Table ronde autour du livre «Quand Rome condamne»
Paris, 14décembre(APIC) En 1954, le Vatican mettait brusquement un terme
à l’aventure des prêtres ouvriers en France, une expérience qui concernait
95 prêtres, notamment des dominicains et des prêtres de la Mission de France. Un auteur, François Leprieur, dominicain et prêtre ouvrier et deux maisons d’édition associées, Plon et Cerf, viennent de publier un ouvrage
conséquent sur cet épisode traumatisant pour une partie du peuple de Dieu.
Ce livre, paru dans la collection «Terre Humaine» sous le titre «Quand
Rome condamne», rappelle au long de ses 786 pages la condamnation par Rome,
fin 1953 début 1954, des prêtres ouvriers. Une table ronde a réuni récemment à Paris auteur et éditeurs pour évoquer cette page de l’histoire de
l’Eglise. C’est en 1954 en effet que le Vatican mettait fin à l’aventure
des prêtres ouvriers en France. Ces derniers avaient choisi, avec l’accord
de leur supérieur ou de leur évêque, de vivre avec les travailleurs une
communauté de destin. «D’être naturalisés ouvriers», selon le mot du Père
André Laforge, ancien prêtre ouvrier et ancien vicaire général de la Mission de France, présent lors de la présentation de ce livre qui retrace
l’histoire du «procès» des prêtres ouvriers, «de ce procès inique», précise
André Mandouze, professeur d’histoire de l’Eglise à la Sorbonne.
«Quand on voit ce qui se passe actuellement à l’Est, on comprend que
l’Eglise doit être présente auprès des masses ouvrières, parce que le communisme qui s’effondre, c’était une paroisse!» s’est écrié Jean Malaurie,
directeur de la collection «Terre Humaine», lors d’un débat de présentation
du livre. «Le titre de ce livre n’est pas au passé, il est d’actualité! Et
je souhaite que l’épiscopat français ne reste pas silencieux mais s’exprime
sur ce livre», a-t-il poursuivi.
Pourquoi la disparition des prêtres ouvriers en 1954 – expérience reprise après le Concile Vatican II – a-t-elle provoqué un tel émoi? «Parce que
ces prêtres, en s’aventurant dans un territoire nouveau (le monde ouvrier),
ont posé des questions nouvelles: que signifie être prêtre dans une société
post-chrétienne?», répond François Leprieur. Au fond, explique André Mandouze, «on a condamné les prêtres ouvriers au nom de la tradition de
l’Eglise. Mais il faut savoir que c’est le même mot latin, «tradere», qui a
donné «tradition» et «trahison». La tradition, c’est l’enracinement pour
l’avenir. La trahison, c’est quand on regarde à l’envers, ça conduit à
l’intégrisme. Les événements le montrent: ceux qui ont été dans la tradition de l’Eglise, ce sont les prêtres ouvriers!»
Et le professeur Mandouze conclut: «Ces gens qui ont condamné les prêtres ouvriers n’étaient pas tous des méchants: ce qui est plus grave,
c’étaient des imbéciles!» Pour illustrer son propos, il cite le livre de
François Leprieur: «Le Père Féret, théologien qui accompagna tout au long
l’expérience des prêtres ouvriers, est convoqué à Rome pour s’entendre demander: «Est-ce que, dans votre enseignement, vous n’accordez pas une place
trop importante à la Sainte Ecriture, au détriment des encycliques et des
textes pontificaux?»
Au fond, la grande question posée par l’aventure des prêtres ouvriers,
et que ce livre met en lumière, est celle-ci, formulée par Paul Ladrière,
sociologue: «Les prêtres ouvriers ont ébranlé la conception séculaire d’un
sacerdoce qui n’avait sa vertu qu’en étant séparé. C’est le même problème
que soulève aujourd’hui la théologie de la libération, ancrée dans l’expérience quotidienne des peuples. Le christianisme aura toujours à lutter
contre la conception du sacré comme séparé!» (apic/mjh/pr)
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