Agnès Barotte, nouvelle «guide» de LGF pour son patrimoine sacré

Nommée représentante de l’évêque de Lausanne, Genève et Fribourg (LGF) pour l’art sacré, Agnès Barotte, raconte son parcours. La Française est passée par Rome pour s’installer dans le canton de Neuchâtel où elle a épousé un ancien garde suisse.

Agnès Barotte reçoit dans une pièce de la cure où tiennent juste une bibliothèque, une table de réunion et deux fauteuils. L’accueil est chaleureux. L’abbé Christophe Godel, curé de la paroisse de la Sainte-Famille, passe la tête par la porte, salue le visiteur et propose un café avant de s’éclipser.

La conversation s’engage vite. La représentante de l’évêque – elle a été nommée en 2022 –, Mgr Charles Morerod, évêque de LGF se lance avec passion dans le récit de son parcours académique romain, au terme duquel elle a obtenu une licence canonique en «Biens culturels de l’Eglise» à l’Université pontificale grégorienne de Rome. «Ce qui équivaut à un master en Suisse», mais qui ne lui ouvre pas pour autant les portes des institutions culturelles de la Romandie. «Personne ne sait à quoi ça correspond!», sourit Agnès Barotte.

Servir le Seigneur par l’art

La trentenaire y a trouvé sa vocation pour «servir le Seigneur» lors des presque six années passées à Rome. «Non pas comme artiste, mais par l’art, en transmettant des connaissances aux autres pour leur faire connaître ce que recèle l’art sacré: les toiles, la statuaire, l’aménagement et le mobilier des églises, etc,». Les peintures, les sculptures, les fresques, les statues, l’aménagement et le mobilier…

Une vocation que la représentante de l’évêque était loin d’imaginer étant enfant. Elle est née à Fontainebleau en août 1995. Une enfance heureuse se déroule à Bois-Le-Roi pour cette troisième d’une fratrie de cinq enfants. «Tous les dimanches à la messe et la prière le soir», résume-t-elle. Son papa, lourdement handicapé, décède quand elle a 14 ans. «Il avait tout fait pour que je ne vois pas sa souffrance. Je n’ai pas réalisé.» A la place d’une crise d’adolescence, Agnès vit une solidarité familiale très forte. Le questionnement sur la mort est venu plus tard, lors de la parution du livre que sa maman a écrit pour témoigner.

La culture et la connaissance

Elle parvient à s’approprier sa foi lors des JMJ de Madrid. «Le pape Benoît XVI nous a invité à approfondir notre foi et à nous former. Il nous a incité à oser poser des question à l’Eglise parce qu’elle avait des réponses à nous donner, ce que j’ai trouvé génial!» A 16 ans, elle trouve un cap. Après un bac littéraire, elle se lance dans des études de lettres et de sciences politiques à l’Institut Albert-le-Grand d’Angers (l’actuel IRCOM). Elle souhaite s’ouvrir à la culture et à la connaissance. «Je voyais bien le décalage entre ce que je vivais au lycée public en tant que ‘catho’, ce que je voyais du monde et l’éducation que j’avais reçue à la maison. Des valeurs familiales que j’ai questionnées, sans pour autant les rejeter.»

Les Musées du Vatican sont un des lieux que Agnès Barotte a beaucoup fréquentés durant ses études à Rome | © Bernard Hallet

La troisième année du cursus s’effectue à l’étranger dans le cadre du programme Erasmus. Elle opte pour l’Université Europea di Roma où elle choisit la littérature. «En fait j’y allais avec des copines avec l’idée de goûter à la cuisine italienne.» En fait de cuisine, c’est le monde de la culture et de l’art que la Française découvre dans la Ville éternelle. Une révélation.

Ouvrir les yeux des personnes sur l’art

«J’allais partout. Je visitais tous les musées. C’était passionnant!» D’autant que petite, elle a eu peu d’ouverture à la culture: «cinq enfants et un papa en fauteuil roulant vivant à la campagne, ce n’était pas l’idéal pour aller faire les musées». A 19 ans, elle arpente Rome, s’y perd et, petit à petit, devient guide d’un jour pour les amis et les proches qui viennent lui rendre visite. Sans trop le savoir, elle débute sa vocation. «J’aimais beaucoup ouvrir les yeux des personnes sur les œuvres qu’elles regardaient». Elle «traduit» l’art, avec une préférence pour le baroque et la période Renaissance.

L’année passe vite. Après un tel tourbillon, l’idée de rentrer en France ne l’enthousiasme pas vraiment. «Bon… je devais normalement devenir institutrice deux ans plus tard. J’ai décidé de rester». Elle rejoint l’association «Rencontres romaines», fondée par une religieuse, qui propose des visites culturelles guidées de Rome. Nourrie, logée, blanchie, elle emmène des touristes et des pèlerins sur une douzaine de parcours dans la ville, leur fait découvrir le patrimoine religieux. Ses auditeurs ne comptent pas que des catholiques. Beaucoup de touristes posent quantité de questions. «Je ne pouvais pas toujours y répondre. Ce fut une expérience incroyable, un enrichissement permanent tant spirituel que culturel! Je parlais du Bon Dieu à ces gens toute la journée.»

Accès privilégié à la culture

Cette activité lui donne droit à un passe, véritable sésame, pour les musées de la ville, où elle passe beaucoup de temps. Elle enchaîne l’année suivante en débutant une licence canonique à l’Université pontificale grégorienne de Rome. «J’ai eu un accès hyper privilégié à la culture». En plus des cours sur l’histoire de l’art chrétien, de l’antiquité à nos jours, Agnès Barotte suit, entre autres, des cours de droit canonique des biens culturels, des cours de restauration et d’histoire des objets liturgiques. Avec un accès aux ateliers privés de restauration du Vatican.

Licence en poche, la Française songe à rentrer. «Je n’ai pas eu de regrets après presque six ans passés à Rome que mes amies quittaient aussi.» Mais elle part en Suisse. Car entre temps, Agnès a rencontré un garde suisse natif du canton du Jura. Actuellement agente pastorale, catéchiste auprès des jeunes et des ados pour la paroisse, elle travaille aussi sur les projets du Conseil épiscopal d’art sacré.

Agnès Barotte a suivi des cours de droit canonique des biens culturels à l’Université pontificale grégorienne de Rome | Wikimedia Commons/Geobia/CC BY-SA 3.0

Un milliard de choses à apprendre

Comme les autres représentants nommés par Mgr Morerod, elle a rédigé le cahier des charges avec les membres «A la différence de mes homologues, je n’ai pas eu à former mon équipe. Le Conseil épiscopal d’art sacré comptait déjà des membres suggérés par l’évêché dont certains travaillent pour des commissions cantonales d’art sacrée. Chaque canton a un représentant au sein du conseil épiscopal. L’avantage de la composition du conseil épiscopal permet de croiser les savoirs. «Nous profitons de l’expérience de notre collègue du canton de Fribourg, qui a commencé un inventaire. Nous allons gagner du temps».

A la demande de l’évêque, le conseil épiscopal a commencé à retravailler le Vademecum de l’utilisation des églises dans le cadre d’activités culturelles. «Cela concerne les concerts, les conférences ou les expositions, parfois des pièces de théâtre. A charge pour nous de définir un cadre.» Peut-on déplacer un autel ou du mobilier pour une conférence ou une pièce de théâtre? Quel type de répertoire peut-on jouer dans une église? «Si ce n’est pas contradictoire avec les valeurs de l’Evangile, alors peut-on donner un concert de variété? Ou restreint-on le cadre uniquement à la musique sacrée ou classique? Autant de questions sur lesquelles débattent les membres du Conseil épiscopal.

Nombre d’autres projets, tels qu’une plateforme d’échange de mobilier d’église, sont en préparation. Ce qui ne fait pas peur à Agnès Barotte. «J’ai un milliard de choses à apprendre!», sourit-elle. (cath.ch/bh)

Bernard Hallet

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