Depuis le début du mois, le président américain Donald Trump balance dans des phrases chocs ses «plans» pour le Moyen-Orient et la bande de Gaza plus particulièrement. Le 4 février 2025, lors de la conférence de presse qui a suivi sa rencontre à la Maison Blanche avec le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu, il a renouvelé ses appels à «relocaliser» les Palestiniens de Gaza en Égypte et en Jordanie, ajoutant que les États-Unis prendraient alors le territoire en charge et le reconstruiraient.
Plus tôt dans la journée, Steve Witkoff, investisseur immobilier et envoyé spécial de Trump au Moyen-Orient, avait expliqué que l’idée serait de faire de la bande de Gaza la «Riviera du Moyen-Orient». Puis, dimanche 9 février, Donald Trump a encore précisé sa pensée, expliquant que Gaza est «un grand site immobilier, dont les États-Unis prendront possession et qu’ils développeront lentement, très lentement», afin d’apporter «la stabilité au Moyen-Orient».
Les propos de Trump doivent être pris au sérieux, tant sur le plan politique qu’humain, estime le jésuite israélien David Neuhaus, ancien vicaire du Patriarcat latin de Jérusalem pour les catholiques d’expression hébraïque et les migrants. Il s’agit là d’«une nouvelle étape dans l’expulsion des Palestiniens de la Palestine».
«Le plan audacieusement proclamé par M. Trump consiste à transformer la bande de Gaza, qui n’est plus qu’un amas de décombres laissés par la campagne militaire israélienne, en un précieux littoral. Dans cette vision, il n’y a pas de place pour les personnes qui considèrent Gaza comme leur patrie.»
C’est un processus qui a commencé il y a longtemps, rappelle le professeur d’écriture sainte. La population de Gaza a plus que triplé en 1947-48 «avec l’afflux des personnes expulsées par les Israéliens de leurs maisons à l’intérieur d’Israël». Ce qui a fait de Gaza l’une des zones les plus densément peuplées au monde. «Trump n’a parlé que de Gaza, mais l’administration de Netanyahou a déjà commencé à travailler en Cisjordanie, semant une destruction semblable à celle de Gaza dans les villes de Jénine et de Tulkarem. Des milliers de Palestiniens ont déjà été expulsés de leurs maisons.»
Les Israéliens doivent sortir de cette logique. D’autres voies sont possibles. David Neuhaus en veut pour preuve celle présentée par le journaliste américain Peter Beinhart dans son récent ouvrage Being Jewish after the Destruction of Gaza: an Assessment (Être juif après la destruction de Gaza: une évaluation). Pour ce journaliste, Israël doit transformer son identité en assurant l’égalité de tous ses citoyens.
Tous deux, Beinhart et Neuhaus, ont l’expérience de régimes ségrégationnistes. Les parents de Peter Beinhart étaient eux-mêmes des juifs sud-africains et le journaliste a pleinement assimilé le message de la lutte contre l’apartheid. Quand à David Neuhaus, il est né en Afrique du Sud, de parents juifs allemands qui ont fui l’Allemagne dans les années 1930.
Lors de son interview à Fides, le Père jésuite avance encore le nom d’une «autre voix prophétique»: celle de l’activiste israélienne Orly Noy, présidente du Centre d’information israélien pour les droits de l’homme dans les territoires occupés B’tselem. Elle a proclamé «sans équivoque», souligne-t-il, que «la guerre ne prendra fin que lorsque la société israélienne comprendra qu’il est non seulement immoral, mais aussi impossible de garantir (son) existence par l’oppression et l’assujettissement d’un autre peuple. Les gens que nous emprisonnons, bombardons, affamons et privons de leur liberté et de leur terre peuvent revendiquer exactement les mêmes droits que nous, jusqu’à la dernière note.» (cath.ch/fides/lb)
Lucienne Bittar
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