«Paris a toujours mené une politique néo-coloniale dans le pays»
Antananarive, 4 mars 2002 (APIC) Après le dur face à face du week-end entre militaires et population quelque chose semble changé à Madagascar. On craint que la situation ne dégénère. L’action des militaires, dimanche, a fait au moins un mort, et laissé plusieurs blessés sur le terrain. Depuis trois mois, l’île connaît une crise politique profonde, en raison de l’affrontement pour la présidence de la République entre Marc Ravalomanana, candidat de l’opposition, et le résident sortant, Didier Ratsiraka. Mgr Félix Ramananarivo, évêque à Madagascar, n’hésite pas pur sa part à montrer la France du doigt: «Paris a toujours mené une politique néo-coloniale à notre égard».
Selon l’Agence Misna, l’armée aurait regroupé tous les Merinas (les habitants du haut plateau) dans des camps militaires. A l’exception d’Antananarive, le reste du pays reste contrôlé par les hommes du parti de Ratsiraka. A cause des difficultés de communication, à l’intérieur de l’île africaine (la télévision et la radio ayant cessé d’émettre depuis plus d’une semaine), beaucoup de citoyens ignorent ce qui est en train de se passer. En attendant, à Antananarive, le jour de l’installation des nouveaux ministres nommés vendredi est arrivé. La foule a commencé à quitter la place du 13 mai et est en train ’d’escorter’ les politiciens vers leurs ministères respectifs.
Le 22 février M. Ravalomanana s’est proclamé président, en affirmant qu’il avait obtenu la majorité absolue au premier tour des élections du 16 décembre 2001. L’affrontement entre les deux candidats s’est transformé en des heurts dans les rues qui ont fait 2 morts et plusieurs blessés, et, le 28 février, le gouvernement a décrété la loi martiale dans la Capitale.
Dans une interview accordée à l’Agence Fides, Mgr Félix Ramananarivo, évêque de Antsirabé, au centre du pays, s’interroge sur l’attitude de la France, et analyse la situation du pays et de son diocèse, qui compte 1’315’000 habitants, dont 729’000 catholiques.
Mgr Félix Ramananarivo: L’Eglise soutient la volonté populaire. La plus grande partie des électeurs a voté pour Marc Ravalomanana qui a promis de faire décoller l’économie du pays. C’est pourquoi la France, qui appuie D. Ratsiraka, tend à diminuer le rôle de l’Eglise. Je donne un exemple. A la mi-février, Radio France International (RFI) a annoncé que le pape avait accepté la démission présentée par l’archevêque de la capitale Antananarivo, le Cardinal Armand Gaétan Razafindratandra. Atteint par la limite d’âge (75 ans), il a présenté sa démission. Mais le pape a prolongé son mandat. Par cette fausse nouvelle, RFI a cherché à miner son autorité morale. Le cardinal a toujours souhaité que la volonté populaire l’emportât. On comprend facilement la raison de tout cela. Paris a toujours mené une politique néo-coloniale à notre égard, et M. Ratsiraka est une garantie pour ses propres intérêts. Aujourd’hui encore, presque toutes les exportations passent par la France.
Les membres de l’Union européenne (mais pas la France), les Etats-Unis et le Japon, ont financé le contrôle du vote. Les Malgaches attendent de la communauté internationale qu’elle respecte la volonté populaire. Les Occidentaux parlent tellement de démocratie, c’est l’heure maintenant qu’ils le montrent dans les faits. Le monde ne doit pas s’effrayer face aux manifestations populaires. Même si elles apportent des troubles pour l’économie nationale, elles sont un apprentissage de la démocratie pour notre peuple.
Q.: Comment expliquez-vous l’appui populaire à M. Ravalomanana?
Mgr Félix Ramananarivo: Les gens se réveillent. Pendant des décennies, ils ont été tranquilles, mais ils veulent à présent que le gouvernement rende compte du travail réalisé. Nous sommes un des pays les plus pauvres du monde, mais Madagascar a un potentiel économique qui n’est pas encore exploité. Nous avons un climat qui permet de cultiver des fruits et des légumes, des tropiques comme des régions tempérées. Nous avons des ressources minières comme l’or et les saphirs. Le problème, c’est que le gouvernement n’a pensé qu’à s’accaparer des richesses du pays. La famille de ce même président contrôle plusieurs des principales activités économiques, comme les activités minières. Les gens veulent à présent le développement. M. Ravalomanana a promis de donner un tournant à l’économie. Comme entrepreneur, il a déjà montré qu’il était une personne capable. Dans mon diocèse, par exemple, il a fondé des industries fromagères qui ont embauché un grand nombre de travailleurs.
Quels sont les apports entre les religions à Madagascar ?
Mgr Félix Ramananarivo: A Madagascar, nous disons: «Nous croyons en Jésus- Christ, et nous avons un seul baptême». Ceci illustre par un exemple le niveau de communion entre les religions chrétiennes dans le pays. Certes, il y a encore des incompréhensions, mais, à la fin, c’est la volonté de travailler ensemble qui prévaut. catholiques, luthériens, calvinistes et anglicans doivent aussi s’opposer à l’influence des sectes, qui, malheureusement, se répandent. Les quatre religions chrétiennes travaillent côte à côte au plan social. Le pays est divisé en 18 régions oecuméniques.
Dans notre diocèse, nous l’avons traduit en trois mots: santé, communication, éducation. Nous avons créé des structures pour répondre à ces exigences; par exemple la Radio du Diocèse, «Haja» (»dignité») qui est une Radio ouverte à tous ; les pasteurs protestants peuvent aussi y commenter l’évangile du jour. Nous avons 450 écoles élémentaires, 38 écoles secondaires de premier niveau, et 8 écoles supérieures, plus l’Université catholique du pays : c’est là un signe de la communion de l’Eglise universelle. (apic/fs/mna/pr)
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