La semaine dernière, nous vivions la Semaine de prière pour l’unité des chrétiens. J’étais invité, dans une petite ville vaudoise, à donner une conférence intitulée «Notre foi commune au-delà de nos querelles de chapelles». Dans les locaux de l’Église catholique s’étaient réunis des représentants des communautés catholique, réformée, évangélique et orthodoxe ainsi que des autorités civiles. Après la conférence, un repas convivial a réuni tout ce monde. L’atmosphère était fraternelle et chaleureuse. Je m’y suis senti bien.
Ces personnes appartenaient à des chapelles différentes. Chacune avait ses propres spécificités en termes de dogmes, de rites, de manière de prier ou de se rapporter au monde. Et pourtant, à ce que je pouvais percevoir, tous s’étaient retrouvés ce soir-là à l’invitation d’une des communautés, partageant ce qu’ils étaient, sans gommer les différences. Une belle figure de l’hospitalité qu’ils s’étaient offerte les uns aux autres.
L’œcuménisme comme marche commune des confessions chrétiennes vers le Royaume est un lieu particulièrement approprié pour tester l’hospitalité dans l’Église. En effet, si cette démarche en recherche d’unité est nécessaire, c’est qu’il y a eu dans notre histoire des différences qui ont été sources de division. Et c’est justement dans le rapport à l’autre différent que l’hospitalité intervient. En effet, celui qui est de notre famille ne requiert pas l’hospitalité. Il fait partie de droit de la maison. Il peut être différent, mais d’une différence sans division.
«L’hospitalité n’est pas l’absorption ou la fusion»
L’étranger, lui, est porteur d’une différence qui sépare. On peut le maintenir à distance, actant cette différence séparatrice, mais on peut aussi l’accueillir, lui offrir l’hospitalité. Faisant cela, on indique que, malgré la différence, on peut habiter ensemble. Cela est possible parce qu’il y a entre nous du commun qui nous unit.
Alors la réflexion sur l’hospitalité doit colorer notre œcuménisme sur au moins deux points. D’une part, le rapport de celui qui reçoit à celui qui est reçu. Les règlements des Maison-Dieu (hôpitaux) médiévales, fortement influencés par le texte du jugement dernier, recommandaient d’accueillir «comme un seigneur» les pauvres et malades qui se présentaient à la porte. Cette recommandation est caractéristique de la vraie hospitalité. Celui qui reçoit a la responsabilité de casser l’asymétrie de la relation et de se mettre au niveau de l’autre pour qu’une vraie cohabitation temporaire puisse s’instaurer. Cela nous pousse à sortir de nos postures de supériorité face au «frère séparé» qui n’aurait pas encore tout compris.
«Si le langage est indispensable pour témoigner de la foi, il ne peut dire que toujours imparfaitement la richesse infinie du Mystère»
D’autre part le statut de la différence est à reconsidérer. Il ne s’agit pas de la faire disparaître. L’hospitalité n’est pas l’absorption ou la fusion. La différence reste, mais elle n’est plus menaçante, elle n’est plus séparatrice. Au contraire, elle enrichit celui qui lui ouvre sa porte. Nos identités ne sont pas définies par nos différences, mais par ce qui nous est commun et au nom de quoi l’hospitalité s’exerce: une fraternité humaine, plus spécifiquement dans l’hospitalité œcuménique, la foi commune que nous partageons. Ceci est d’autant plus vrai que les différences qui ont justifié nos divisions ne concernent pas la foi dans son cœur qui est la relation à Dieu et au Christ. Elles sont apparues lorsque différentes communautés ont tenté de mettre en mots cette foi. Or si le langage est indispensable pour témoigner de la foi, il ne peut dire que toujours imparfaitement et par approximations la richesse infinie du Mystère. Celui que je rencontre en lui offrant l’hospitalité vient avec ses mots un peu différents des miens. Si les deux ne s’excluent pas, mais se complètent, nous nous aiderons l’une l’autre à approfondir notre foi commune et rien ne nous retiendra alors de partager ensemble le repas.
Thierry Collaud
29 janvier 2025
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