Rome: La basilique Saint-Pierre révèle son histoire et ses lieux secrets

APIC reportage

Construite en 326, en dévotion au chef des apôtres

Antoine Soubrier, correspondant de l’agence APIC à Rome

Rome, 1er juillet 2001 (APIC) Le 29 juin, jour des saints Pierre et Paul, est une fête particulièrement importante au Vatican du fait de la présence du tombeau de saint Pierre. Vénéré dès les premiers siècles par les chrétiens du monde entier, le chef des apôtres a suscité une grande dévotion conduisant notamment à la construction d’une première basilique en 326, qui a été reconstruite ou remodelée au cours des siècles. Voyage dans l’histoire et les lieux cachés de ce véritable musée.

Depuis l’inauguration de la première basilique Saint-Pierre en 326 par Sylvestre Ier – appelée basilique constantinienne car demandée par l’empereur Constantin -, projets et restaurations se sont succédés durant le Moyen-Age jusqu’au XVIème siècle.

Onze siècles et demi de foi, d’art et d’histoire, durant lesquels les pèlerins n’avaient cessé d’affluer que pendant 73 ans – de 1305 à 1378 -, la papauté ayant été déplacée à Avignon en France, disparurent en quelques heures. En 1506, le pape Jules II ordonna en effet la démolition de l’immense complexe déjà fissuré, poli par les ans et les vents, aussi fragile qu’éphémère. Le premier architecte fut Donato Bramante qui n’eut pas le temps de mettre à terme son projet d’une basilique surplombée d’une énorme coupole dressée sur un tambour à galeries de colonnes. Le projet tout entier fut suspendu par sa mort en 1514, un an après Jules II. Ce n’est qu’en 1534 que Paul III Farnèse prend des initiatives et réveille à son tour les consciences. Il ordonna alors en 1536 à Antonio Cordoni – appelé aussi Antonio da Sangallo – de préparer un nouveau projet, consolidant les fondations réalisées par Bramante.

Les archives de la «Fabrique de Saint-Pierre»

Toute l’histoire de la basilique vaticane se retrouve dans les archives de la «Fabrique de Saint-Pierre» (voir encadré), «gardien» du lieu. Bien conservées à l’abri des flashs des touristes, ces archives sont situées dans les «greniers» de la basilique.

Dans l’ascenseur qui mène à la célèbre coupole de la basilique Saint-Pierre, l’arrêt au 2ème étage – qui correspond à la hauteur de 6 étages d’un immeuble ! – n’est pas habituel. Une porte verrouillée interdisant l’entrée au public s’ouvre alors sur un ensemble de couloirs, récemment restaurés, qui traversent la basilique de part et d’autre, reliant chacune des quatre petites coupoles octogonales qui entourent la principale. Nous sommes sur la «terrasse» couverte de la basilique, juste au-dessus de la chapelle «Grégorienne» – demandée par le pape Grégoire XIII -, la première à avoir été terminée lors de la construction de la basilique. C’est là que sont rassemblées toutes les archives de la basilique.

Ces grandes et hautes salles, éclairées uniquement par la lumière artificielle, auraient servi de bureau aux derniers architectes de la basilique – Michel-Ange et le Bernin -, au 16ème siècle, qui y avaient fait leur «quartier général». On y retrouve aujourd’hui, en particulier, deux maquettes miniatures, l’une de la coupole – de 5 mètres sur 8 environ – effectuée par Michel-Ange, l’autre de la basilique telle qu’elle a été voulue par Antonio Da San Gallo dit le jeune – auteur notamment du palais Farnèse qui abrite aujourd’hui l’ambassade de France auprès de l’Etat italien -, de 8 mètres sur 8. Ces maquettes sont les témoins des ambitions et des projets réalisés pour la construction de la plus grande basilique de la chrétienté.

Une maquette pour le prix d’une église

Le première maquette de la basilique, réalisée par Antonio da San Gallo de 1540 à 1546 est présente dans une des quatre coupoles octogonales de la basilique Saint-Pierre. Toute en bois et d’un poids de 6 tonnes, elle aurait coûté le prix de la construction d’une vraie église. Elle contient de nombreux détails également dans sa partie intérieure, dans laquelle on peut accéder. Même si l’aspect général reprend la forme actuelle, on remarque certaines différences notoires, dont la présence de deux clochers sur l’avant de la basilique qui aurait eu par ailleurs un plan en «croix grecque», avec quatre absides de taille égale.

L’autre maquette miniature réalisée en 1545, représentant la coupole «en coupe», n’est pas tout à fait identique à celle qui a été finalement construite. Plus «circulaire», elle avait été conçue par Michel-Ange, reprenant les concepts de la construction de la coupole du Panthéon et de celle de Santa Maria dei fiori à Florence en Italie. Réunissant ces deux structures, il a ainsi créé un concept de «double coupole», pour démultiplier la charge des quelque 14’000 tonnes de matériaux. Commencée sous le pape Jules II, la coupole n’était pas terminée sous Sixte V, qui, voulant qu’elle soit achevée sous son pontificat, a demandé à 800 ouvriers de travailler jour et nuit sans relâche pendant deux ans pour accélérer la fin de la construction, qui est finalement arrivée peu avant la mort de Michel-Ange en 1564. Pour marquer son passage, Sixte V a fait représenter ses armes sur chacun des pans de la coupole.

Le projet fou de Michel-Ange: un nef jusqu’au Tibre

Au moment de sa mort en 1546, Antonio da San Gallo n’avait eu le temps de réaliser qu’une petite partie de sa maquette, alors que quarante années étaient passées depuis le début des travaux. Lorsque Michel-Ange reçut à sa suite le titre d’architecte de la basilique, il s’empressa de démolir tout ce qui avait été commencé, trouvant le plan de son prédecesseur trop sombre – il n’y avait en effet quasiment aucune ouverture sur l’extérieur – et trop peu à son goût. Michel-Ange voulait reprendre l’esprit de Donato Bramante, le premier architecte de la nouvelle basilique. Il préférait, tout en gardant le même plan général, construire une nef qui aurait été jusqu’au Tibre, à plusieurs centaines de mètres du choeur de la basilique actuelle ! Il mourut avant de pouvoir réaliser ce projet fou – qui avait toutefois reçu l’accord du pape – alors qu’il n’avait pu construire que l’abside sud de la basilique, où se trouve l’autel de saint Jérôme. Alors que la construction traînait depuis près d’un siècle, la basilique fut enfin terminée sur le plan de l’abside construite par Michel-Ange, en 1614 sous Paul V, le dernier architecte ayant mis la main à la façade de l’actuelle basilique étant Maderno.

Finalement, la basilique actuelle, plus petite que tous les plans prévus, reprend des thèmes architecturaux des deux grands artistes et des papes initiateurs. «On retrouve à chaque fois le même concept de la centralité», explique Alfredo Maria Pergolizzi, chargé des relations avec la presse pour la Fabrique de Saint-Pierre. «La première chose qui marque le touriste comme le pèlerin qui entre dans la basilique, c’est la centralité de l’autel et de la coupole», ajoute-t-il faisant le lien avec la vocation de la basilique, «centre de la chrétienté».

Le lion au postérieur d’éléphant

Restaurée pour l’année du jubilé, la basilique Saint-Pierre n’en finit pas de surprendre et d’émerveiller le touriste et l’historien de passage. Comme cette statue de lion, au fond de la basilique, dont le postérieur représente une tête d’éléphant… Issue de la tradition populaire – bien que la représentation soit tout à fait réelle -, la légende dit que l’assistant d’Antonio Canova – l’auteur -, surnommé «Eléphant», avait demandé au sculpteur de signer par son surnom. Ne pouvant réaliser une telle demande qui aurait pu paraître ridicule, Canova décida de représenter une tête d’éléphant en prenant la queue du lion pour la trompe de l’animal !

Au cours des travaux de restaurations de la façade et de l’atrium de la basilique, les responsables de la Fabrique de Saint-Pierre ont également eu quelques surprises en constatant que la façade n’est pas tout à fait horizontale, mais que son niveau est plus bas à gauche de 42 cm.

Continuant de servir chaque jour pour les offices liturgiques célébrés par les membres de la curie romaine ou par les prêtres de passage, la basilique Saint-Pierre semble allier de manière exceptionnelle l’art et la foi. Le 5ème centenaire de la pose de la première pierre de la basilique – célébré en 2006 – sera l’occasion de mettre en valeur son histoire. (apic/imed/as/bb)

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