France: La Fondation Raoul Follereau accusée de financement abusif de l’Eglise en Afrique

La Fondation «attristée» par les allégations du Canard Enchaîné

Paris/Dakar, 3 janvier 2002 (APIC) La Fondation Raoul Follereau (FRF) qui lutte avec succès contre la lèpre depuis plus d’un demi-siècle, a été accusée mercredi de financement abusif de l’Eglise catholique en Afrique. C’est Radio France internationale (RFI), station française très influente en Afrique, qui lance le pavé dans la mare. RFI cite un rapport de l’Inspection Générale des Affaires Sociales (IGAS).

Ce rapport de juillet 2001 mais non rendu public constaterait des «dysfonctionnements» de cette ONG qui avait jusqu’à présent une excellente réputation en Afrique. D’autres accusations sont formulées par «Le Canard Enchaîné». L’hebdomadaire satirique affirme que la Fondation s’attaque aussi aux «lèpres morales: infidélité conjugale, homosexualité, usage du préservatif.». Et subventionnerait les secteurs les plus réactionnaires, voire intégristes, de l’Eglise catholique. Il évoque également un grave manque de transparence dans l’attribution des fonds par rapport à l’intention des donateurs.

A Paris, les responsables de la Fondation, interrogés jeudi par l’agence APIC, sont réunis en «cellule de crise» et ne peuvent répondre pour l’instant sur les faits concrets reprochés par la presse. La FRF n’est pas en mesure de dire si elle va éventuellement porter plainte pour diffamation. Le président Michel Récipon dit dans un communiqué «découvrir avec tristesse les accusations lancées contre notre association». Le président s’étonne que le rapport de l’IGAS soit dans le domaine public. L’IGAS – un corps interministériel de contrôle commun aux ministères sociaux, dépendant du Ministère français de l’Emploi et de la Solidarité – a effectué un contrôle de la FRF de juin 1999 à février 2000.

Des vagues en Afrique

En Afrique, où la Fondation est active dans de nombreux pays, la nouvelle reprise par RFI fait des vagues. C’est que la personnalité de Raoul Follereau, «un grand humaniste chrétien» décédé en 1977, est très respectée. Selon RFI, le rapport de l’IGAS fait suite à une enquête préliminaire pour «abus de confiance», ouverte par le Parquet de Paris et confiée aux policiers de la sous-direction des affaires économiques et financières.

A Paris, Michel Récipon s’étonne de l’existence de cette plainte qui aurait été déposée par le professeur Christophe Oberlin, chirurgien orthopédiste à l’hôpital Bichat de Paris. Ce dernier aurait déposé plainte auprès du Procureur de la République pour dénoncer de «graves dysfonctionnements». Le président de la FRF affirme qu’à ce jour, aucune plainte n’a été recensée au Greffe du Parquet de Paris. La FRF précise que la démission du docteur Oberlin, qui avait été en mission chirurgicale pour elle en tant que bénévole, a été exigée à l’unanimité par ses collègues membres de sa Commission médicale. Son service de presse ne peut pas donner les raisons précises de cette «démission» ratifiée par le Conseil d’administration.

Combattre toutes les lèpres

Le président de la Fondation l’assure: «Les sommes collectées au nom des lépreux servent toujours intégralement à financer la lutte contre la lèpre». Michel Récipon tient à le confirmer aux nombreux donateurs à quelques jours de la Journée Mondiale des Lépreux. Il rappelle que l’objet de la Fondation, défini par Raoul Follereau, est certes la bataille contre la lèpre. Mais, pour l»apôtre des lépreux», ce n’est qu’un chapitre «de ce grand combat que tous, qui que nous soyons, nous devons livrer contre ces vraies lèpres, bien plus contagieuses, hélas ! que la lèpre, des lèpres morales qui sont la misère, la faim, l’égoïsme, le fanatisme, la lâcheté.»

Il s’agit, note l’héritier spirituel du fondateur, de mener un véritable combat pour le développement «que nous poursuivons avec ceux qui le mènent depuis toujours, et notamment les religieux et les religieuses dans les pays concernés». Et Michel Récipon de souligner que le financement des actions de formation à ce titre dans les Eglises proviennent toujours d’appels de fonds spécifiques et sans ambiguïté auprès du public.

Selon la radio RFI, dans de nombreux pays, les dons de soutien aux actions de la fondation ont financé des Eglises catholiques africaines. Ainsi, à Madagascar en 1998, l’association a soutenu, à hauteur de 18’750 euros, un centre de production de vidéos religieuses. Cette aide équivaut à celle accordée au centre de soins pour les lépreux le plus soutenu par l’association, à Madagascar. Au Mali aussi, l’association a payé le responsable financier de l’Eglise catholique, détaché auprès de l’archidiocèse de Bamako, pour un montant de 42’700 euros par an.

Des cardinaux bénéficiaires

De son côté, le «Canard Enchaîné», dans son édition du mercredi 2 janvier, rapporte que le Vatican a lui aussi bénéficié chaque année, de largesses de la Fondation, pour un montant de 15’244 euros, pris sur les dons aux lépreux. Trois cardinaux «qui ont des responsabilités» (le cardinal africain Bernardin Gantin est cité par le Canard Enchaîné), ont également reçu des aides de 7’ 622 euros, ajoute l’hebdomadaire parisien.

En conclusion, l’IGAS souligne, dans son rapport, avoir découvert «des dépenses qui n’ont aucun rapport avec la maladie». «Trop de décisions sont prises sans grande rigueur et ne font jamais l’objet de contrôle ou d’évaluation», a-t-elle fait remarquer. Interrogé par RFI, le président de l’ONG, André Récipon, a justifié ces dépenses contestées par le fait que «l’Afrique manque de gestionnaires. Quand un évêque vient nous demander de lui envoyer quelqu’un pour remettre de l’ordre dans ses finances et bien, on répond». Selon lui, «depuis 50 ans, il n’y a que les religieux pour s’occuper des lépreux en Afrique, il fallait les aider».

En ce qui concerne l’appui à la production de vidéos à Madagascar, il précise: «Quand on aide une congrégation, qu’on lui donne de l’argent ou qu’on lui donne de quoi financer une vidéo, c’est la même chose, ça lui permet de vivre. Il y a même une congrégation à qui on a fourni une machine à faire des hosties, comme ça elle approvisionne tout le pays en hosties et elle gagne un peu d’argent». L’association ou Fondation Raoul Follereau est très bien connue en Afrique. Depuis un demi-siècle, elle lutte, dans ce continent, contre la lèpre, grâce à la générosité publique. Elle finance des dispensaires, des travaux de recherche et des médicaments. Ces actions sont reconnues comme efficaces, puisqu’en vingt ans, le nombre des lépreux a très fortement baissé en Afrique. (apic/ibc/com/be)

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