Le Jubilé pour les prisons célébré un peu partout dans le monde

APIC – Dossier

L’Eglise d’Afrique aux côtés des prisonniers

Rome/Yaoundé, 5 juillet 2000 Risquer de mourir de faim à la prison centrale de Konakry, en Guinée, ou encore attendre l’exécution dans les couloirs de la mort au Cameroun: le Jubilé des prisons, qui se fêtera le 9 juillet un peu partout dans le monde, vient à point nommé pour rappeler les terribles conditions de détention, en Afrique comme dans le reste du monde. Des gestes concrets ont été demandés pour venir en aide aux prisonniers. A Madagascar, le président Didier Ratsiraka a répondu favorablement à l’appel du pape en libérant 3000 prisonniers, alors qu’à Rome…… Notre dossier

«On risque souvent de mourir de faim à la Maison Centrale. Et les détenus étrangers n’ont personne pour leur venir en aide», dénonce Kpakilé Felemou, responsable de la Communauté de Sant’Egidio à Konakry, en Guinée. Deux fois par semaine, avec d’autrres membres de la communauté, il se rend au pénitencier et apporte à manger aux sans-famille. Son action ne s’arrête pas là. Ses interventions ont en effet permis à une dizaine de prisonniers d’être libérés.

La Maison centrale de Konakry héberge 300 prisonniers. Nourriture et médicaments sont à la charge des familles des détenus. Ceux qui sont sans famille meurent de faim et ne peuvent pas bénéficier de soins. Selon Kpakilé, les plus pauvres risquent de ne sortir de prison qu’une fois morts: «Pour obtenir un procès, il faut de l’argent et payer les avocats. La plupart des détenus, témoigne-t-il, sont en attente de jugement, mais s’ils n’ont pas d’argent ou une famille qui plaide leur cause, ils risquent de ne jamais être jugés».

«Dans certains cas, raconte-t-il, «nous sommes parvenus à faire libérer un prisonnier: Il faut savoir que des gens sont en prison pour avoir volé une chemise ou un paquet de journaux». Sans l’intervention de la communauté de Sant’Egidio, ces détenus n’auraient jamais obtenu de procès.

Selon le responsable de la communauté, une vingtaine de prisonniers à Conakry ont ainsi été libérés. «Nos amis de Sant’Egidio du Mozambique en ont fait libérer beaucoup plus. Mourir en prison pour une chemise, c’est vraiment impensable».

Cameroun: Une lutte efficace contre la peine de mort

Au Cameroun, l’action d’une autre institution semble porter ses fruits. Une quarantaine de condamnés à mort ont adhéré à la Fraternité Maximilien Kolbe, fondée au Cameroun par un Père Carme, Gabriele Mattavelli. Ce dernier lutte dans une prison de Yaoundé, y compris en faveur de condamnés musulmans ou appartenant aux religions traditionnelles. Son combat contre la peine de mort ont amené des magistrats à commuer les peines.

«Jusqu’il y a 12 ans, les couloirs de la mort à la prison centrale de Yaoundé étaient un lieu de violence: les prisonniers étaient enchaînés et les gardiens n’y entraient qu’armés. Puis, le père Gabriele Mattavelli, un carme italien appelé à être aumônier, a tout changé. Le père Gabriele a introduit dans les couloirs de la mort la Fraternité Universelle -Maximilien Kolbe (1894-1941). Le saint polonais mort à Auschwitz le 14 août 1941 dans le «bunker de la faim», pour avoir offert sa vie en échange de celle d’un père de famille est en effet devenu le protecteur des condamnés à mort.

Plus de chaînes, et des commutations de peines

Les comportements des détenus ont changé profondément dans la prison de Yaoundé, explique Le Père Mattavelli, si bien qu’on leur a enlevé leurs chaînes et que les gardes pénètrent à présent désarmés dans les bâtiments, comme l’ont toujours fait les missionnaires. Le changement a été reconnu aussi par les tribunaux, qui, dans certains cas, en rouvrant les dossiers, ont commué la peine de mort en peine de prison à vie ou en peines mineures.

De fait, cette fraternité a transformé des couloirs de la mort en un lieu d’espérance: un des condamnés s’est mis à enseigner; un autre a commencé le catéchisme, organisant aussi un groupe de prière. Ils participent à la messe et à un atelier de broderie. Ces dernières années, il a aussi été décidé de mettre fin à l’isolement: les condamnés à mort peuvent participer à la messe avec les autres détenus de la prison, qui sont au nombre de 3’000. Un des condamnés à mort a même rejoint la chorale. Une religieuse a enseigné la broderie aux condamnés. Une étoffe réalisée dans «les couloirs de la mort» a été revêtue par le pape durant les célébrations lors de son dernier voyage à Yaoundé, en septembre 1995.

Madagascar: détenus libérés

A Madagascar, le geste du président, Didier Ratsiraka, de libérer 3’000 prisonniers n’est pas passé inaperçu. Un acte posé à la suite des demandes insistantes de l’Eglise pour qu’un geste soit posé dans le cadre du Jubilé des prisonniers. Le père Angelo Buccarello, religieux trinitaire, chargé par la Conférence épiscopale malgache de l’assistance spirituelle aux détenus, se déclare satisfait de cette décision. «C’est un résultat important, mais nous aurions pu obtenir plus encore. Le drame des prisons de Madagascar, c’est que deux prisonniers sur trois sont en attente de jugement. Dans certains cas, les prisonniers vivent depuis 12 ans derrière les barreaux en attendant d’être convoqués devant le juge».

Exposition à Rome

A Rome enfin, c’est par une exposition à «Regina Coeli» que s’ouvre le 9 juillet ce Jubilé, avec 557 œuvres de prisonniers de 9 pays sur trois continents.

557 détenus ont en effet répondu à l’initiative des aumôniers de prison de Rome d’envoyer une carte postale à Jean Paul II, portant une réalisation artistique, en vue de cette exposition pour le Jubilé des prisons. Un catalogue vient d’être publié. L’exposition sera ensuite transférée du 10 au 16 juillet à l’église S. Giacomo, près de la prison du Transtévère.

Sur 557 cartes, 423 viennent des prisons des Etats-Unis! Visiblement, le «message» est bien passé. Vient ensuite l’Italie, avec 105 oeuvres. Les autres réponses viennent, pour l’Amérique, des prisons du Canada, d’Argentine, du Pérou, de Guyane; pour l’Asie, des prisons de Corée du Sud, de Hong Kong et de Singapour. Le seul autre pays d’Europe, à part l’Italie, est le Danemark. On ne compte en revanche aucune œuvre en provenance de l’Afrique. (apic/zn/mm/pr)

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