneschi-Cortesi

Berne: La «première citoyenne de Suisse» défend l’humanisme chrétien

Jacques Berset, agence Apic

Berne, 7 septembre 2009 (Apic) S’il arrive qu’elle soit dénigrée de façon ordurière par «Il Mattino della Domenica», la publication populiste du «léguiste» tessinois Giuliano Bignasca, ou vilainement prise à partie par un conseiller national de l’aile «blochérienne» de l’UDC, Chiara Simoneschi-Cortesi ne se démonte pas: elle est appréciée par la plupart des autres parlementaires fédéraux, et surtout par la base, les petites gens de son canton.

La parlementaire PDC tessinoise, tendance chrétienne sociale, est cette année «la première citoyenne de Suisse» en tant que présidente du Conseil national. Elle amène dans la Chambre basse à Berne une sensibilité féminine et latine – elle a présidé le «Groupe latin» du PDC – qui fait chaud au cœur.

L’une des «consciences chrétiennes» du Parlement, elle dit avoir adhéré au Parti populaire démocratique (PPD), le parti démocrate chrétien tessinois, en s’inspirant de fortes personnalités démocrates chrétiennes de l’après-guerre: don Luigi Sturzo, La Pira, Aldo Moro. «La politique, insiste-t-elle, on doit la faire avec amour, le cœur, avec pour but le bien commun, pas la recherche de solutions partisanes!».

«A la maison, même si ma mère était une protestante bernoise, j’ai reçu la plus catholique des éducations. Au Collège dirigé par les Sœurs de Menzingen, le meilleur collège pour les filles à Lugano, j’ai reçu une grande éducation aux valeurs… Ce furent d’un côté des années agréables, mais comme j’avais un caractère très volcanique et joyeux, les sœurs cherchaient à me brider!» Chiara Simoneschi-Cortesi, en recevant jeudi 3 septembre au Palais fédéral de Berne des membres de l’Association suisse des journalistes catholiques (ASJC), n’a pas adopté le côté «politiquement correct» que l’on rencontre trop souvent à ce niveau de responsabilités.

Succession Couchepin: la «première citoyenne» ne dévoile pas ses préférences

Certes, de par sa fonction de «première citoyenne» qui doit diriger l’élection du successeur du conseiller fédéral Pascal Couchepin le 16 septembre 2009, elle n’a pas voulu dévoiler ses préférences. Sur le principe, a-t-elle cependant déclaré, il faudrait qu’il y ait toujours un Tessinois en lice.

Chiara Simoneschi-Cortesi s’est engagée toute jeune dans la vie associative de sa commune, pour aider les personnes âgées, donner le catéchisme, etc. «J’ai toujours vu l’engagement dans la famille et en dehors non comme une obligation, mais comme un devoir moral, un besoin, car nous sommes des êtres sociaux». Quand ses trois enfants sont devenus plus grands, la bouillonnante militante – qui pense «qu’un autre monde est possible» (c’est aussi le slogan des altermondialistes!) – a estimé qu’elle pouvait s’engager: «J’avais besoin de faire quelque chose pour la société, en m’engageant bénévolement, puis en me présentant par hasard sur une liste pour les élections communales».

«Mon programme; le Sermon sur la montagne»

Certes, elle n’a pas été élue cette fois là, mais elle le faisait dans le sens de ce que disait alors John Kennedy: «Ne demande pas à ton pays ce qu’il peut faire pour toi, mais ce que tu peux faire pour lui!»

«J’étais en syntonie parfaite avec les années 60, avec cette philosophie de l’engagement», poursuit la conseillère nationale tessinoise. Mais, précise-t-elle, elle ne puisait pas ses motivations dans une idéologie de gauche, mais en particulier dans le Sermon sur la montagne, d’après l’Evangile selon saint Matthieu: «C’est mon programme!» Chiara Simoneschi-Cortesi dit vouloir toujours tourner son attention vers les «petits», «donner voix à ceux qui n’ont pas de voix».

Elle voit sa vision humaniste sévèrement remise en cause quand le Parlement helvétique adopte des lois sur les étrangers où on les considère quasiment comme s’ils étaient des criminels. Une législation qui viole notamment la Convention relative aux droits de l’enfant, remarque-t-elle. «Nous avons là une loi fausse et inhumaine en matière d’asile, et dans ce domaine, cette politique répressive a échoué», lâche-t-elle.

«Je suis aussi une politicienne atypique»

Dans ce sens, admet-elle, «je suis aussi une politicienne atypique», tout en relevant que les électeurs, en particulier les femmes et les jeunes, ont bien compris qu’elle ne recherchait ni honneur ni argent. Elle déteste d’ailleurs le qualificatif de «carrière» quand on parle de son chemin politique, lui préférant le mot «parcours».

Au cours de sa carrière, elle s’est battue pour l’égalité des chances entre hommes et femmes (ce qui ne lui a pas toujours valu le soutien des pontes du PDC, quoique le Tessinois Flavio Cotti l’ait dans ce domaine appuyée avec enthousiasme, tient-elle à souligner), et pour plus de justice envers les pays pauvres. «C’est un scandale, au sens évangélique, ce qui se passe dans les pays africains, et pas seulement là-bas!» Elle a également fait de la reconnaissance du rôle de la famille dans la société une véritable bannière.

Si certaines de ses positions, comme dans le domaine social ou familial, la rapprochent des socialistes, quelquefois elle considèrent ces derniers comme «trop idéologiques». Elle ne partage pas leurs positions dans des domaines comme l’avortement. Par contre, les femmes PDC, une grande partie des socialistes et des Verts, partagent le même point de vue concernant la recherche sur les cellules souches embryonnaires.

Pour Chiara Simoneschi-Cortesi, le parti démocrate-chrétien est un parti du centre, le seul, depuis qu’une partie du parti radical s’est alignée sur l’UDC. Pour elle, la Suisse doit poursuivre dans la recherche du consensus, car une politique d’alternance entre la gauche et la droite, comme cela se passe dans les pays voisins, n’est pas praticable dans ce pays avec le système politique qui se base sur les droits populaires.

«La politique a pris un tournant que je n’aime pas du tout»

«Malheureusement, déplore la présidente du Conseil national, la politique a pris un tournant que je n’aime pas du tout. Au Tessin, n’en parlons pas! ’Il Mattino’ a fait des photomontages scandaleux de ma personne, il s’en prend systématiquement aux femmes politiques tessinoises, à moi et à ma collègue du Grand Conseil tessinois Monica Duca Widmer, aux conseillères d’Etat tessinoises et même aux conseillères fédérales… «

La présidente du Conseil national déplore également que la façon de faire de la politique se soit également dégradée au plan fédéral ces dernières années, avec des dérives populistes, voire extrémistes en ce qui concerne la problématique des étrangers et des requérants d’asile. Et les médias, dans ce domaine, ne s’en sortent pas toujours à leur avantage: «ils sont souvent bien contents de remplir leurs pages avec les controverses, le blanc et le noir, cela fait vendre, les médias sont en concurrence…» Et de déplorer, en citant des exemples de dérives, que parfois la télévision ne remplit pas toujours son rôle de service public… Les médias, même s’ils sont soumis à la pression de la concurrence, devraient faire moins d’alarmisme, ne pas toujours crier au loup et courir après les scoops». Les principes inspirateurs d’une politique pour le bien commun «sont en train de fondre comme neige au soleil».

«Des lobbies qui colonisent la politique fédérale à Berne»

Question finance, d’ailleurs, Chiara Simoneschi-Cortesi a mis son propre argent dans ses campagnes électorales, pour ne pas dépendre des lobbies qui colonisent la politique fédérale à Berne: «Que dire quand les lobbies ont trop de force, au point qu’ils préparent les discours de parlementaires, paient leur campagne électorale.

On voit ici le Parlement de milice qui a atteint la limite de ses possibilités. Le Parlement de milice est en fait une utopie; on ne peut pas vivre de ce travail parlementaire, il vaudrait mieux que l’on donne aux parlementaires un salaire, avec la LPP. Pour qu’ils puissent faire de la politique en suivant leur conscience, plutôt que des mots d’ordre venus de ceux qui les rémunèrent». JB

Encadré

Chiara Simoneschi-Cortesi est notamment active au sein de la Commission des transports et des télécommunications (CTT) et de la Commission de la science, de l’éducation et de la culture (CSEC). En tant que présidente de la Commission fédérale pour les questions féminines entre 1997 et 2007, elle s’est engagée en faveur des préoccupations des femmes, de la réduction des disparités salariales et de la prise de conscience de l’opinion publique dans le domaine de l’égalité entre femmes et hommes.

Née le 21 avril 1946 à Zurich, Chiara Simoneschi-Cortesi est domiciliée à Comano, au Tessin. Elle a 3 fils adultes.

Formation 1965 Maturité type B au Liceo cantonale de Lugano

1965-1968 Études de sciences politiques et de sociologie à l’Université de Berne

Mandats politiques 1984-2000 Conseillère communale à Comano

1996/97 Présidente du Conseil communal de Comano

1987-1999 Députée au Grand Conseil tessinois; présidente en 1998-1999; dès 1999 Conseillère nationale

Dès 1980, membre du comité de la section PDC de Comano (présidente en 2000); dès 1984 membre de la direction du PDC du district de Lugano; 1984-1996 membre du comité du PDC suisse; dès 1985 membre de la direction du PDC tessinois; 1985-1992 membre de la présidence du PDC tessinois; 1985-1997 présidente de l’Association des femmes PDC du canton du Tessin (Associazione Donne del PPD ticinese); 1985-1996 membre du comité des Femmes PDC suisses (également vice-présidente); 1991-1995 présidente du Cercle PDC de Vezia

Autres domaines d’activité au niveau fédéral: présidente de Quality Alliance Eco-Drive, membre du Conseil de fondation de l’œuvre d’entraide catholique suisse «Action de Carême»; membre de la Commission d’admission au service diplomatique

Autres domaines d’activité au niveau cantonal: co-présidente de la Conférence de la Suisse italienne pour la formation continue des adultes; membre fondatrice de «Demetra», association d’aide aux mineurs victimes de violence; membre du groupe de travail pour l’égalité des chances de l’Université de la Suisse italienne; membre du Conseil de Bibliomedia de la Suisse italienne (apic/be)

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