Pologne: Massacre de juifs à Jedwabno, propos d’un évêque qualifiés d’antisémites
Varsovie, 26 mars 2001 (APIC) Les déclarations d’un évêque polonais, parlant de «propagande» à propos du massacre – avec le concours de Polonais – de 1’600 juifs à Jedwabno, ont suscité de vives critiques. La petite communauté juive polonaise, qui ne compte plus que quelque 20’000 membres, est choquée. Mgr Stanislaw Stefanek a accusé les juifs de vouloir «faire de l’argent» avec les révélations sur le pogrom de juillet 1941. Les allégations de l’évêque de Lomza ont été qualifiées d’antisémites.
Un débat enflammé sur le pogrom de Jedwabno et sur l’attitude du peuple polonais à l’égard des juifs durant la guerre agite la société et les médias polonais depuis plusieurs mois. Le président Aleksander Kwasniewski, le Premier ministre Jerzy Buzek et le cardinal Jozef Glemp, primat de Pologne, ont tous trois reconnu, début mars, la responsabilité de citoyens polonais dans le massacre de Jedwabno, une localité située près de Bialystok, dans le nord-est de la Pologne.
La mémoire du massacre de Jedwabno a resurgi l’an dernier lors de la publication par l’historien polono-américain Jan Tomasz Gross d’un petit ouvrage intitulé «Voisins». Jan Tomasz Gross, historien et sociologue de l’Université de New York, affirme que les appels à l’aide adressés par les juifs à l’évêque local et aux prêtres de la région étaient restés sans réponse. Cet épisode avait été soigneusement oublié, car il ne correspondait pas à l’image d’un peuple qui a résisté héroïquement à l’occupation nazie. Sur place, une plaquette indiquait récemment encore que c’étaient la Gestapo et la gendarmerie hitlérienne qui avaient brûlé vif 1’600 juifs le 10 juillet 1941, mais pas un mot sur les auteurs polonais de ce crime. Elle avait été placée au début des années 60 par une association de combattants pour la liberté et la démocratie.
Difficile pour certains de regarder le passé en face
Si le gouvernement et les plus hauts responsables de la hiérarchie de l’Eglise polonaise reconnaissent la participation polonaise dans un massacre comme celui de Jedwabno, une partie de la population et certains membres du clergé ont par contre du mal à affronter le passé. Dans une homélie dans la paroisse de Jedwabno, Mgr Stefanek avait dénoncé les articles «unilatéraux» sur le pogrom, les qualifiant de «provocation bien préparée». Ils les a comparés aux bruits répandus par l’empereur romain Néron accusant les chrétiens d’avoir mis le feu àà Rome.
Le Père jésuite Stanislaw Musial, expert dans le dialogue entre chrétiens et juifs, a critiqué les déclarations de l’évêque de Lomza, et souligné que les prêtres catholiques ne devaient pas perdre leur temps à nier les circonstances du crime, mais plutôt aider leurs compatriotes catholiques qui ont commis des fautes contre les juifs à trouver un chemin vers Dieu et à purifier leur conscience.
Le primat de Pologne rejette les accusations collectives
S’il a reconnu la participation de Polonais dans ce massacre, le cardinal Glemp a répété une nouvelle fois que l’on ne peut pas faire porter la responsabilité de ce crime «collectivement» à tous les Polonais. Des Polonais ont risqué leur vie pour sauver des voisins juifs persécutés par les nazis. Dans une récente déclaration publique, l’Union des Conseils religieux juifs de Pologne a déclaré que de nombreuses personnes étaient prêtes à reconnaître la douloureuse vérité de la participation polonaise au crime de Jedwabno, mais qu’il yavait toujours des Polonais qui rejetaient le défi moral que ce massacre signifie.
La Fédération des communautés israélites s’est déclarée «choquée» par les déclarations de Mgr Stefanek. A ses yeux, l’évêque de Lomza nie un problème fondamental de l’histoire de la Pologne et justifie un crime. Le 10 juillet 1941, près de 1’600 juifs rassemblés dans une étable avaient été brûlés vifs dans des circonstances jamais complètement éclaircies. Après la guerre, la responsabilité a été rejetée sur les nazis. Au cours d’un procès à Lomza en mai 1949, un Polonais a été condamné à mort et onze autres à des peines de 8 à 15 ans de prison.
L’engagement du pape polonais pour la réconciliation entre catholiques et juifs
Depuis de nombreuses années, l’un des fils les plus célèbres de la Pologne, Karol Wojtyla, le pape Jean Paul II, a mis tout son poids dans la balance pour faire progresser la réconciliation entre catholiques et juifs. Ses gestes spectaculaires – visite de la synagogue de Rome, du musée de l’holocauste de Yad Vashem ou du Mur des lamentations – ainsi que des demandes de pardon réitérées, ont beaucoup contribué au rapprochement des deux communautés issues de la foi abrahamique.
Selon Mgr Tadeusz Pieronek, ancien porte-parole de la Conférence épiscopale polonaise, une évolution continuelle s’est dessinée ces 10 dernières années dans les relations entre catholiques et juifs. «Grâce au pape, à son travail immense et à sa personnalité, nous avons une plus grande compréhension de ce nous sommes les uns pour les autres». L’Eglise polonaise, même si elle avance avec précaution sur ce chemin, a fait plusieurs démarches significatives pour le rapprochement avec les juifs. Elle a condamné l’antisémitisme et les dérapages verbaux de certains prêtres et adressé des demandes de pardon. (apic/cns/kna/be)
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