Morts et licenciements à l’EPER, durement frappée par le sort

L’Entraide protestante suisse (EPER) traverse une période difficile, avec le meurtre de trois de ses collaborateurs en République démocratique du Congo (RDC) et la fermeture de l’USAID, qui met à mal de nombreux partenariats à l’étranger.

Le 5 février 2025, trois collaborateurs locaux de l’EPER ont été attaqués et mortellement blessés lors d’une mission humanitaire dans le territoire de Rutshuru dans le Nord-Kivu, en République démocratique du Congo, a annoncé l’œuvre d’entraide. La situation sécuritaire dans la région est très précaire depuis que le mouvement rebelle M23, soutenu par le Rwanda, a réalisé des avancées très importantes, allant jusqu’à prendre Goma, la capitale du Nord-Kivu.

Dans ce contexte, l’EPER a stoppé toutes ses opérations sur place et organisé l’évacuation des expatriés, rapporte à cath.ch Anne Geiger De Feo, porte-parole de l’œuvre d’entraide. «L’émotion est très grande au sein de l’organisation, commente-t-elle. C’est toujours très dur de perdre des collègues. Malgré tout, il faut continuer à travailler, en gardant à l’esprit que nos actions sont importantes pour les populations locales.» On ne sait rien de plus pour l’instant sur les circonstances du drame, relève la communicante.

L’EPER avait déjà été endeuillée en février 2024 par la perte de deux employés en Ukraine. Ils avaient été attaqués alors qu’ils étaient en mission pour évaluer la situation humanitaire dans le sud-est du pays.

Aide humanitaire stoppée

Mais l’organisation protestante est confrontée à un autre coup dur, alors que la nouvelle administration américaine a brutalement stoppé le financement de la coopération internationale, menaçant le système humanitaire mondial. A cause de la liquidation de l’USAID par le gouvernement Trump, l’EPER a dû suspendre provisoirement son aide d’urgence pour quelque 900’000 personnes en Ukraine, en République démocratique du Congo et en Éthiopie. 

L’organisation met en effet en œuvre des projets financés par l’USAID dans ces trois pays. Les collaborateurs y fournissent une aide humanitaire à des personnes vivant dans des régions reculées, confrontées à des conditions de vie extrêmement précaires.

Ces projets dépendent directement du financement de l’USAID, à hauteur de 7,5 millions de francs. Au vu de la situation actuelle, il faut malheureusement s’attendre à ce que ces fonds s’arrêtent de manière irrévocable, prévient l’EPER. L’œuvre d’entraide a donc été contrainte de stopper pour le moment les projets concernés et de suspendre l’aide humanitaire aux communautés touchées.

De plus, jusqu’à 100collaboratrices et collaborateurs sur place risquent de perdre leur emploi. »Nous n’avons pas encore réalisé l’analyse pour savoir si cette situation aura un impact sur des emplois en Suisse», précise Anne Geiger De Feo.

Conseil fédéral et population appelées à la rescousse

Parallèlement, l’organisation essaye de trouver d’autres possibilités de financement afin de combler au moins une partie des lacunes créées. «Nous prospectons déjà sur plusieurs plans, notamment en Suisse du côté des fondations, et nous lançons un appel à la population pour qu’elle nous soutienne dans cette période difficile», ajoute la porte-parole. Le Conseil fédéral est lui aussi appelé à assumer la responsabilité de la Suisse dans le système humanitaire mondial.

Pour autant, la situation n’aura pas d’impact sur la traditionnelle Campagne œcuménique de Carême, qui rassemble l’EPER, l’œuvre d’entraide catholique Action de Carême et l’organisation catholique chrétienne Etre partenaire. «Il ne s’agit pas des mêmes programmes, ni des mêmes budgets que pour la coopération internationale», précise Anne Geiger De Feo. (cath.ch/com/arch/rz)

«Action de Carême n’est pas directement impactée par la décision de Donald Trump», a indiqué Tiziana Conti pour l’œuvre d’entraide catholique, à cath.ch. Contrairement à nombre d’ONG réparties dans le monde, les programmes d’Action de Carême dans le Sud ne sont pas touchés par la suspension des aides humanitaires décrétée par le président américain ces trois prochains mois. Cette aide – 64 milliards de dollars en 2023 – est octroyée via USAID, l’agence américaine pour le développement international, créée en 1961.
Action de Carême a été en revanche impactée par la coupe budgétaire opérée fin 2024 par le Parlement: 110 millions, répartie entre la coopération bilatérale (-55 millions), la coopération économique (-25 millions) et les contributions à des organisations internationales (-30 millions). Les programmes d’aide de l’œuvre d’entraide catholique sont aussi impactés par la baisse des dons, notamment due à la disparition progressive des donateurs historiques, sans la relève des jeunes générations. La baisse de la pratique religieuse, nombre de fidèles ayant quitté l’Église, a aussi influé sur le montant des dons perçus par Action de Carême.
«Et d’une manière générale, observe Tiziana Conti, on constate une tendance à la baisse du budget dédié à la coopération internationale dans plusieurs pays européens.» BH

Raphaël Zbinden

Portail catholique suisse

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