La longue tradition entre la France et Saint-Jean-de-Latran

Rome: Visite de Nicolas Sarkozy au Vatican

Rome, 17 décembre 2007 (Apic) Le président de la République française, Nicolas Sarkozy, prendra officiellement possession de son titre de ’chanoine d’honneur’ de la Basilique Saint-Jean de Latran le 20 décembre 2007.

La ’célébration pour la France’ à laquelle le président français Sarkozy participera le 20 décembre, présidée par le cardinal Camillo Ruini, vicaire de Rome pour le pape, s’inscrit dans une longue tradition. Chanoine d’honneur’ de la Basilique Saint-Jean de Latran est en effet un titre que reçoivent les présidents français en exercice.

Depuis l’époque carolingienne et Pépin le Bref, la France, ’Fille aînée de l’Eglise’, est ainsi étroitement liée à l’histoire de la cathédrale de Rome, Saint-Jean-de-Latran, et à celle de son chapitre. Mais c’est en 1604 que ces relations ont pris une nouvelle ampleur et se sont installées durablement. En effet, après son abjuration du protestantisme (1593) et la reprise des relations entre la France et le Saint-Siège, Henri IV décida de faire don au Latran de l’abbaye bénédictine de Clairac, située aujourd’hui dans le département du Lot-et-Garonne, ainsi que de ses revenus.

En signe de gratitude, le chapitre du Latran décida d’élever une statue à celui que l’on surnommait le ’Vert Galant’. La statue, oeuvre de Nicolas Cordier, se trouve toujours dans l’atrium de la basilique. Mais le chapitre du Latran décida surtout d’attribuer au roi le titre de ’premier et unique chanoine d’honneur’ de la basilique et de célébrer chaque année à la date anniversaire de sa naissance – le 13 décembre – une messe ’pro felici statu Nationis Galliiae’, une messe pour la France.

Les années ont passé, mais les présidents de la République française portent toujours ce titre. Un titre qui leur donnerait même le droit, s’ils en avaient envie, d’entrer dans la basilique à cheval. Trois présidents de la 5e République sont venus à Saint-Jean-de-Latran prendre possession de leur titre : le Général De Gaulle (1959-1969), Valery Giscard d’Estaing (1974-1981) et Jacques Chirac (1995-2007). Georges Pompidou (1969-1974) et François Mitterrand (1981-1995), cependant, ne se sont pas ’installés’ formellement dans le chapitre. Elu en mai 2007, le nouveau président français, Nicolas Sarkozy, prendra possession de son titre de chanoine après avoir été reçu en audience par Benoît XVI au Vatican le 20 décembre à 11h.

Prêtre de la communauté française à Rome, Mgr Louis Duval-Arnould est chanoine de Saint-Jean-de-Latran, et représentant du président de la République. Il est également Préfet des archives du chapitre et, symboliquement, ’Abbé de Clairac’. Cette abbaye des 11e et 12e siècles a été détruite pendant la Révolution française. Restaurée, elle n’est plus en fonction aujourd’hui, mais abrite un musée des automates.

Chaque 13 décembre une messe pour la France au Latran

Les relations entre la France et Saint-Jean-de-Latran fourmillent de détails comme le choix de Louis XV, en 1729, d’offrir à son tour au chapitre les revenus de deux prieurés dépendant de l’abbaye de Clairac. Une fois encore, en remerciement, les chanoines décidèrent de lui élever un monument. L’oeuvre en stuc, marbre, lapis-lazuli et bronze doré est toujours conservée dans la sacristie au-dessus d’une porte de la chapelle Sainte-Anne.

Enfin, malgré plusieurs interruptions, la tradition de célébrer une messe pour la France au Latran chaque 13 décembre – anniversaire d’Henri IV et fête de la sainte Luce – s’est maintenue jusqu’à nos jours. L’ambassadeur de France près le Saint-Siège y assiste en tant que représentant du président de la République. Il y reçoit les honneurs liturgiques dès son entrée dans la basilique et la messe est, le plus souvent, célébrée par le cardinal vicaire de Rome. HY/AMI

Encadré

Une basilique qui remonte au 4e siècle

Le Latran n’est plus la demeure des papes depuis le 14e siècle, mais Saint-Jean-de-Latran demeure l’église de Rome par excellence, ’mère et tête de toutes les églises de la ville et du monde’ comme on peut le lire sur la façade du bâtiment.

Le nom ’Latran’ provient du nom de la demeure d’une grande famille de patriciens romains, les Laterani, sur laquelle la basilique a été élevée. Le premier bâtiment a été construit sur le même modèle que l’antique basilique Saint-Pierre du Vatican, sous le règne de l’empereur Constantin et consacrée en 324 par le pape Sylvestre Ier. Sa nef longue de 130 mètres en fait la plus grande église de Rome après la basilique Saint-Pierre. Le Latran a été la résidence des papes – qui habitaient dans un palais adjacent, le ’Patriarco’ – jusqu’en 1309, date à laquelle Clément V fit transférer le Saint-Siège à Avignon.

L’architecte tessinois Borromini a réalisé l’intérieur

La basilique et son palais ont ainsi connu une histoire mouvementée. Ils subissent des dégâts lors des sacs de Rome par Alaric en 410, puis Genséric en 455. Un tremblement de terre détruit la basilique en l’an 896. Reconstruite entièrement par le pape Serge III au 10e siècle, elle est à nouveau détruite par un terrible incendie dans la nuit du 6 mai 1308 sous le pape Clément V qui la fait encore reconstruire. Les travaux sont terminés sous le règne de son successeur avignonnais Jean XXII (1316-1334). La cathédrale de Rome est encore endommagée par un séisme en 1349, puis par un autre incendie en 1361, et à chaque fois restaurée.

L’édifice actuel est, en fait, une reconstruction des 17e-18e siècles, due pour la nef et l’aménagement intérieur à l’architecte Francesco Borromini – réalisés pour le pape Innocent X à l’occasion du Jubilé de 1650 -, et pour la façade monumentale élevée en 1734, à l’architecte Alessandro Galilei. Originaire de ce qui est aujourd’hui le Tessin, Francesco Borromini, maître du style baroque dans la Rome des papes, est le plus célèbre de ces architectes qui ont émigré. De nombreux autres ont aussi émigré dans le nord de l’Europe baroque. Borromini figure aujourd’hui en effigie sur les billets de 100 francs de la Confédération helvétique.

Latran, un nom chargé d’histoire

La basilique Saint-Jean-de-Latran appartient donc à l’histoire de la papauté et de l’Eglise catholique. Jouissant de l’extraterritorialité comme les autres basiliques majeures de Rome (Saint-Paul-hors-les-murs, Sainte-Marie-majeure) qui dépendent directement du Vatican, la basilique est associée aux grandes heures de la capitale italienne. Ainsi, il est très symptomatique que ses grandes portes centrales en bronze soient les portes de l’antique curie du Forum où siégeaient les sénateurs romains. Ce poids de la papauté et de Saint-Jean-de-Latran se lit aussi à travers une autre anecdote. C’est dans cette basilique que l’empereur Charlemagne fut baptisé le jour de Pâques de l’an 774 et c’est à Saint-Pierre qu’il fut couronné empereur le 25 décembre 800. Enfin, le Latran a été le siège de cinq Conciles : Latran I (1123), Latran II (1139), Latran III (1179), Latran IV (1215) et Latran V (1512).

Les fameux Accords créant l’Etat du Vatican

C’est au palais du Latran que sont signés, le 11 février 1929, les fameux accords créant l’Etat de la Cité du Vatican. Bien plus tard, Jean XXIII redonnera toute son importance au Latran en décidant, en 1962, d’installer le vicariat de Rome – siège de l’administration du diocèse – dans le palais attenant à la basilique. C’est Paul VI qui a réalisé ce projet quelques années plus tard. C’est à Saint-Jean que ce même pape a voulu célébrer la messe en la mémoire d’Aldo Moro, le leader de la Démocratie chrétienne assassiné par les Brigades rouges en 1978. Enfin, lorsque dans la soirée du 26 juillet 1993, une bombe éclate et cause d’importants dégâts à la loge des bénédictions de la basilique et à la façade du palais, cet attentat est immédiatement considéré comme un défi lancé à la papauté. (apic/imedia/ami/hy/vb)

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