La décision du président sortant Joe Biden de retirer Cuba de la liste des États soutenant le terrorisme a été rendue officielle le 14 janvier par la Maison-Blanche. Aussitôt, le président cubain Miguel Diaz-Canel a annoncé sur X «la décision unilatérale et souveraine de libérer 553 personnes condamnées pour divers délits».
Le ministère des Affaires étrangères cubain a indiqué que cette décision n’était aucunement liée à l’annonce américaine. La libération des prisonniers s’inscrit «dans l’esprit du Jubilé ordinaire de l’an 2025 déclaré par Sa Sainteté», souligne-t-il. Le président Miguel Diaz-Canel a d’ailleurs écrit en ce sens au pape François il y a quelques jours déjà, a-t-il tenu à préciser.
Pour rappel, Cuba a été placée sur la liste américaine des pays soutenant le terrorisme le 11 janvier 2021, dans les derniers jours de la première administration Trump. Cette décision avait été dénoncée en son temps par le président de la commission Justice et Paix de l’épiscopat américain, Mgr David Malloy. La Maison-Blanche avait alors argumenté que son objectif était de «priver le régime Castro des ressources qu’il utilise pour opprimer son peuple dans son pays et de contrer son ingérence malveillante au Venezuela et dans le reste de l’hémisphère occidental». Il est donc tout à fait envisageable que Donald Trump décide de remettre Cuba sur la liste noire des États-Unis après son retour au pouvoir.
Son futur chef de la diplomatie, le sénateur républicain de Floride Marco Rubio, a du reste bâti toute sa carrière politique en s’appuyant sur la diaspora cubaine anticastriste, rappelle l’ATS. Ses propres parents ont quitté Cuba pour les États-Unis en 1956, trois ans avant l’arrivée au pouvoir de Fidel Castro.
Cuba est majoritairement catholique. Depuis des années, les dirigeants de l’Église cubaine participent à des négociations avec le gouvernement communiste sur les droits de l’homme et les réformes du marché. Et cela fait aussi des années que le Vatican développe ses relations diplomatiques avec Cuba et intercède auprès des États-Unis pour qu’ils relâchent leurs sanctions à l’encontre de cette île-État et de ses habitants.
Après Jean Paul II en 1998, puis Benoît XVI en 2012, François s’est à son tour rendu à Cuba en 2015. Il est revenu à La Havane le 12 février 2016, pour sa rencontre historique avec le patriarche de Moscou, Cyrille.
Lors de ces deux visites, François avait été accueilli par Raul Castro, qu’il avait lui-même reçu au Vatican en mai 2015. En 2021, alors que le pays était en proie à d’importantes manifestations, François s’est déclaré «proche du cher peuple cubain dans ces moments difficiles, en particulier des familles qui souffrent le plus». Et en 2023, il a accueilli au Vatican le président Miguel Díaz-Canel.
Dans un billet publié sur son blog après l’annonce de Joe Biden, le cardinal O’Malley, ancien archevêque de Boston, s’est réjoui de voir les dirigeants cubains et américains «prendre des mesures qui, pendant des années, ont semblé impossibles». «Les efforts patients et persistants du pape François pour aider le peuple cubain et favoriser une plus grande compréhension entre nos deux peuples ont été une force sous-jacente dans la réalisation de cet accord historique», a-t-il ajouté.
De son côté, Mgr Thomas Wenski, archevêque de Miami, une ville qui a historiquement accueilli une grande part des migrants cubains et des Américains d’origine cubaine, a déclaré à l’agence de presse catholique CNA, que «Cuba, tout comme Haïti, le Nicaragua et le Venezuela, est sur le point de devenir un État en faillite». Ses habitants manquent de carburant et de nourriture et le pays n’a pas la capacité de «représenter une menace réelle pour les États-Unis». «Plus de 500’000 Cubains sont venus aux États-Unis ces derniers mois et leur présence n’a pas suscité de craintes accrues de terrorisme. (…) Il faut espérer que le retrait de la liste des États soutenant le terrorisme incitera le régime cubain à libérer ses milliers de prisonniers politiques», a-t-il ajouté.
Selon Human Rights Watch, plus d’un millier de personnes à Cuba répondent à la définition de prisonniers politiques. L’Église catholique a déjà plaidé par le passé pour la libération de prisonniers. En 2010, Raul Castro, alors président, avait négocié avec la hiérarchie catholique la libération d’un peu plus de 130 prisonniers politiques. Et en février 2023, un envoyé du pape François avait demandé à La Havane la libération des manifestants emprisonnés.
Joe Biden a annoncé encore deux autres mesures unilatérales destinées à soutenir les négociations en cours sous l’égide de l’Église catholique. Le président sortant a suspendu la possibilité de porter plainte devant des tribunaux américains pour des expropriations à Cuba et a levé certaines restrictions financières. (cath.ch/ag/cna/bostonglobe/lb)
Lucienne Bittar
Portail catholique suisse