Un homme qui aime «franchir les frontières»
Fribourg, 20 novembre 2006 (Apic) L’auditoire B de l’Université de Fribourg était comble, vendredi soir 17 novembre, pour la leçon d’adieu du professeur Richard Friedli, qui a présenté une conférence magistrale intitulée «Religions et politiques dans un monde globalisé». R. Friedli, décrit comme un homme d’une extrême gentillesse, à l’oeuvre abondante, qui aime «franchir les frontières», a aussi provoqué des vagues, a rappelé à cette occasion le doyen de la Faculté des lettres, Jean-Michel Spieser.
Richard Friedli, ex-religieux dominicain – il a d’abord enseigné à la Faculté de théologie avant de passer à la Faculté des lettres (*) – a plaidé pour un espace de négociation entre politiques et religions. Il a appelé à dépasser le «choc des civilisations» cher au professeur de Harvard Samuel Huntington, un conservateur qui passe – peut-être à tort – pour un héraut du néo-conservatisme américain.
Contrairement à ce que d’aucuns avaient prophétisé (Freud, Marx, Nietsche.), on n’assiste pas à la mort des religions, mais à une recomposition du sacré dans un monde postmoderne sécularisé et à une persistance du fait religieux dans le champ public, a lancé le professeur Friedli. Une réalité que le spécialiste du monde musulman Gilles Kepel a résumée dans son ouvrage «La Revanche de Dieu».
Mais cette recomposition du sacré provoque aussi certaines surprises. Ainsi, comme le montre l’Enquête européenne sur les valeurs, de 24 à 35 % des gens interrogés en Europe considèrent que la réincarnation après la mort, comme dans l’hindouisme, est un modèle plus valable que celui qui est proposé par les religions monothéistes.
«La nouvelle Méditerranée, c’est l’Océan Pacifique»
Le professeur Friedli, dans sa leçon d’adieu, a encore montré le déplacement au cours de l’histoire des pôles d’influence, passant du VIe siècle de la Méditerranée orientale vers l’Europe occidentale puis dans les années qui suivirent la Seconde guerre mondiale vers les rives du Pacifique, une région allant de la Californie à la Chine, que Richard Friedli nomme «la Méditerranée du 21ème siècle».
Ces déplacements des centres de décision politiques, démographiques, économiques font que «la nouvelle Méditerranée, c’est l’Océan Pacifique, où se joue l’avenir de l’humanité, et les investisseurs et les industriels l’ont bien compris!». C’est là aussi que se rencontrent les grandes religions que sont le bouddhisme, l’hindouisme, le confucianisme, le taoïsme, l’islam.
Après 35 années passées à l’Université de Fribourg, ce professeur de science des religions, qui fut aussi professeur de missiologie, va certainement poursuivre quelques uns des «fils rouges» qu’il avait développées dans son enseignement: la religion au service de la paix, l’interculturalité, l’interreligiosité…
Né le 20 décembre 1937, Richard Friedli a été professeur de philosophie au Lycée d’Ibandu/Bukavu (Zaïre) de 1965 à 1966, avant de devenir chargé de cours en «éthique du développement» auprès de la Faculté des sciences économiques et sociales de l»Université nationale du Rwanda à Butare. De 1971 à 1993, ce spécialiste de l’Afrique a été professeur en missiologie et science des religions à la Faculté de théologie de l’Université de Fribourg et directeur de l’»Institut de missiologie et de science des religions». Il s’est notamment inspiré des travaux de Johan Galtung, professeur à l’Institut de la Recherche de la Paix à Stockholm.
Parallèlement «Visiting professor» dans le Département de théologie de l’Université de Birmingham, il est devenu dès 1994 professeur de science des religions de la Faculté des lettres de Fribourg, dont il a été le doyen de 2003 à 2005. Au cours de sa carrière, le professeur Friedli a effectué de très nombreux voyages d’études et d’expert à travers le monde. Il a également pris part à un grand nombre de groupes de travail et donné des cours en dehors du cadre universitaire, notamment sur les thèmes du rapport entre religions et politiques dans la question de conflit, du fondamentalisme et des questions de thérapies interculturelles.
Outre une abondante bibliographie, Richard Friedli a souvent fait preuve de «courage civil», se faisant notamment connaître dans la lutte des «sans-papiers», en alliant convictions personnelles et connaissances académiques. Il a dirigé et animé la maison de formation des dominicains de Suisse, d’Europe et du Tiers-Monde à Fribourg et fut membre fondateur de la Société Suisse de Science des Religions (SSSR), qu’il a présidée. JB
(*) Il s’était vu retirer par le Vatican la permission d’enseigner au nom de l’Eglise (missio canonica) et avait quitté sa congrégation pour des motifs concernant la nouvelle orientation de sa vie personnelle et familiale. (apic/be)
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