«Le système dual déploie déjà une grande partie de ce que veut le Synode»

Fredy Bihler, secrétaire exécutif de la nouvelle Commission pour la synodalité de la Conférence des évêques suisses (CES), estime que le modèle ecclésial suisse, et notamment le système dual, est une chance pour l’expérimentation synodale. Le théologien observe un champ de tensions entre la demande de résultats rapides et une prise de conscience qui ne peut se faire que sur le long terme.

Regula Pfeifer, kath.ch / traduction et adaptation: Raphaël Zbinden

Fredy Bihler, âgé de 60 ans, est depuis 2024 directeur de la Commission de synodalité, créée par la CES. Le nouvel outil vise à explorer des voies de concrétisation du Synode sur la synodalité, qui s’est achevé à Rome en automne 2024, et qui a donné des impulsions pour une Église plus à l’écoute du peuple de Dieu.

Fredy Bihler a étudié la théologie à Fribourg, Canterbury (Royaume-Uni) et Innsbruck (Autriche). Il a ensuite travaillé dans la pastorale paroissiale et dans la diaconie de Caritas St-Gall-Appenzell – comme chef de projet et à la direction. Depuis quelques années, il travaille également comme conseiller en organisation et coach.

Quelle est votre principale motivation en tant que directeur de la Commission synodalité?
Fredy Bihler: L’Église vit actuellement l’un de ses moments clés depuis les années 1970. J’ai envie d’y participer.

Le Synode des évêques a donné aux Églises du monde entier le mandat de devenir plus synodales. L’Église doit être repensée à partir de ses marges, elle doit se convertir, et ce dans le monde entier. L’Église en Suisse a toute sa place dans la démarche. Notre système dual déploie déjà une grande partie de ce que veut le Synode, bien que la synodalité aille au-delà. Nous avons donc un bon champ de développement pour expérimenter des processus synodaux qui peuvent aussi être importants pour d’autres Églises.

«Le système dual actuel atteint ses limites»

Quels avantages avons-nous donc avec le système dual?
Avec le système dual, nous possédons un instrument qui facilite la mise en place de nouvelles structures et voies de décision. La répartition des moyens financiers se fait différemment qu’ailleurs. Les organisations de droit public ecclésiastique gèrent l’impôt ecclésiastique et reversent l’argent pour les activités pastorales. Un système auquel les baptisés et les laïcs participent.

Mais le système actuel atteint ses limites. Pour faire face aux grands défis de la transformation de l’Église, des adaptations sont nécessaires des deux côtés du système dual. C’est là que la synodalité peut nous aider aujourd’hui à emprunter de nouvelles voies. Cela peut aussi être un sujet passionnant pour l’Église universelle.

Qu’est-ce qui vous a motivé à vous engager dans le processus synodal?
Mon intérêt s’est éveillé lors d’un congrès à Rome il y a environ un an et demi. Des agents pastoraux laïcs de quatre continents s’y rencontraient. Cette réunion en marge de l’assemblée synodale de 2023 a été enrichissante et passionnante, j’ai remarqué que même si nos métiers et nos tâches ecclésiales étaient différents, nous étions très proches sur les questions fondamentales de l’Église et de ses structures. Par exemple sur les thèmes de la formation, des femmes, de la transparence et de la responsabilité, de la coresponsabilité et de la participation aux processus de décision ainsi que de l’organisation de l’Église locale. Cela m’a encouragé à collaborer au processus synodal.

Avez-vous de l’expérience avec les processus synodaux?
Pour moi, un processus synodal est un processus de participation. J’ai entrepris de telles démarches en tant que chef de projet dans la pastorale. J’ai veillé à ce que les collaborateurs aient leur mot à dire, qu’ils puissent s’impliquer et participer aux décisions. Dans mon travail chez Caritas, nous avions également mis en place de telles possibilités de participation. Cette préoccupation pour la cogestion est également fortement exprimée dans le document final du synode.

Les participants suisses au Synode sur la synodalité: Helena Jeppesen, Felix Gmür et Claire Jonard, 2024 | © Lucienne Bittar

J’ai constaté qu’au-delà d’un nécessaire objectif, il faut développer quelque chose de commun sur la base des compétences des personnes et transformer cela en un processus. Je suis fermement convaincu que cela fonctionne.

La commission doit développer et expérimenter des processus de décision synodaux à l’échelle nationale. Il s’agit de prendre en compte les impulsions diocésaines et celles de l’Église universelle. Une tâche qui s’annonce facile ou difficile?
Je pense que c’est très exigeant. Nous sommes mis au défi de présenter très vite quelque chose. Et en même temps, nous cherchons un renouveau spirituel, ce qui implique un changement de conscience qui se réalise dans le temps long. Il y a là une grande tension que nous devons affronter, car les deux aspects, la spiritualité et la structure, vont de pair. En tant que commission, nous sommes une sorte d’atelier qui doit trouver des solutions à ce problème. Nous devrons le gérer lors de nos réunions.

La commission synodale s’est réunie pour la première fois le 3 décembre 2024 – conjointement avec la CES et la Conférence centrale catholique romaine de Suisse (RKZ). Qu’est-ce qui en est ressorti?
Cette première journée synodale consistait tout d’abord à faire connaissance. Nous nous sommes aussi penchés sur les impressions des trois participants de la Suisse au Synode [Mgr Felix Gmür, évêque de Bâle; Helena Jeppesen et Claire Jonard] et sur les résultats du Synode d’octobre à Rome. Nous avons constaté que nous nous trouvions effectivement dans cet état de tension que j’ai mentionné – entre renouveau spirituel et changement structurel. Cela nous accompagnera certainement tout au long du processus. Nous voulons saisir la chance qui nous est offerte avec la phase d’essai de cinq ans.

«Nous prévoyons une assemblée synodale nationale pour 2026»

Une telle «rencontre trilatérale» – une journée de synodalité de la CES, de la RKZ et de la Commission de synodalité – est prévue chaque année. Ces journées seront le forum central de la réflexion commune sur la phase d’essai synodale en Suisse, le lieu d’échange entre l’équipe de l’atelier et les mandataires.

La Commission regroupe 31 personnes. Pourquoi un tel nombre?
Un projet de renouvellement spirituel et structurel d’une telle ampleur doit s’appuyer sur une large base de confiance. La Commission représente une diversité de voix dans notre Église. Cela permet de former une large opinion en matière de synodalité et de donner rapidement une résonance au travail de l’atelier.

Sans une telle participation et une telle concordance, il n’y a pas de synodalité. Je suis maintenant en train de faire connaissance avec les membres et de leur rendre visite. Et je constate que cela correspond à cette vision: ils représentent les régions linguistiques avec leurs cultures, le système dual, tous les niveaux de structure de l’Église, l’âge, les sexes, les professions. Je suis impatient de voir quels résultats en découleront pour notre travail.

Quand prévoyez-vous de présenter les premiers résultats?
La commission commencera son travail en février. Nous aurons alors notre première séance. Dans le cadre de la préparation avec le présidium [de la CES, ndlr], nous sommes en train d’aborder les premiers projets et de rassembler les thèmes. Ensuite, nous déciderons des premières étapes et projets, puis nous commencerons le travail en atelier. Parallèlement, nous pratiquons ensemble le renouveau spirituel.

Nous allons certainement nous pencher de manière approfondie sur le texte final du synode des évêques, qui a été validé par la note du pape en tant que magistère pontifical. Nous devons nous approprier le texte et réfléchir à la manière de le mettre en œuvre chez nous. Et en même temps, tenir compte des projets qui sont déjà en cours dans les diocèses.

Nous prévoyons une assemblée synodale nationale pour 2026. Il s’agira d’un premier travail synodal sur un thème au niveau suisse. Et nous réfléchissons à la manière dont nous voulons rendre notre processus visible pendant l’année en cours. Nous donnerons certainement des informations régulières à ce sujet sur le site internet de la phase d’essai synodale (synodal.ch). (cath.ch/kath/rp/rz)

Rédaction

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