Jean Paul II en Scandinavie (300589)
Copenhague, 30mai(APIC/CIP) Des cinq pays nordiques que le pape s’apprête
à visiter, le Danemark est le premier à avoir été évangélisé. C’est en effet sur ses côtes que débarque en 826 saint Anschaire, qui devient en 831
légat apostolique pour le Nord. C’est également sur son territoire qu’est
construite la première église (850) et que sont érigés les premiers diocèses de Scandinavie: Slesvig (aujourd’hui en RFA), Ribe et Aarhus à partir
desquels va s’organiser l’Eglise nordique (948).
Le Danemark proprement dit a une superficie de 43.050 km2 (dont 29.622
pour la presqu’île du Jutland). A ce royaume appartiennent aussi les îles
Feroé et surtout l’énorme île du Groenland, située au nord-ouest de l’Islande (2.175.600 km2).
Le ralliement de Christian III à la réforme (1536) a pour conséquence
une rapide infiltration des idées luthériennes, à la faveur d’un haut
clergé très lié aux affaires d’Etat, sans grande protestation de la part
des catholiques. De 1660 à 1849 (nouvelle Constitution affirmant la liberté
de culte), l’Eglise est une Eglise d’Etat nettement luthérienne, dont le
roi est le chef. A partir de 1849, on observe une évolution similaire à
celle des autres pays du Nord, de l’orthodoxie au réveil évangélique et au
renouveau romantique du 19e siècle, en passant par le piétisme et le rationalisme.
A partir de 1866, l’absolutisme fait place au parlementarisme. La situation de l’Eglise va se modifier. La Constitution parle non plus de «statkirke» (Eglise d’Etat), mais de «folkekirke», c’est-à-dire de l’Eglise de
la très grande majorité: c’est à ce titre, et «non par suite d’un lien interne quelconque entre l’Etat et l’Eglise», que l’Etat apporte son appui à
celle-ci. La Constitution prévoit aussi que le statut de l’Eglise sera
défini par une loi. En fait, il ne l’a jamais été et, aujourd’hui encore, à
l’encontre des intentions de la Constitution, le pouvoir suprême au sein de
l’Eglise est aux mains du Parlement et d’un ministre (qui n’est pas nécessairement membre de l’Eglise). Un arrangement qui peut paraître étonnant
mais qui, dans la pratique, a toujours bien fonctionné: l’Etat n’a jamais
empiété sur les droits de l’Eglise.
Deux grandes tendances ont marqué l’Eglise danoise
On observe de même une grande liberté au sein de l’Eglise, qui n’a pas
de chef, l’évêque se limitant en effet à la surveillance du clergé. Encore
une fois, une «anarchie bien organisée» qui a prouvé qu’elle pouvait fonctionner – hormis le fait que personne n’a le droit de représenter l’Eglise
danoise.
Deux grandes tendances ont marqué l’Eglise danoise: le mouvement «grundtvigien» et le mouvement missionnaire. Poète national, le pasteur Grundtvig
(1783-1872) s’est fait le champion d’une Eglise conviviale, en opposition à
la théologie idéaliste allemande. Auteur des «Kirkelige Anskuelser» (Visions spirituelles, 1825), de nombreux psaumes et cantiques encore très populaires aujourd’hui, il est l’initiateur d’un vaste mouvement éducatif actuellement en plein développement: les «Folkehöjskler» (Ecoles supérieures
populaires), des cours du soir organisés jusqu’en milieu rural, où est privilégié le contact humain au sein de la communauté. La seconde grande tendance est représentée par les «missions» introduites par V. Beck. Comme
dans le cas de l’»Indremisjon» norvégienne, il s’agit d’une «mission intérieure», proche du piétisme du 19e siècle et influencée par la philosophie de Kirkegaard. Les missions possèdent deux Facultés de théologies,
mais les pasteurs qui y sont formés ne sont pas reconnus par l’Etat.
L’héritage de Grundtvig continue donc de prévaloir: à l’heure actuelle, 4
adultes sur 5 fréquentent deux fois par semaine les cours du soir des
«hautes écoles».
Pratique très occasionnelle
Comme dans les autres pays luthériens du Nord, la pratique au Danemark
est très occasionnelle (elle se limite le plus souvent aux enterrements).
Dans ce pays, le ministère féminin a été introduit au lendemain de la guerre (1947) et si le nombre des ordinations a fortement baissé (620 en 1930,
320 en 1970), il n’a cessé d’augmenter chez les femmes (de 35 en 1970 à 90
en 1975).
En ce qui concerne l’Eglise catholique, l’imposition du luthéranisme a
été suivie de la déposition des évêques, puis de l’interdiction de toute
activité pour l’Eglise catholique (1569). C’est l’ambassadeur d’Espagne Rebolledo qui prend l’initiative de fonder une mission catholique à Copenhague, vers 1650. La conversion du savant Niels Steesen, récemment béatifié
par Jean Paul II, se produit vingt ans plus tard; ce dernier devient vicaire apostolique pour le Nord en 1678. A sa mort, en 1686, on signale 5.000
catholiques à Copenhagen. Après l’inscription dans la Constitution de la
liberté de culte, il faut attendre près de vingt ans pour voir la création
de la préfecture apostolique du Danemark (1868), élevée ensuite au rang de
vicariat apostolique (1892), puis de diocèse de Copenhague (1953).
La communauté catholique du Danemark compte actuellement environ 30.000
membres et une bonne cinquantaine de prêtres. Deux tiers d’entre eux sont
des étrangers, parmi lesquels 8.000 Polonais, 3.000 Philippins, 2.000 Italiens. 1.200 Vietnamiens et autant d’hispanophones, un bon millier d’anglophones, 900 Français et quelque 800 Croates… Chez les Danois, il
s’agit souvent de convertis, issus en général de la bourgeoisie et de la
classe moyenne.
Dialogue oecuménique
L’Eglise catholique au Danemark prend très au sérieux le dialogue oecuménique. Du côté de l’Eglise luthérienne, la «Haute Eglise» (une quarantaine de pasteurs) souhaite un rapprochement avec Rome. Le pasteur Exner,
dont une fille est devenue catholique romaine, se présentait récemment dans
une interview comme «catholique non romain». Il croit en l’Eglise une,
sainte, catholique et apostolique et célèbre donc «en communion avec les
autres chrétiens du monde, avec les autres frères catholiques». «Reste,
ajoute-t-il, ma relation à la papauté : je serai heureux le jour où je serai reconnu dans mon ministère, dans la célébration eucharistique…
L’Eglise danoise est catholique dans l’identité. Sa spiritualité est
luthérienne, mais cela ne constitue pas un obstacle à sa participation
plénière à la catholicité. S’il y avait un jour incorporation de l’Eglise
luthérienne, l’Eglise catholique romaine n’en serait que plus catholique.»,
affirmait-il alors.
Le Danemark est, des cinq pays visités, le seul où le pape ne prononcera
pas de discours lors de sa rencontre avec les évêques luthériens. Il
prendra la parole dans la cathédrale luthérienne de Trondheim (Norvège), au
service oecuménique de prière à Thingvellir (Islande), dans la cathédrale
de Turku (Finlande) et dans la cathédrale luthérienne d’Uppsala (Suéde),
mais il restera muet lors de sa visite à la cathédrale luthérienne de Roskilde, où est prévu un service de prière. «Certains pourraient croire qu’il
est aussi notre pape», a expliqué un évêque. Les dignitaires de l’Eglise
danoise attendront la réception qui suivra pour aller saluer Jean-Paul II.
«Afin de montrer qui nous sommes», ajoute un autre évêque.
Le pape arrivera au Danemark le mardi 6 juin à 10h30. Après une visite
au palais de la Reine, il célébrera une messe dans le parc du couvent des
bénédictins à Copenhague. L’après-midi aura lieu la visite à la cathédrale
luthérienne de Roskilde (service de prière, 18h15), puis la rencontre avec
les évêques de l’Eglise danoise. Le mardi matin 7 juin, il rencontrera le
clergé, les religieux et le conseil pastoral dans la cathédrale de Copenhague et participera à une rencontre oecuménique, avant de rencontrer le
corps diplomatique à la nonciature, puis les jeunes, dans l’après-midi. Le
départ pour Stockolm aura lieu le lendemain jeudi, à 8h50. (apic/cip/pr)
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