Un éditeur engagé

Fribourg: Les Editions Ad Solem dans les murs de la ville de Fribourg

Fribourg, 28 avril 2009 (Apic) Créées en 1969 par un homme qui avait fait une expérience monastique à la Valsainte, en Gruyère,dans le canton de Fribourg, les Editions Ad Solem ont longtemps été hébergées à Genève. Elles sont aujourd’hui de retour à Fribourg, depuis le 3 mars.

Initialement vouées à la littérature monastique, les Editions Ad Solem ont été reprises en 1993 par Grégory Solari, qui leur a donné une nouvelle ouverture avec des publications dans les domaines de la théologie, de la philosophie et actuellement de la poésie. L’axe rédactionnel est celui des liens entre la foi et la culture.

Depuis le début mars, elles se sont installées au no 6 de la rue Pierre-Aeby à Fribourg. Elles éditent entre 15 et 20 titres par année. Deux personnes font tout le travail. Le créneau est très spécialisé et Ad Solem veut fidéliser et garder son lectorat. Pour Grégory Solari, il y a beaucoup trop de livres qui paraissent; le but de sa Maison est d’éditer des textes qui «ont quelque chose à dire». Il situe son activité éditoriale dans la tradition suisse: soin de la mise en page, du choix des caractères, des formats du livre, des matières utilisées. Mais il n’y a pas de recherche de luxe, simplement le désir de faire de la bonne édition. Pour lui, le livre en soi est un bel objet, et c’est ce qu’il veut garder, avec l’idée que «Ad Solem est une maison d’édition religieuse, et on ne parle pas de Dieu sur du papier journal, sur du mauvais papier. Il faut qu’il y ait une cohérence de fond et de forme».

Fribourg au lieu de Genève

Le transfert à Fribourg n’a pas posé de problème; la production a simplement été interrompue pendant quelque temps. Genève est la ville internationale, mais le paradoxe des Editions Ad Solem, c’est d’être une édition suisse, dont les auteurs et collaborateurs sont quasiment tous français. Près de 90% des ventes se font en France, le marché suisse romand étant très petit. Si certains ont craint que le déplacement à Fribourg ne régionalise les éditions, Grégory Solari constate au contraire que la présence de l’Université que fréquentent de très nombreux étrangers est plutôt favorable à son installation dans la ville des Zäringhen. C’est, d’après lui, souvent pour la philosophie et la théologie que les étrangers y viennent étudier. Les auteurs français ont bien perçu l’importance de la place de Fribourg dans le domaine des études. Genève, au contraire, est avant tout une ville de services, avant d’être une ville de culture.

La Suisse: carrefour des cultures

Ad Solem édite principalement des auteurs français, mais publie aussi des textes sur le cardinal Journet, figure emblématique genevoise, travaillant à Fribourg. Le directeur espère pouvoir faire encore autre chose sur cette personnalité religieuse et également publier des textes relatifs à Maurice Zundel et sur la poésie d’Anne Perrier, découverte par Charles Journet. Les Editions publient, de plus, de nombreuses traductions: John Henry Newman, Edith Stein, Josef Pieper, entre autres.

La Suisse, de par sa situation, est pour Grégory Solari, une passerelle entre différentes cultures et entre différentes manières de vivre et de comprendre le catholicisme. C’est ce qui distingue la Suisse de la France, parce que les Français «sont très hexagonaux», qu’ils regardent ce qui se passe chez eux avant de se tourner vers l’extérieur».

Le cardinal Newman, figure de proue des Editions Ad Solem

Bien en évidence dans le bureau des Editions, une photographie du Cardinal Newman veille sur les lieux. Aux yeux de Grégory Solari, Newman est la plus grande figure ecclésiale des temps modernes, qu’il compare à saint Augustin. Le cardinal anglais entre en catholicisme par son souci de la vérité, sans se laisser dominer par aucun sentimentalisme, pour ne céder qu’à des arguments de raison. «Newman est un homme de foi, qui est en même temps un homme de culture, un homme d’Eglise, tout en étant totalement libre dans sa recherche théologique et spirituelle». Il a vu que «ce qui se passait à son époque était l’aube d’une grande mutation de société». Newman a justifié les arguments de l’Eglise, non en recourant à l’apologétique, mais à ce qui est le plus propre de l’homme, sa conscience qui n’est autre que la présence morale de Dieu en tout être humain. Et, pour Newman, suivre cette lumière intérieure conduit inévitablement à la vérité, qui est l’Eglise. Il n’y pas, pour lui, d’opposition entre la «lumière intérieure», la conscience, et la «lumière extérieure, le magistère.

Newman est, pour l’éditeur, un homme de tous les temps, dont le discours est toujours actuel: «il parle pour l’homme d’aujourd’hui». Un parallèle peut être établi entre Benoît XVI et Newman: les deux sont des catholiques du Nord de l’Europe, ce sont deux grands universitaires spécialistes des Pères de l’Eglise; ils sont également tous deux musiciens.

La béatification du cardinal Newman est en cours à Rome, un obstacle ayant été levé par la reconnaissance d’un miracle qui lui est attribué pour la guérison d’un paraplégique.

Encadré

Grégory Solari se pose la question de la place et de la visibilité du religieux dans la société occidentale. La question des minarets, soulevée par l’initiative de l’UDC, le laisse perplexe quant à sa visée: cherche-t-elle à défendre le christianisme ou à réduire la visibilité de l’islam en Suisse? Il constate que l’UDC veut actuellement jouer le rôle tenu par les radicaux hier. Pour lui, l’initiative omet d’interroger les fondements de la dichotomie entre «sphère religieuse et sphère civile» et reste dans le cadre hérité des Lumières où seule la raison pure – à la manière de Kant – a valeur. Il constate que l’initiative reste dans le cadre des Lumières, en refusant de s’interroger sur la «dichotomie entre sphère religieuse et sphère laïque». Il reproche aux partisans de la laïcité de voir dans la religion une pathologie et de rendre l’islam plus visible tout en affaiblissant le christianisme. Ceux-ci jouent un rôle dangereux parce qu’ils n’auront rien à opposer à l’islam, dont les valeurs ne sont pas les mêmes que les leurs. D’autre part, il constate que la position des différents partis politiques est ambiguë et risque d’entraîner des conséquences assez lourdes quant à leur crédibilité. Les partis favorables à la laïcité bénéficieront peut-être du refus de l’initiative, ce qui leur permettra de se rendre plus présents sur la scène politique, mais c’est «un jeu dangereux, car si la séparation des pouvoirs politique et religieux a été rendue possible en Europe, c’est parce que le christianisme l’avait déjà rendue concevable.» Grégory Solari constate que si la France adopte actuellement une laïcité modérée, la Suisse est en train d’entrer de plein pied dans cette voie. Il affirme que tous feront les frais de l’opération, les partis politiques pour commencer, mais aussi les Eglises. (apic/js)

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