Paris: L’hebdomadaire «La Vie» met en garde contre les dérives sectaires dans l’Eglise
Abus de pouvoir et mauvais traitements dans cinq communautés
Jean-Claude Noyé, pour l’agence APIC
Paris, 28 février 2001 (APIC) L’hebdomadaire catholique français «La Vie» vient de consacrer un volumineux dossier aux dérives sectaires dans cinq communautés religieuses catholiques, soupçonnées d’abus de pouvoir et de mauvais traitements. Laurent Grzybowski a piloté cette enquête intitulée «Des gourous dans les couvents?»
«Des lecteurs de ’La Vie’, catholiques pratiquants et parents des victimes de ces dérives, qui ont interpellé de longue date l’institution ecclésiale, m’ont incité à entreprendre cette enquête», affirme le journaliste Laurent Grzybowski. Désespérés de ne pas recevoir de réponse de la part des représentants de l’Eglise, ces lecteurs n’ont eu d’autre recours que d’alerter la presse. A partir de leurs informations, Laurent Grzybowski est allé avec deux confrères de découvertes en découvertes. «Cette enquête a duré un bon mois et nous a conduits à contacter 80 personnes: évêques, responsables de communautés religieuses, parents des victimes et les victimes elles-mêmes»
APIC: Quels sont les faits reprochés?
L. Grzybowski: Ils sont divers : «apparitions» et «messages» de la Vierge utilisés pour retenir une religieuse en proie au doute dans un monastère de la communauté des Petites sœurs de Bethléem; forte et suspecte emprise psychologique de la fondatrice de la communauté de Gennésaret – communauté de guérison – sur ses membres. Soupçons de pédophilie dans la communauté de Nazareth – située à Villecroze, près de Toulon – qui propose à des enfants trisomiques une vie religieuse selon l’esprit de saint François. Les Sœurs Mariales d’Israël et de Saint Jean, fondées en 1982 dans le diocèse d’Autun et maintenant implantées dans le diocèse de Lyon (1), sont quant à elles de nouveau dans le collimateur.
APIC: Qu’est-ce à dire ?
L. Grzybowski: Déjà en 1986, les parents de six religieuses dénonçaient dans une lettre à l’évêque d’Autun de graves manquements imputables à la fondatrice, une Hongroise qui a pris le nom de Mère Myriam: immédiateté de l’entrée dans la communauté et de la prise d’habit, le plus souvent à l’insu des familles; rupture brutale des relations avec l’entourage ; vexations, humiliations, sévices corporels, pression psychologique de la supérieure, avec dépendance des sœurs à son égard dans un climat de peur et d’angoisse.
Le plus grave: quatre religieuses sur vingt ont été hospitalisées en psychiatrie. On a même constaté des cas de mutisme et d’automutilation. Des témoins assurent que Sœur Marie-Madeleine, «La victime préférée» de Mère Myriam, portait souvent sur la tête la marque des coups qu’elle recevait. Des dérives que dénonce le président de la section de Saint-Etienne de l’Association de défense des familles et de l’individu (Adfi), très impliquée dans la lutte contre les sectes. Il menace même de poursuivre Mgr Billé, le cardinal archevêque de Lyon, pour complicité de violences physiques et psychologiques.
APIC: Votre travail a déclenché de vives réactions !?
L. Grzybowski: Bien sûr: autant de réactions positives que de réactions négatives. Les premières saluent notre courage, ou nous remercient d’avoir mis des mots sur une souffrance trop longtemps tue ou, encore, d’ouvrir un débat salutaire qui pourra aider l’Eglise à s’attaquer à un dossier brûlant. Mgr Thomas, ex-évêque de Versailles, estime qu’il faut absolument condamner les faits délictueux et faire œuvre de discernement en ne tombant pas dans la chasse aux sorcières. Quant à Mgr Vernette, délégué officiel de l’épiscopat français pour les sectes et nouvelles croyances que nous avons également interviewé, il souligne qu’il faut briser la loi du silence. Et pour cause: il a lui-même récemment rendu public, au nom de l’épiscopat, un document qui évoque des dérives sectaires dans l’Eglise catholique. Les critiques négatives nous accusent de laver le linge sale en public et, ce faisant, d’affaiblir un peu plus l’Eglise. On nous reproche encore de n’avoir souligné que les aspects négatifs de la vie religieuse.
APIC: Que répondez-vous ?
L. Grzybowski: Bien évidemment, nous ne faisons pas l’amalgame entre la vie religieuse en soi, facteur d’épanouissement pour tant d’hommes et de femmes, et les dérives qui surgissent dans certains lieux. En l’occurrence, dans des communautés nouvelles où l’exercice de l’autorité et le rapport à l’obéissance peuvent être à repenser ici ou là. Un travail accompli avec courage et succès par les Fondations pour un monde nouveau. Les Sœurs de Bethléem sont elles-mêmes en train de reconsidérer leurs constitutions.
APIC: En tout état de cause, l’obéissance et l’humilité sont considérées comme des vertus centrales dans la vie religieuse…
L. Grzybowski: Certes. Mais il y a obéissance et obéissance. L’obéissance ne doit pas être aveugle et elle suppose que les règles de la vie communautaire soient clairement établies. Le champ et le mode d’exercice de l’autorité doivent être précisément définis, ainsi que l’existence de contre-pouvoirs, de gardes fous institutionnels, comme c’est le cas dans la vie cistercienne et dans la plupart des ordres religieux anciens qui s’appuient sur une longue expérience. (apic/jcn/bb)
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