Rwanda: Ouverture du procès contre un prêtre catholique rwandais
Arusha, 20 septembre 2004 (Apic) Dix ans après les faits, le procès d’un prêtre catholique accusé d’avoir pris part au génocide de 1994 au Rwanda a commencé lundi 20 septembre devant le Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR) à Arusha. Le Père Athanase Seromba, premier prêtre catholique à comparaître devant cette instance, est accusé d’avoir participé à des massacres dans sa propre église.
Ecclésiastique hutu âgé de 41 ans, le Père Seromba, qui plaide non coupable, est accusé de participation au génocide de la minorité tutsie, de complicité de génocide, d’entente en vue de commettre un génocide et de crimes contre l’humanité. Il aurait supervisé l’assassinat par des extrémistes hutus de plus de 2’000 fidèles tutsis réfugiés dans son église de Nyange, à Kivumu, dans la région de Kibuye, à l’ouest du pays, en avril 1994.
Un bulldozer fait écrouler son église sur les réfugiés
D’après le procureur, le Père Seromba s’était entendu avec Grégoire Ndahimana, maire de la commune, Gaspard Kanyarukiga, important homme d’affaires récemment arrêté en Afrique du Sud, Fulgence Kayishema, inspecteur de police, et d’autres complices afin d’attirer les Tutsis dans sa paroisse en vue de les exterminer.
Le curé aurait fait venir un bulldozer pour faire écrouler son église sur les réfugiés, les tuant quand le toit de l’édifice est tombé. Kivumu abritait avant le génocide environ 50’000 Hutus et 6’000 Tutsis. Le procureur affirme qu’en juillet 1994, il n’y avait plus de Tutsi connu dans la commune. Selon l’accusation, le Père Seromba et d’autres responsables locaux auraient également fourni de l’essence et des grenades afin de brûler l’église. Les paroissiens de Nyange sont aujourd’hui encore largement divisés à propos de l’implication du prêtre catholique dans ce massacre.
Selon ses avocats, Me Alfred Pognon, du Bénin, et Me Patrice Monthé, du Cameroun, le Père Seromba n’avait pas pu s’opposer à la folie meurtrière des extrémistes hutus. Ayant fui le Rwanda en 1994, le prêtre s’est réfugié dans le diocèse de Florence, en Italie. Il a été prêtre de nombreuses années dans un village de Toscane, avant de se rendre à la justice en février 2002, à la suite de pressions internationales.
Me Pognon avait auparavant défendu l’évêque rwandais Augustin Misago, évêque de Gikongoro, faussement accusé puis finalement acquitté en 2000 par la justice rwandaise. L’assocation «African Rights», fondée à Londres par des personnalités proches de l’actuel régime de Kigali, avaient lancé de lourdes accusations dans le passé contre l’évêque de Gikongoro, qui s’étaient avérées totalement fausses.
Après une campagne de presse diffamatoire et les accusations publiques du président rwandais de l’époque, Pasteur Bizimungu, Mgr Misago était arrêté le 14 avril 1999. Il fut accusé sans preuves d’être un «génocidaire». Après 428 jours de prison, l’évêque, contre lequel le procureur de Kigali avait requis la peine de mort pour génocide et crime contre l’humanité, devait être libéré de tous les chefs d’accusation le 15 juin 2000.
Premier prêtre catholique à comparaître devant le TPIR
Le Père Seromba est le premier prêtre catholique à comparaître devant le TPIR, mais il n’est pas le seul responsable catholique à être emprisonné à Arusha par les Nations Unies. Deux autres prêtres ont été arrêtés et attendent leur procès, le Père Hormisdas Nsengimana, ancien responsable du collège du Christ Roi à Nyanza, arrêté au Cameroun en mars 2002, ainsi que l’ancien aumônier militaire Emmanuel Rukundo, du diocèse de Kabgayi.
Arrêté en Suisse en juillet 2001 et détenu un temps à la prison genevoise de Champ-Dollon, ce dernier a été remis ensuite au TPIR en septembre 2001. Au cours des mois d’avril et de mai 1994, l’accusé aurait traqué les Tutsis réfugiés à Kabgayi et remis des listes aux militaires et aux miliciens qui emmenaient les personnes ainsi recensées pour les tuer.
D’autres responsables religieux inculpés
Un autre responsable religieux, réfugié aux Etats-Unis et extradé, le pasteur adventiste Elizaphan Ntakirutimana, a déjà été jugé par le tribunal d’Arusha et condamné à 10 ans de prison. Mgr Samuel Musabyimana, évêque anglican du diocèse de Shyogwe dans la province centrale de Gitarama, né en 1956, a été extradé du Kenya en 2001. Non encore jugé, il est mort en janvier 2003 des suites de maladie au cours de sa détention préventive à Arusha. (apic/kna/allafrica/be)
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