Malonne, 15novembre(APIC) Un fils de forgeron belge, Louis-Joseph Wiaux,
entrait en 1856, à l’âge de 15 ans, chez les Frères des Ecoles Chrétiennes.
Devenu Frère Mutien-Marie, il allait consacrer une cinquantaine d’années de
sa vie à l’enseignement, spécialement à l’Institut St-Berthuin à Malonne
(Belgique), où il est mort en 1917, sans jamais rien faire d’extraordinaire. Or, le 10 décembre prochain, le pape Jean Paul II le proclamera saint.
Pourquoi?
«L’Eglise sait trop qu’elle est un troupeau de pauvres, de pécheurs,
d’insensés», répond à Malonne le Frère Séraphin Lambo. «Mais elle reconnaît
que Dieu la sauve, qu’il lui donne son Esprit. Ce n’est pas seulement une
possibilité; c’est un événement déjà réalisé: toute la vie du Frère Mutien
en témoigne».
Le Frère Lambo sait de quoi il parle: pendant des années, il a étudié et
même épluché la vie du Frère Mutien, pour réunir toute une documentation
pouvant servir la cause de béatification puis de canonisation. Mais l’enjeu
d’une reconnaissance officielle de la sainteté, explique-t-il, ce n’est
pas, pour l’Eglise, le besoin humain d’honorer ses héros. C’est son désir
de louer Dieu en racontant comment sa bonté se manifeste dans l’histoire
concrète des hommes. Il en est ainsi depuis le début de l’Eglise. Il en est
ainsi aujourd’hui dans le cas du Frère Mutien-Marie.
Des critères de sainteté
A y regarder de près, constate-on à la Cause du Frère Mutien-Marie à Malonne, les personnes canonisées par l’Eglise semblent répondre à trois critères majeurs de sainteté.
L’Eglise désigne comme saint des personnes qui ont grandi dans son éducation et son enseignement, et «qui sont arrivées à la maturité d’une vie
chrétienne atteinte dans l’union au Dieu de Jésus-Christ». Les saints sont,
de ce point de vue, une «vitrine» de l’Eglise, beaucoup plus que l’illustration d’une «recette»: chaque saint canonisé est un cas particulier intégré dans l’unique histoire du salut», souligne le Frère Lambo.
Un deuxième critère de canonisation est «l’aspect héroïque d’une vie vécue dans une époque déterminée et dans une situation particulière». Il se
marque, note le Frère Lambo, «par la fidélité progressivement grande à quatre caractéristique: être conduit par l’Esprit de Dieu (participation passionnée à la mentalité de Jésus qui chercha la promotion de l’homme debout); être obéissant à la voix du Père (écoute et conformité à la Parole
de Dieu); être adorateur en esprit et en vérité (vivre en présence de Dieu
et s’exprimer constamment devant Dieu); marcher à la suite du Christ pauvre, humble et chargé de sa croix».
Une troisième raison pour laquelle l’Eglise désigne des saints est qu’il
s’agit de personnes qui ont été des initiateurs et des modèles créateurs
d’un style nouveau de sainteté. «Les saints proposent un mode d’agir original, un type de vie irréductible, une possibilité nouvelle de christianisme, comment le Frère Lambo. Ils prouvent par l’expérience qu’on peut devenir saint ainsi. Grâce à chaque personne canonisée, un modèle nouveau de
sainteté prend donc naissance dans l’Eglise et peut se continuer».
Saint Mutien-Marie
Les contemporains du Frère Mutien étaient unanimes à reconnaître en lui
un «saint homme». Pourquoi le canoniser?
«Le Frère Mutien n’est pas un martyr qui a donné sa vie en témoignage de
sa foi. Il n’a pas fondé une congrégation ou un ordre religieux consacré à
soulager une misère sociale ou à aider les hommes à vivre debout. Il n’est
pas l’initiateur d’un mouvement de jeunes ou d’adultes. Ni instituteur ni
diplômé d’une académie de musique ou d’une grande école de dessin, il a appris son métier sur le tas et a enseigné la musique instrumentale et le
dessin à des débutants. Il a surveillé des études et des lieux de récréation et à vécu dans la simplicité d’un travail ordinaire et répétitif. En
qualité de subalterne, il a simplement servi. Religieux non prêtre par vocation, il a suivi les observances de la Règle religieuse de sa Congrégation…
«Le Frère Mutien est le prototype d’un mode de vie dont l’intériorité
est essentielle sous les apparences d’une existence aux travaux ennuyeux et
faciles, humbles et peu variés, demandant plus de fidélité que de créativité. Et c’est en ce sens que l’Eglise catholique nous le propose en exemple:
la vie courante de bien des gens, chrétiens ou non, ne se situe-t-elle pas
dans le contexte de situation économique, sociale, politique, religieuse,
où leur prise de responsabilités et leur pouvoir de décision sont faibles
ou inexistants? Qu’il s’agisse de travail ou de loisir, tout leur est apparemment contraintes. De là naît l’impression qui, si les choses ont un
sens, ce sens est si inaccessible que chacun se retrouve désarmé dans sa
solitude fondamentale».
A tous ceux-là – et qui ne s’y reconnaît pas un jour ou l’autre -, le
Frère Mutien ouvre une voie: sans rien de spectaculaire, accomplissant seulement son devoir quotidien, collaborant au projet apostolique de son école
par l’exécution des tâches sans relief, il témoigne de la possibilité d’une
vie réussie et heureuse. Son secret, le moyen qu’il indique comme chemin ne
paraît pas original: ce qu’il nous dit, c’est «Chemine en présence de Dieu,
va de l’avant en écoutant celui qui te parle à travers les exigences de ton
quotidien, exprime-toi devant Dieu, sois fidèle à toi et aux autres».
«En marge de la recherche des satisfactions immédiates et de l’aliénaation aux futilités véhiculées par la société de consommation, conclut le
Frère Lambo, l’Eglise, en canonisant Frère Mutien, nous dit qu’aujourd’hui
comme hier, la sainteté est à la portée de tous, qu’elle n’est que la mise
en pratique fidèle et toujours créatrice de ce «Marche en ma présence et tu
seras parfait!» (apic/cip/pr
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