Pluie de réactions contre la suspension du théologien

El Salvador: Jon Sobrino ne veut pas commenter la mesure disciplinaire du Saint-Siège

San Salvador, 16 mars 2007 (Apic) Le théologien de la libération Jon Sobrino, qui vit au Salvador, ne veut pas se prononcer pour l’instant sur la mesure disciplinaire prononcée à son égard par le Saint-Siège. D’autres, par contre, ont réagi immédiatement: des religieux allemands, la Mission de Bethléem Immensee et les théologiens de Münster dénoncent la mesure. Quant à l’Ordre des jésuites, il se déclare solidaire avec son membre sanctionné.

Dans une lettre envoyée en décembre au supérieur général des jésuites, Peter Hans Kolvenbach, le théologien de la libération expliquait qu’il ne pouvait accepter les reproches de la Congrégation pour la doctrine de la foi. D’une part, celle-ci se faisait une fausse représentation de sa théologie. D’autre part cette mesure s’insère dans «une campagne de diffamation de 30 ans contre la théologie de la libération, . au détriment de l’Eglise des pauvres», affirme Jon Sobrino dans son message, diffusé sur un site internet en Espagne.

Par ailleurs, les écrits du théologien ont reçu le soutien de nombreuses personnalités. La version portugaise de «Jésus Christ libérateur» bénéficie de l’imprimatur du cardinal brésilien Paolo Evaristo Arns. Le jésuite français Bernard Sesboüé, ancien membre de la Commission théologique internationale, avait décrit la méthode utilisée par la Congrégation pour la doctrine de la foi lors de l’instruction de «volontairement soupçonneuse».

Dans sa lettre, Jon Sobrino avait entre outre affirmé: «Au Vatican, dans plusieurs sièges épiscopaux et parmi plusieurs évêques se forme une atmosphère dirigée contre ma théologie et contre l’ensemble de la théologie de la libération». Le théologien espagnol tire enfin un parallèle entre les soupçons qui pèsent contre lui et ses relations avec l’archevêque salvadorien Oscar Romero, assassiné en 1980. Il estime que ces liens ont provoqué la suspension du procès de béatification de Romero au Vatican.

Dans une interview diffusée jeudi soir sur Radio Vatican, le jésuite Martin Maier a affirmé que son confrère Sobrino s’est senti «compris de façon incorrecte» par le Vatican. Durant les cinq années qu’a duré la procédure de la Congrégation pour la doctrine de la foi, il n’a pas pu entrer une seule fois en dialogue direct avec ceux qui lui ont reproché des erreurs graves, selon le jésuite allemand.

Nombreuses réactions à travers le monde

La «notification» du Saint-Siège contre Jon Sobrino, rendue publique le 14 mars, a provoqué de nombreuses réactions à travers le monde. La Faculté de théologie catholique de Münster, en Allemagne, avait octroyé en 1998 le doctorat d’honneur au théologien espagnol. Elle a appris la nouvelle de sa notification avec «consternation». Le jésuite accomplit un travail scientifique avec un engagement courageux en faveur de la justice et de la paix, soulignent les théologiens de Münster dans un message diffusé le 15 mars. Les questions de fond reprochées par la Congrégation pour la doctrine de la foi auraient dû rester des objets de discussion théologique, estime la Faculté.

Les Missionnaires de Bethléem Immensee (MBI) en Suisse sont également consternés par le jugement prononcé à Rome contre le théologien de la libération Jon Sobrino. Il est surtout reproché au jésuite d’avoir davantage décrit Jésus comme un accompagnateur des hommes que comme un sauveur divin, note le responsable de MBI, Joseph Gähwiler, dans un communiqué.

La vision selon laquelle la divinité de Jésus se montre justement dans sa solidarité avec les plus pauvres est fondamentale pour la théologie de la libération, ainsi que pour la Mission de Bethléem Immensee. La conception de Jésus solidaire, développée par Sobrino, est inséparablement liée avec l’option pour les plus pauvres et les réprimés, selon MBI. L’archevêque Oscar Romero, dont Sobrino était le conseiller théologique, a vécu cette vision jusqu’au martyr.

L’option pour les pauvres est-elle prise au sérieux?

Des religieuses, religieux et théologiens allemands ont dénoncé avec véhémence la mesure prise par le Vatican à l’égard du théologien de la libération Jon Sobrino. Dans une déclaration diffusée le 14 mars à Münster, ils demandent à Rome s’il s’agit davantage d’un conflit de pouvoir que d’un conflit sur les questions de la foi. Les signataires demandent également si l’Eglise prend au sérieux son «option pour les pauvres». Ceux qui se mettent aux côtés des pauvres et des souffrants ont toujours moins de place dans ce monde.

La déclaration est signée par la Mission centrale des franciscains à Bonn, le secrétariat des missionnaires de Steyl en Allemagne, l’Initiative chrétienne internationale «Lernen», l’Initiative chrétienne «Romero», le Cercle «Freckenhorst», «L’Initiative Eglise d’en bas» à Bonn, l’Institut pour la théologie et la politique à Münster et le mouvement «Nous sommes l’Eglise» à Dachau.

Mauvaises interprétations, selon l’Ordre des jésuites

L’Ordre des jésuites ne va pas décréter de sanctions contre son membre Jon Sobrino. C’est ce qu’a déclaré jeudi à l’Apic le Père Jose de Vera, porte-parole du Conseil général des jésuites. Le théologien de la libération est considéré par ses confrères comme un homme de science éminent et très réputé. Les citations de son oeuvre reprochées par la Congrégation pour la doctrine de la foi amènent à des interprétations qui pourraient être comprises dans un sens contraire à celui de l’auteur.

La théologie de Sobrino est influencée par une expérience personnelle, accumulée notamment comme jeune prêtre durant le régime dictatorial au Salvador, souligne le Père de Vera. Sa proximité avec les pauvres, les torturés et les oubliés est à chercher dans les 60’000 victimes de la violence étatique. L’Ordre des jésuites est «complètement en accord» avec tout ce qu’a écrit Sobrino, souligne le porte-parole du Conseil général. Il est cependant possible que le supérieur des jésuites demande au théologien de ne plus se prononcer sur les thèmes qui posent problème avec le Vatican. Sobrino va «accepter de bonne grâce les corrections, comme il l’a fait durant sa vie», affirme de Vera. (apic/kna/com/cic/gs/bb)

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