Vatican: La révélation sur les abus sexuels dont sont victimes des religieuses fait des vagues
Kansas City/Rome/Washington, 28 mars 2001 (APIC) Le scandale des abus sexuels de la part de prêtres dont sont victimes des religieuses dans de nombreux pays du monde – en particulier en Afrique – fait des vagues. Certes, «le problème était déjà connu», a déclaré la semaine dernière Joaquin Navarro-Valls, porte-parole du Saint-Siège. Qui a précisé que ce problème est restreint à une aire géographique délimitée. Il y a sept ans, l’œuvre d’entraide catholique CAFOD tirait déjà la sonnette d’alarme. Entre-temps, des congrégations religieuses ont édicté des règles de comportement pour éviter des situations qui peuvent devenir tragiques.
C’est l’hebdomadaire catholique indépendant basé à Kansas City, «The National Catholic Reporter», qui a révélé ce scandale – le journal parle de cas de viols, et dans quelques cas extrêmes de religieuses enceintes contraintes à avorter – en publiant la substance de plusieurs rapports internes rédigés ces dernières années par des responsables de congrégations religieuses féminines et par un prêtre américain. Selon ces rapports confidentiels, dont le plus vieux circule depuis sept ans – d’autres étant plus récents -, des membres du clergé profitent de leur autorité spirituelle et de leur pouvoir financier pour obtenir des faveurs sexuelles de la part de religieuses.
Le développement du sida en cause; l’agence catholique CAFOD alertait il y a 7 ans déjà
Ces cas sont nombreux en particulier dans les pays en voie de développement, où la culture dominante à l’égard des femmes fait que les religieuses sont conditionnées à être soumises et ainsi facilement exploitables. Les cinq rapports indiquent que c’est l’Afrique qui est le continent le plus touché par ce phénomène, notamment en raison de la pandémie du sida, les jeunes religieuses étant dans certains cas considérées comme des partenaires plus «sûres» en matière de relations sexuelles que des femmes «à risques» comme les prostituées. «Bien que le problème n’ait pas été rendu public, assure le journal américain, ces rapports ont été discutés dans des réunions à huis clos de religieuses et de religieuses et au Vatican.»
L’œuvre d’entraide CAFOD, l’agence catholique pour le développement outre-mer de l’Eglise catholique d’Angleterre et du Pays de Galles, révèle qu’elle avait déjà fait parvenir un rapport au Vatican il y a sept ans. Selon ce rapport, connu par une fuite, dans divers continents, des prêtres et des missionnaires forçaient des religieuses à avoir des rapports sexuels avec eux. Des cas sont cités dans 23 pays d’Afrique, d’Asie, d’Europe et d’Amérique du Nord et du Sud.
Le rapport mentionne le cas d’une mère supérieure démise de ses fonctions après s’être plainte à plusieurs reprises à l’évêque diocésain que certains de ses prêtres avaient mis enceintes 29 de ses religieuses. Ce cas a eu lieu en 1988 au Malawi, et est cité dans un rapport rédigé en 1994 par Sœur Maura O’Donohue, une religieuse médecin d’origine irlandaise. Cette dernière, selon l’hebdomadaire américain, en avait fait part le 18 février 1995 au cardinal Eduardo Martinez Somalo, préfet de la Congrégation pour les Instituts de vie consacrée et les Sociétés de vie apostolique, et à un groupe de ses collaborateurs. Au moment de rédiger ce rapport, Sœur O’Donohue travaillait déjà depuis six ans comme coordinatrice pour les problèmes de sida auprès de l’œuvre d’entraide catholique CAFOD basée à Londres.
Une autre notion du célibat sacerdotal
Les milieux religieux interrogés par «The National Catholic Reporter» se déclarent conscients du problème. «Je ne pense pas que ce soient simplement des cas exceptionnels, je pense que les abus décrits ont bel et bien eu lieu, c’est une affaire sérieuse», a déclaré Notker Wolf, Abbé primat de la Congrégation bénédictine de Sankt-Ottilien, en Allemagne. L’Abbé bénédictin a fait plusieurs voyages en Afrique pour y visiter les institutions bénédictines. Sœur O’Donohue écrit dans son rapport que la supérieure d’une communauté de religieuses a été approchée par des prêtres demandant que des sœurs leur soient mises à disposition. Quand elle a refusé, les prêtres concernés ont expliqué qu’ils seraient obligés autrement d’aller trouver des femmes dans le village, et risquaient ainsi de contracter le sida. La religieuse d’origine irlandaise note que le célibat peut avoir des significations différentes selon le contexte culturel, et cite le vicaire général d’un diocèse africain parlant «tout à fait ouvertement» sur la vision du célibat en Afrique, et déclarant que «le célibat dans le contexte africain signifie qu’un prêtre n’est pas marié, mais cela ne signifie pas qu’il n’a pas d’enfants».
A noter que ni Sœur Maura O’Donohue, qui travaille toujours pour la CAFOD, ni l’œuvre d’entraide elle-même, ne sont les auteurs des fuites des rapports qui n’étaient pas destinés au public.
Selon un religieux interrogé par l’AFP à Rome, «Sœur Maura fait allusion à 23 pays du monde entier mais en réalité c’est l’Afrique qui est concernée davantage avec 98% des cas. Les cas en Europe et aux Etats-Unis sont très rares». «Il y a des évêques africains qui accordent avec trop de légèreté leur autorisation à des nouvelles petites communautés religieuses n’ayant qu’une modeste formation», renchérit, sous couvert d’anonymat, un prélat de la congrégation romaine pour les Instituts de vie consacrée. Les supérieurs et les supérieures des ordres religieux de l’Eglise catholique, sans cacher le problème, ont tenu à souligner que la grande majorité des 200’000 religieux et du million de religieuses «sont en mesure de vivre fidèlement leur choix de chasteté, d’obéissance, de pauvreté et de service».
Un tort fait à la réputation de l’Eglise en Afrique
Un prêtre du Nigeria résidant à Rome a critiqué la publication des rapports sur les abus sexuels de prêtres à l’encontre des religieuses parce qu’il insiste sur le fait que cela se passe principalement en Afrique. A ses yeux, une telle publication est offensante pour l’Afrique et pourrait porter atteinte à la réputation de l’Eglise africaine en général. Pour le Père John Egbulefu, professeur de théologie dogmatique à l’Université Urbanienne de Rome, il est troublant que les rapports en question semblent prendre pour argent comptant que le célibat est un projet qui a échoué dans les cultures africaines. L’Abbé primat de la Confédération bénédictine, l’Abbé Notker Wolf, estime pour sa part que les différences culturelles de l’Afrique doivent être prises en considération pour juger les affaires d’abus sexuels commis par des prêtres contre des religieuses. Il relève que les Occidentaux ont une sensibilité extrêmement développée en ce qui concerne les abus et le harcèlement sexuel et risquent ainsi d’évaluer faussement les questions des conduites abusives de membres du clergé en Afrique, les normes culturelles régissant les relations entre hommes et femmes étant souvent différentes. Le Vatican travaille par ailleurs avec les congrégations religieuses et les évêques locaux pour trouver des solutions à ce problème.
Et si l’on pensait un peu aux souffrances des victimes
En 1998, une «sœur blanche» d’origine canadienne, Sœur Marie McDonald, supérieure générale des Missionnaires de Notre Dame d’Afrique, a présenté au Vatican une étude similaire sur les «abus sexuel et les viols commis par des prêtres». Le Père Robert J. Vitillo, actuel directeur exécutif de la Campagne pour le développement humain de la Conférence des évêques catholiques des Etats-Unis, avait déjà abordé le sujet dans une conférence en 1994. «J’ai entendu moi-même les histoires tragiques de religieuses forcées à avoir des relations sexuelles avec un prêtre local ou un conseiller spirituel qui insistaient pour dire que cette activité était ’bonne’ pour tous les deux», aurait déclaré à cette occasion le Père Vitillo. D’autre part, les femmes prises dans ce type de rapports contraints rencontrent peu de compréhension quand elles se plaignent et sont souvent victimes d’une véritable «conspiration du silence». (apic/ncr/cns/bbc/be)
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