«Excellence, ce peuple [de Dieu de l’Archidiocèse de Bukavu] vous supplie, avec toutes les autorités tant civiles que militaires au niveau provincial, national et international qui peuvent nous entendre de lui éviter un autre bain de sang qui ne profite à personne humainement parlant», demande Mgr François-Xavier Maroy Rusengo, archevêque de Bukavu au gouverneur de la province du Sud-Est à Bukavu.
Le message a été adressé aux autorités le 7 février dernier, une dizaine de jours après la prise de Goma, la capitale du Nord-Kivu, alors que les rebelles du M23 et leurs alliés rwandais ont rapidement progressé vers Bukavu, la capitale du Sud-Kivu. Le groupe armé a fait reculer les forces congolaises, après des affrontements à une quarantaine de kilomètres de la localité de Kavumu, qui abrite l’aéroport de Bukavu, selon des sources sécuritaires et humanitaires.
Avec pour titre «Que pouvons-nous faire» (Luc 3, 14), le message enjoint les autorités à trouver une solution pacifique afin «d’éviter les affrontements dans les grandes agglomérations et au milieu de la population civile». Mgr Rusengo poursuit: «Tout en encourageant nos vaillants militaires pour qui nous ne cessons de prier, nous déplorons cependant que certains de nos frères qui vont ou qui reviennent du front, semblent nous assimiler en leurs ennemis en nous pillant et nous tuant pour rien».
«On entend dire que certains commencent à vouloir installer leurs armes dans les parcelles des paisibles citoyens, comme pour transformer Bukavu, cette ville martyre de plus de trois décennies, en champ de bataille. Il faudrait y penser par deux fois, tenant compte, entre autres, du récent carnage de Goma». Mgr Rusengo fait allusion à la prise de Goma où, selon l’ONU, on dénombre 3’000 morts et près de 2’900 blessés.
A Bukavu, la capitale du Sud-Kivu, les habitants ont commencé à stocker des provisions. Le 7 février, plusieurs établissements universitaires, dont l’Université catholique, ont annoncé suspendre les cours, «au regard de la situation sécuritaire qui prévaut aux environs de la ville». Les institutions d’enseignement supérieur et universitaire ont en effet appelé leur personnel à arrêter le travail. Certaines écoles sont également concernées.
Depuis quelques jours, des consignes de sécurité circulent sur les réseaux sociaux en prévision des combats qui pourraient se dérouler à Bukavu: «Briefez les enfants que s’il y a des tirs pendant qu’ils sont à l’école qu’ils ne quittent pas l’école. S’ils sont en route qu’ils entrent dans une maison proche». «Ne pas passer sous les balles pour soit disant rentre à la maison se mettre à l’abri, restez où vous êtes jusqu’à l’accalmie. Notez que la première accalmie ne prend souvent pas beaucoup de temps» ou encore: «Evitez beaucoup de carburant dans votre véhicule. Il pourrait servir à amener très loin votre véhicule».
Les autorités tentent d’apaiser la population au sein de laquelle l’anxiété monte. «Le but de l’ennemi, c’est de faire paniquer la population, la faire fuir pour pouvoir entrer dans les villes qu’ils trouvent vides. Tout ça, c’est de la campagne d’intoxication. Que la population n’ait pas peur!», a affirmé le gouverneur de Bukavu aux médias locaux. Il a ajouté que «la guerre qui nous oppose au Rwanda/M23 est une guerre qui est non seulement militaire, mais aussi économique et médiatique».
En vertu d’un accord militaire de coopération en vigueur depuis 2023, la Force de défense nationale du Burundi (FDNB) a déployé environ 10’000 soldats burundais, pour faire face notamment au groupe armé M23, appuyé par le Rwanda. Depuis le 5 février, un nouveau bataillon est en train d’être rassemblé à Gatumba, ville-frontière avec la RDC, avant son déploiement dans la région de Bukavu. Le voisin de la RDC comptera 16 bataillons engagés sur sol congolais, soient environ entre 8’000 et 12’000 hommes.
Le Conseil des droits de l’homme de l’ONU a donné son feu vert, le 7 février, à l’ouverture d’une enquête sur les exactions commises dans l’est de la République démocratique du Congo (RDC). Le projet de résolution présenté par la RDC a été adopté sans vote, à l’issue d’une session extraordinaire, par les 47 États membres du Conseil.
En plus de trois ans de conflit, l’armée congolaise, réputée mal formée et minée par la corruption, n’a cessé de reculer dans l’est du pays, riche en ressources naturelles, que Kinshasa accuse Kigali de vouloir piller. (cath.ch/ag/bh)
Bernard Hallet
Portail catholique suisse
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