Irlande: Nouvelles controverses concernant les indemnités à verser pour les victimes d’abus
Dublin, 26 mai 2009 (Apic) L’Eglise irlandaise se retrouve divisée après la publication mercredi dernier du rapport final de la «Child Abuse Commission», la Commission sur les abus physiques et sexuels commis contre les enfants confiés à des institutions gérées par l’Eglise catholique. 18 congrégations religieuses ont en effet rejeté les appels lancés par les deux plus importants responsables catholiques de l’île.
Le cardinal Sean Baptist Brady, archevêque d’Armagh et primat d’Irlande, et l’archevêque de Dublin, Mgr Diarmuid Martin, estimaient qu’un accord datant de 2002 sur les compensations à verser aux victimes d’abus dans des institutions catholiques devait être révisé suite à la publication de l’accablant rapport du 20 mai dernier. Tous deux ont demandé aux congrégations religieuses concernées de reconsidérer leurs contributions dont le montant avait alors été fixé à 128 millions d’euros, soit quelque 10% du coût total des indemnités estimées à l’époque. Cet accord conclu avec le gouvernement irlandais en 2002 avait suscité la controverse. Les congrégations religieuses avaient en contrepartie de leur paiement presque entièrement échappé aux poursuites judiciaires, ce qui a été dénoncé par les associations de victimes.
Mais les 18 congrégations qui avaient signé cet accord, et dont certaines ont déjà payé l’entièreté de leur dû, ont déclaré lundi soir qu’elles n’allaient pas le renégocier, donnant seulement une vague assurance de «trouver les voies les meilleures et les plus appropriées» pour venir en aide directement aux victimes survivantes.
Dans leur première déclaration après la publication de la Commission d’enquête sur les abus commis contre les enfants, les prêtres, frères et religieuses des 18 congrégations concernées avaient déclaré tous ensemble: «Nous reconnaissons une fois encore et nous acceptons la gravité de ce qui a été découvert et des conclusions contenues dans le Rapport Ryan». Mais ils ont tout de même refusé de rouvrir les négociations sur les indemnités conclues en 2002.
Ils ont fermement rejeté les nouveaux appels pour revoir cet accord, malgré la ferme intervention de Mgr Diarmuid Martin qui a déclaré que le fait de ne pas honorer l’accord signé il y a sept ans était «accablant». Il a demandé un nouveau geste de la part de ces congrégations, afin qu’elles reconnaissent les souffrances que leurs membres ont causées dans le passé. Le cardinal Brady a fait écho à cet appel, en relevant que les congrégations avaient besoin de répondre publiquement pour clarifier les raisons derrière l’accord de 2002 et de voir quelles sont les démarches à entreprendre pour le renégocier. Le cardinal a estimé que cette réponse devait avant tout être centrée sur les besoins des victimes qui sont encore vivantes.
Les congrégations pourraient être obligées à renégocier l’accord de 2002
Ces divergences au sein de l’Eglise irlandaise surgissent alors que le gouvernement devait examiner ce mardi les conséquences de la publication du dernier rapport de la Commission d’enquête sur les abus et examiner la position du procureur général sur la possibilité d’obliger les congrégations à renégocier l’accord de 2002.
Après une dizaine d’années d’enquête sur les abus dont ont été victimes des enfants dans des institutions catholiques en Irlande depuis 1940, le rapport final de la «Child Abuse Commission», la Commission sur les abus commis contre les enfants, a été finalement publié mercredi 20 mai. Il s’agit de la plus vaste enquête concernant les congrégations religieuses en Irlande jamais réalisée. Ce rapport a souligné les abus infligés sur le plan émotionnel, physique et sexuel aux enfants qui sont passés par des écoles et des institutions catholiques durant tout ce temps. Près de 35’000 enfants ont été placés jusque dans les années 1980 dans un réseau d’écoles, d’ateliers, d’écoles professionnelles, de maisons de correction et d’autres institutions pour handicapés. Plus de 2’000 d’entre eux, selon la Commission d’enquête sur les abus commis contre les enfants, ont déclaré avoir souffert d’abus physiques et sexuels quand ils étaient dans ces institutions.
Après quelque neuf ans d’enquête auprès de plus de 200 d’écoles et institutions gérées par l’Eglise catholique irlandaise, la Commission créée par le gouvernement en l’an 2000, a révélé l’ampleur des abus subis par des milliers de petits pensionnaires, souvent traités davantage comme des esclaves et des détenus que comme des êtres disposant de droits légaux. Aux yeux de la Commission, les pensionnaires étaient dénigrés et humiliés quotidiennement et leurs draps souillés montrés en public. Les fratries étaient séparées et les contacts avec les familles limités. Les enfants souffraient souvent de la faim et les logements étaient glacials, spartiates et lugubres, pourvus de sanitaires rudimentaires.
«Un climat de peur, créé par des châtiments insidieux, excessifs et arbitraires a grandi dans la plupart des institutions et dans toutes celles accueillant des garçons», affirme le rapport. «Les abus sexuels, viols et attentats à la pudeur, dans ces établissements dirigés par la congrégation des Frères chrétiens, étaient d’ailleurs endémiques», peut-on encore lire. Le gouvernement irlandais a déjà versé près d’un milliard d’euros de compensations et de remboursements de frais de justice à environ 12’500 des quelque 14’500 victimes. (apic/com/irt/irex/bbc/be)
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