Abbé Marc Donzé, église Saint-Clément, Bex, VD
Le tombeau est ouvert. Vers quoi ? Vers quel à-venir ?
La pierre a été enlevée. Par qui ? Ne serait-ce pas par la puissance de la vie ? Le tombeau est vide. Les linges sont pliés, bien rangés.
Impression de calme, de paix. Impression de départ pour un nouveau voyage. O mort, où est ta victoire ?, s’exclamait saint Paul. La mort est passée, elle s’est absentée.
Le tombeau est ouvert. S’il est tourné vers l’Orient, à l’aube du matin de Pâques, il se peut qu’un rayon du soleil levant y pénètre. Les larmes cèdent la place à la lumière.
La vie prend un chemin nouveau
Le tombeau est ouvert. Nouveauté inouïe, et pourtant silencieuse et discrète. Mais elle suffit au disciple que Jésus aimait. « Il vit et il crut ». Il ne voit rien d’autre que cet espace vide, ordonné, nimbé d’une lumière nouvelle. Mais, du fond du cœur, il comprend que la mort s’en est allée et que la vie prend un chemin nouveau, un chemin de résurrection, un chemin de transfiguration.
La vie est ouverte à nouveau. Elle va susciter des énergies nouvelles. Pierre, qui court moins vite, le comprend lui aussi. Il trouvera la simplicité de dire à Jésus : « tu sais bien que je t’aime », alors que trois jours auparavant, il l’avait renié ; il trouvera le courage d’aller annoncer la Résurrection du Christ jusqu’à Rome, au péril de sa vie.
Marie devient «l’apôtre des apôtres»
Et Marie-Madeleine ? Au début, elle s’affole : comment est-il possible que le tombeau soit ouvert et vide ? Mais, un peu plus tard, elle entend la voix de celui qu’elle prend encore pour le jardinier, la voix douce et amie, qui, avec un ton d’une inexprimable tendresse, l’appelle : « Marie ». Quel moment bouleversant : la vie nouvelle est aussi communication de paix et d’amour. Mais ce moment de bonheur suspendu n’est pas fait pour que l’on s’y arrête. Il comprend une dynamique : ne reste pas immobile, Marie, dans un attachement où tu te complairais. Va annoncer la bonne nouvelle de la vie, non pas seulement avec des paroles, mais surtout dans le rayonnement du bonheur, de la paix, de l’amour, de la tendresse même. Et Marie-Madeleine se met en chemin et devient « l’apôtre des apôtres ». Mais elle n’est pas séparée de Jésus pour autant, il reste présent au cœur de son cœur.
Voilà que le ciel vient en nous, et que Dieu nous habite
A ce propos, Maurice Zundel écrit : « Jésus ressuscité entre dans la gloire de son Père. Il remonte vers le Père, comme il le dit à Marie-Madeleine. Il remonte vers le Père pour nous communiquer cette gloire qu’il avait, avant que le monde fût. Et quelle est cette gloire qui va transfigurer notre vie et lui donner une valeur incomparable ? Cette gloire, c’est l’Esprit Saint qu’il va répandre dans nos cœurs. Cette gloire, c’est la présence de Dieu, son habitation au plus intime de nous. Voilà que le ciel vient en nous, et que Dieu nous habite, que notre vie est identifiée avec la sienne : « le ciel, dit le pape saint Grégoire, c’est l’âme du juste ».
Oui, le tombeau est ouvert et vide. Alors, la présence du Christ devient différente. (A l’exception de quelques apparitions), il n’est plus à chercher dans un lieu géographique, ni sur le flanc du mont des Oliviers, ni sur le mont Thabor, ni ailleurs. Sa présence devient universelle et personnelle. Pour toute personne qui consent à l’accueillir, il habite au plus intime du cœur. Jean, le disciple que Jésus aimait, l’avait compris : il avait écouté le cœur de Jésus, en reposant sa tête sur le côté de son ami, et il en avait gardé la trace pour toujours. Et Marie-Madeleine elle aussi l’avait compris, sinon elle n’aurait pas eu le courage de prendre la route qui l’éloignait du jardin du matin de Pâques.
Et nous, qui sommes ressuscités avec le Christ, déjà maintenant, comme nous le confirme saint Paul, ne pourrions-nous pas avoir le cœur ouvert, habité par la vie et la tendresse du Christ et rempli d’un dynamisme de lumière ? Alors, nous ne serions jamais seuls. Et même si à certains jours nous pouvons être traversés de découragement, de tristesse ou de sentiment d’abandon, nous ne serions pas seuls, car le Christ ressuscité ne nous abandonne pas.
Cette présence du Christ au plus intime de notre être faisait jubiler saint Augustin : « Vivante sera ma vie toute pleine de Toi », écrit-il. C’est comme un chant qui déborde de son cœur. Il le vit comme un immense cadeau qui embellit et dynamise toute l’existence.
«Toute grâce est une mission»
Oui, c’est un immense cadeau. « Une grâce », comme on dit dans le langage habituel. Mais le cadeau comporte une invitation : « toute grâce est une mission ». Marie-Madeleine l’avait compris, qui courut annoncer la nouvelle. Et Jean aussi, qui proclama l’Amour jusque dans son exil sur l’île de Patmos. Et Pierre également, qui, malgré ses peurs, se laissa guider jusque sur les rivages de l’Italie.
C’est donc une mission pour nous aussi. Elle peut être très simple : vivre dans cette présence du Seigneur ressuscité. Et de cette vie émane un rayonnement, dont nous n’avons pas à nous soucier, mais qui peut parler au cœur de ceux que nous rencontrons. Comme l’écrit encore Maurice Zundel : « c’est cela qui nous remplit de joie en voyant le Christ ressuscité et remonté vers son Père (…). Car, dès cet instant, chacun d’entre nous peut alors entrer dans une grandeur infinie et recevoir une mission universelle. Dès lors, même la vie la plus humble, la plus cachée, peut rayonner sur le monde entier et lui apporter la vie éternelle ».
Alors, le tombeau ouvert, n’est-ce pas une vision vers l’avenir ? Une nouvelle joyeuse et vivifiante, comme l’a compris saint Jean d’un seul regard. Nous aussi, nous pouvons souhaiter, selon les mots de frère Roger de Taizé, que le Christ vienne animer au plus intime de nous la fête de la Résurrection. Alléluia. Amen.
Messe de la Résurrection du Seigneur
Lectures bibliques : Actes 10, 34-43; Psaume 117; Colossiens 3, 1-4; Jean 20, 1-9
https://www.cath.ch/homelie-tv-de-paques-20-avril-2025-jn-20-1-9/