Deuil national de cinq jours au Chili
Santiago, 11 avril 1999 (APIC) Le cardinal chilien Raul Silva Henriquez, «la voix des sans voix» sous la dictature du général Augusto Pinochet, est décédé à Santiago à l’âge de 91 ans. Le président de la République chilienne Eduardo Frei a décrété un deuil national de cinq jours en l’honneur du cardinal Silva Henriquez et les drapeaux sont en berne dans tout le pays. Le président Frei a salué son engagement pour la défense des droits de l’homme durant les années sanglantes de la dictature.
Après plusieurs jours de coma, le cardinal Silva Henriquez est mort vendredi à la Maison de repos des Salésiens, son ordre religieux, où il vivait. Le prélat a gardé une grande influence morale dans la société chilienne même après 1983, date de sa démission pour raison d’âge. Il était à la tête de l’archevêché de la capitale depuis 1961 après avoir été deux années durant évêque de Valparaiso. Au Chili, l’émotion est grande, car la disparition de cette grande figure de l’Eglise chilienne – dont les funérailles auront lieu lundi – est vécue avec une grande émotion. Durant la dictature, il a fondé le «Vicariat de la solidarité», qui a documenté au jour le jour les crimes du régime Pinochet.
Le cardinal a laissé un important message pour le Chili et l’Eglise intitulé «Testament Spirituel» qui sera lu ce lundi 12 avril lors de la messe d’enterrement à la cathédrale métropolitaine de Santiago. Dans une déclaration à la presse, l’actuel archevêque de Santiago, Mgr Francisco Javier Errazuriz, a souligné que «l’Eglise, – par l’intercession du cardinal défunt – veut continuer d’ouvrir des chemins de paix, d’unité et de réconciliation» au Chili. Mgr Errazuriz a rappelé tout ce que le cardinal Silva Henriquez a apporté au pays et à l’Eglise, en particulier son apport au Concile Vatican II, au renouveau de l’Eglise au Chili, et ses activités en faveur du Chili durant plus de deux décennies de gouvernement ecclésiastique.
Défenseur des droits de l’homme, malgré sa proximité avec la famille de Pinochet
Dans son activité publique, a relevé Mgr Errazuriz, le cardinal, bien qu’il fût proche de la famille du général Pinochet, «n’a pas hésité à élever sa voix pour se transformer en voix de ceux qui n’avaient pas de voix.» Et de souligner qu’il avait un amour si profond du Christ qu’il rencontrait le visage de Jésus dans les pauvres, les enfants, les femmes, les humbles et les persécutés.
«L’Eglise et le pays doivent beaucoup au cardinal, " a déclaré pour sa part Mgr Fernando Ariztia Ruiz, évêque de Copiapo, qui souligne son engagement en faveur des droits de l’homme, des travailleurs, des pauvres. Et de rappeler qu’un jour dans un quartier populaire, le cardinal se mit à pleurer après l’assassinat de plusieurs personnes par les hommes de Pinochet: «Ils n’étaient pas des délinquants et ils les ont tués comme des chiens, je n’ai plus rien d’autre à faire que pleurer avec les gens». Mgr Aritzia Ruiz, ancien collaborateur de Silva Henriquez, fut notamment le premier président du Comité pour la Paix au Chili dans les premières années de la dictature de Pinochet, alors qu’il était évêque auxiliaire de Santiago.
Né dans une famille paysanne de 19 enfants
Le cardinal Silva Henriquez naît à Talca le 27 septembre 1907, 16ème d’une famille paysanne de 19 enfants, dont cinq meurent tout petits. Il peut tout de même étudier malgré les difficultés financières de la famille. Il s’inscrit à l’âge de 16 ans la Faculté de droit de l’Université catholique de Santiago, où il s’approche des jésuites, puis des salésiens et décide alors de consacrer sa vie à la religion. Il poursuit tout de même ses études de droit, tout en travaillant, et obtient le titre d’avocat en 1929. L’année suivante, il entre au grand séminaire et commence son noviciat. Puis il étudie la théologie à l’Institut théologique salésien de Turin, en Italie, avant d’être ordonné prêtre en 1938.
Avec la mort du cardinal Silva Henriquez, le cardinal Franz König, archevêque émérite de Vienne, est le dernier a avoir été créé cardinal par le pape Jean XXIII. Le collège des cardinaux compte actuellement 155 membres, dont 113 de moins de 80 ans qui auraient le droit d’élire un nouveau pape en cas de nécessité. (apic/cefch/cic/be)
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